Après avoir réussi à instaurer un système de couches lavables dans une dizaine de services de garde de Montréal, un organisme communautaire veut maintenant implanter le même procédé dans les CHSLD. Un projet controversé qui est loin de faire l’unanimité.
En septembre prochain, douze centres de la petite enfance (CPE) et garderies auront un système permanent de couches lavables, gracieuseté de la SODER, l’éco-quartier de l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie.
Sur papier, le projet fait rêver. Fini le temps où les parents devaient fournir à la garderie les couches-culottes de leur enfant. Maintenant, à un coût minime (1 $ par jour), le service de garde fournit la couche, qui est ensuite nettoyée et réutilisée.
Au CPE Coeurs de l’île, dans Rosemont, on ne tarit pas d’éloges à l’endroit de cette pratique.
« J’adore ça, confie l’éducatrice Linda Comeau. Ça ne change rien pour nous et on sauvegarde l’environnement. Maintenant, on va même plus loin en compostant les matières fécales recueillies dans les couches. Mais une chance qu’on a l’appui de la SODER. Sans eux, rien de cela ne serait arrivé. »
Des couches pour les aînés
Fort de son succès, la SODER veut maintenant implanter le même système dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). Un projet-pilote, de concert avec le CSSS Lucille-Teasdale, pourrait débuter dès cet automne.
« On vise une implantation dans plusieurs CHSLD d’ici le printemps 2012 », confie le directeur général de l’organisme, Frédéric Bourrely.
Ce dernier s’avoue toutefois inquiet de l’impact que pourraient avoir sur son projet les nombreuses restrictions budgétaires imposées aux CSSS.
« Il faut être prêt à investir une certaine somme au départ, car une couche lavable coûte environ 15 $ l’unité. Mais ça a une durée de vie de deux à trois ans », fait valoir M. Bourrely.
« Ce projet en vaut la peine, poursuit-il. Les couches occupent la troisième place des ordures dans les sites d’enfouissement, après le papier et le plastique. De plus, selon nos estimations, les aînés consomment davantage de couches que les bébés sur l’île de Montréal. »
Plus écolo ?
Malgré le fait que l’utilisation des couches lavables implique une certaine consommation d’énergie, notamment pour la manutention et le lavage, Frédéric Bourrely assure que cette option est plus « écolo » au bout du compte.
« Il n’y a rien de pire que le site d’enfouissement, point à la ligne. »
Quant à la propreté de ces couches réutilisables, ce dernier tient à se faire rassurant.
« Nous avons recours à un processus industriel sophistiqué qui comprend 16 étapes de lavage. Rassurez-vous. C’est propre, propre, propre. »
«Laissez-les plutôt aller à la toilette»
« Commençons donc par s’occuper correctement de nos aînés et les laisser aller à la toilette, avant de penser aux couches lavables », s’insurge Luc Vallerand, directeur de l’Association québécoise des retraités des secteurs publics et parapublics (AQRP).
Comme bien d’autres de ses collègues qui oeuvrent pour la défense des droits des aînés, ce dernier questionne la pertinence du projet de la SODER, alors que des « questions urgentes » ne sont toujours pas réglées dans les résidences pour personnes âgées.
« Il n’y a même pas assez de personnel dans les CHSLD pour changer les couches jetables des personnes âgées, plaide-t-il. On manque de ressources et les besoins essentiels des aînés ne sont pas comblés. »
« Disons que les préoccupations environnementales ne font pas partie de nos priorités », ironise-t-il.
Dignité
La question de la « dignité des aînés » pose également problème, fait aussi remarquer Danis Prud’homme, directeur général de la Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ).
« On n’encourage pas le port de la couche, point. Il faudrait d’abord que l’on amène les gens à la toilette, plutôt que de passer par la solution facile de la couche, comme c’est le cas dans beaucoup d’endroits », affirme-t-il.
D’un côté comme de l’autre, les différentes associations de défense des aînés en appellent à la « prudence ».
« Avant de dire oui à tout cela, il faudrait d’abord effectuer une étude sérieuse pour savoir si ça vaut la peine au point de vue environnemental. Il faut aussi que les risques d’insalubrité soient pris en compte, avant de se lancer là-dedans tête première », soutient Paul Brunet, du Conseil pour la protection des malades.
Plus de 3,3 millions de Canadiens souffrent d’incontinence.