OneWeb et Space X veulent connecter la population mondiale via des constellations gigantesques de satellites en orbite basse. Deux projets rivaux et similaires qui promettent une belle bataille à venir dans l’espace.
On se croirait revenu en pleine
guerre froide. Quand Les Etats-Unis et l’URSS s’affrontaient à coup de
fusées pour conquérir l’espace. Sauf qu’aujourd’hui, la guerre des
étoiles se joue entre deux acteurs privés : OneWeb, créé par l’ingénieur
et informaticien Greg Wyler, et Space X, la société de l’homme
d’affaires et patron de Tesla Elon Musk. Les deux hommes veulent lancer
des constellations de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de
satellites en orbite basse pour fournir un accès à internet.
Greg Wyler
a tiré le premier en dévoilant son projet dès 2014 et en créant la
société WorldVu pour le développer. Il veut constituer une flotte de 648
satellites en orbite basse, à 1200 km de la Terre. Wyler espère que le
tout sera opérationnel dès 2018 ! Coût de l’opération : 2 milliards de
dollars. Dans les investisseurs, on compte les groupes Virgin et Qualcomm qui viennent d’entrer au conseil d’administration.
© BILL PUGLIANO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / JODY AMIET / AFP
Greg Wyler et Elon Musk veulent devenir les nouveaux maîtres de l'espace.
Elon Musk
a répliqué plus tardivement, mais avec une annonce encore plus
impressionnante : il compte envoyer 4.000 satellites en orbite basse
pour un budget de 10 milliards de dollars ! Il est soutenu par Fidelity
Investments et peut compter sur un partenaire financier de choix : Google.
Vu la crédibilité des acteurs en
présence, tout le monde prend très au sérieux ces projets. Sauf que leur
gigantisme pose question. Tous les experts en télécommunications que
nous avons contactés nous ont confié qu'ils estimaient qu'il était
complètement fou de vouloir lancer autant de satellites. Fou parce que
cela ne s’est jamais fait et que cela pose de très nombreuses questions
techniques. Fou, mais pas impossible...
Comment ça va fonctionner ?
Dans
les deux cas, les satellites seront positionnés en basse altitude,
autour de 1.200 km. C’est nettement moins que les satellites en orbite
géostationnaire, qui gravitent à 35.786 km d’altitude. Ce qui présente
un certain nombre d’avantages : les lancements seront plus faciles à
faire, à puissance égale le débit sera plus important et la latence très
basse (aux alentours de 40 ms au lieu de 500 ms pour un satellite
géostationnaire). Ce dernier point est particulièrement important, car
ouvre la porte à des applications multimédias synchrones comme la
téléphonie sur IP, le chat vidéo, le jeu en ligne, le partage de
documents dans le cloud, etc. Des domaines où les satellites
géostationnaires ne sont pas bons.
Mais contrairement à leurs frères
géostationnaires, qui restent fixes dans le ciel, les satellites de Greg
Wyler et d’Elon Musk tourneront en permanence autour de la Terre, et
même plutôt rapidement (un tour complet en moins de 180 minutes). Pour
pouvoir couvrir une zone donnée en permanence, nos deux compères sont
donc obligés de lancer toute une flotte de satellites, chacun pouvant
prendre le relais de son voisin. Plus il y a de satellites, meilleur
sera le débit. Elon Musk veut même aller plus loin : il voudrait
interconnecter ses 4.000 satellites avec des rayons laser, ce qui lui
permettrait de créer un réseau maillé à très haut débit dans l’espace.
Pour interconnecter deux points terrestres, la communication pourrait
donc passer par plusieurs satellites d’affilée.
A qui ces réseaux seront-ils destinés ?
Connecter
les populations qui sont exclues d’Internet, c’est l’obsession de Greg
Wyler. Les utilisateurs finaux ciblés sont donc localisés avant tout
dans les pays émergents, mais aussi dans toutes les zones rurales qui
n’ont pas encore pu bénéficier d'infrastructures terrestres. Mais pas
seulement : il existe de nombreuses zones grises ou blanches du fait du
relief au sein de pays disposant déjà d’un très bon réseau.
Elon Musk, qui veut créer « un opérateur
Internet global », n’a pas la même approche. Il veut capter une grande
partie du trafic longue distance et donc plutôt jouer un rôle
d’opérateur d’opérateurs. Ces clients seront donc principalement des
sociétés télécoms. Seuls 10 % de la capacité de son réseau ne servirait à
connecter directement des particuliers.
Comment se connectera-t-on à ces réseaux ?
Pour
se connecter à un satellite en basse altitude - qui bouge donc sans
arrêt - il n’y a que deux possibilités : soit avec une antenne
parabolique orientable, capable de suivre un satellite à la trace, soit
avec une antenne omnidirectionnelle. Dans le premier cas, la qualité de
réception est bonne, mais le dispositif plutôt compliqué, donc pas
vraiment adapté à des particuliers. C’est pourquoi Greg Wyler optera
pour le second cas : ses antennes seront semisphériques et de la taille
d’un pneu. Il suffira de les installer en haut d’un toit, configurer la
bonne fréquence, et hop, on aura accès à de l’Internet haut débit à 50
Mbit/s. Elon Musk, qui desservira avant tout des sociétés télécoms,
devrait opter pour des antennes paraboliques orientables, ce qui lui
permettrait d’avoir un débit nettement supérieur, équivalent à celui des
réseaux optiques.
Quels sont les obstacles ?
© NASA
La plupart des débris spatiaux se trouvent en orbite basse, jusqu’à 2000 km d’altitude.
Les freins sont
nombreux. Le point le plus problématique est industriel : comment
arriver à construire et à lancer autant de satellites en quelques années
seulement ? Pour le moment, aucune structure n’est capable de le faire
dans le monde. Et impossible pour ces deux acteurs de tout développer en
interne. Il faudra donc trouver des partenaires et multiplier leurs
capacités d’approvisionnement et de production.
En espérant que les sociétés de
lancement pourront tenir le rythme et mettre les satellites sur orbite à
la chaîne. Greg Wyler s’est déjà rapproché d’Arianespace et pourrait se
servir des vaisseaux spatiaux de Virgin Galactic pour cela. De son
côté, Elon Musk compte bien entendu sur sa propose société Space X pour
assurer les mises sur orbite. Il vient d’ailleurs de créer une usine à
Seattle pour produire des fusées Falcon et des vaisseaux Dragon.
La question du financement se pose
également. A l’heure qu’il est, Space X n’a pas encore bouclé son budget
de 10 milliards de dollars. Or la durée de vie de ces petits satellites
ne devrait pas excéder 7 ans, contrairement aux satellites
géostationnaires qui peuvent durer 15 ans. Il faudra donc prévoir dans
les coûts de les remplacer très vite.
Enfin, reste l’épineuse question des
débris spatiaux particulièrement nombreux en orbite basse (voire la
carte). Si ces projets se concrétisent, les milliers de nouveaux
satellites envoyés devront se frayer un chemin parmi les résidus
d’anciennes missions spatiales, avant de devenir eux-mêmes à leur tour
des débris… Une situation qui pose de vraies questions de sécurité... et
écologiques.
Mais l’Internet par satellite, ça existe déjà, non ?
Oui,
et même depuis longtemps. Le premier à lancer un satellite pour
Internet (donc avec communications bidirectionnelles) était Eutelsat,
avec e-Bird en 2003. Depuis, d’autres ont fait pareil, tels qu’Intelsat,
Inmarsat ou SES. Leurs satellites sont géostationnaires, ce qui pose le
problème de la latence : le signal met 500 ms pour aller et revenir.
Pour une connexion ADSL, c’est entre 30 et 90 ms. Une conversation Skype
par satellite est donc un calvaire, une partie de jeu en ligne
impossible. Mais pour surfer et télécharger, c’est très correct, et même
parfois mieux qu’avec l’ADSL. Eutelsat, par exemple, propose un débit
de 20 Mbit/s en descendant et 6 Mbit/s en montant. L’abonnement dépend
du volume de données mensuel. Chez le revendeur Tooway, par exemple, il
faut débourser 29,90 € pour 10 Go/mois, et 89,90 € pour 100 Go/mois.
Pour gagner en performance par rapport à
ces infrastructures, Greg Wyler a créé O3B Networks, une flotte de 12
satellites qui gravitent en orbite moyenne à 8.000 km d’altitude,
permettant de réduire la latence à 125 ms. Le débit peut aller jusqu’à
500 Mbit/s, mais il faut des antennes paraboliques orientables. Cette
solution est donc plutôt destinée à des opérateurs télécoms ou des
entreprises.
Facebook et Google : le combat des drones
En 2014, Facebook a créé un nouveau département : le Connectivity Lab.
A sa tête, l'ingénieur Yaël Maguire. Ce dernier projette de faire voler
des drones solaires entre 18 000 et 27 000 mètres au-dessus du sol. Les
tests commencent cette année 2015 en Amérique Latine, en Asie et en
Afrique. Le projet est lié à celui d’Internet.org, l’appli de Facebook
qui propose des services internet gratuits dans les pays émergents. Le
réseau social a également racheté, au mois de mars 2014, la société
Ascenta qui veut envoyer 10 000 drones à 20 km d’altitude.
Face au réseau social, Google n’est
pas en reste. La firme a raflé le fabricant de drones pré-orbitaux Titan
Aerospace au mois d’avril 2014. Là encore, il s’agit de drones volant à
20 kilomètres d’altitude et fonctionnant à l’énergie solaire.
Enfin, Google a beaucoup communiqué sur son projet Loon, qui bénéficie d’un partenariat avec le Cnes français. C’est carrément le directeur du labo Google X Astro Teller qui pilote le projet. Et il affirme que sa société sera capable dès cette année de fournir de l'internet sans fil aux utilisateurs de portables de l'hémisphère sud grâce à cet anneau de ballons survolant constamment le sol.
Enfin, Google a beaucoup communiqué sur son projet Loon, qui bénéficie d’un partenariat avec le Cnes français. C’est carrément le directeur du labo Google X Astro Teller qui pilote le projet. Et il affirme que sa société sera capable dès cette année de fournir de l'internet sans fil aux utilisateurs de portables de l'hémisphère sud grâce à cet anneau de ballons survolant constamment le sol.
Lire aussi:
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