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mardi 17 février 2015

Internet dans l’espace : tout savoir sur la nouvelle guerre des étoiles


OneWeb et Space X veulent connecter la population mondiale via des constellations gigantesques de satellites en orbite basse. Deux projets rivaux et similaires qui promettent une belle bataille à venir dans l’espace.


On se croirait revenu en pleine guerre froide. Quand Les Etats-Unis et l’URSS s’affrontaient à coup de fusées pour conquérir l’espace. Sauf qu’aujourd’hui, la guerre des étoiles se joue entre deux acteurs privés : OneWeb, créé par l’ingénieur et informaticien Greg Wyler, et Space X, la société de l’homme d’affaires et patron de Tesla Elon Musk. Les deux hommes veulent lancer des constellations de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de satellites en orbite basse pour fournir un accès à internet.
Greg Wyler a tiré le premier en dévoilant son projet dès 2014 et en créant la société WorldVu pour le développer. Il veut constituer une flotte de 648 satellites en orbite basse, à 1200 km de la Terre. Wyler espère que le tout sera opérationnel dès 2018 ! Coût de l’opération : 2 milliards de dollars. Dans les investisseurs, on compte les groupes Virgin et Qualcomm qui viennent d’entrer au conseil d’administration.
Greg Wyler et Elon Musk veulent devenir les nouveaux maîtres de l\'espace.
© BILL PUGLIANO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / JODY AMIET / AFP
Greg Wyler et Elon Musk veulent devenir les nouveaux maîtres de l'espace.
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Elon Musk a répliqué plus tardivement, mais avec une annonce encore plus impressionnante : il compte envoyer 4.000 satellites en orbite basse pour un budget de 10 milliards de dollars ! Il est soutenu par Fidelity Investments et peut compter sur un partenaire financier de choix : Google.
Vu la crédibilité des acteurs en présence, tout le monde prend très au sérieux ces projets. Sauf que leur gigantisme pose question. Tous les experts en télécommunications que nous avons contactés nous ont confié qu'ils estimaient qu'il était complètement fou de vouloir lancer autant de satellites. Fou parce que cela ne s’est jamais fait et que cela pose de très nombreuses questions techniques. Fou, mais pas impossible...

Comment ça va fonctionner ?

Dans les deux cas, les satellites seront positionnés en basse altitude, autour de 1.200 km. C’est nettement moins que les satellites en orbite géostationnaire, qui gravitent à 35.786 km d’altitude. Ce qui présente un certain nombre d’avantages : les lancements seront plus faciles à faire, à puissance égale le débit sera plus important et la latence très basse (aux alentours de 40 ms au lieu de 500 ms pour un satellite géostationnaire). Ce dernier point est particulièrement important, car ouvre la porte à des applications multimédias synchrones comme la téléphonie sur IP, le chat vidéo, le jeu en ligne, le partage de documents dans le cloud, etc. Des domaines où les satellites géostationnaires ne sont pas bons.
Mais contrairement à leurs frères géostationnaires, qui restent fixes dans le ciel, les satellites de Greg Wyler et d’Elon Musk tourneront en permanence autour de la Terre, et même plutôt rapidement (un tour complet en moins de 180 minutes). Pour pouvoir couvrir une zone donnée en permanence, nos deux compères sont donc obligés de lancer toute une flotte de satellites, chacun pouvant prendre le relais de son voisin. Plus il y a de satellites, meilleur sera le débit. Elon Musk veut même aller plus loin : il voudrait interconnecter ses 4.000 satellites avec des rayons laser, ce qui lui permettrait de créer un réseau maillé à très haut débit dans l’espace. Pour interconnecter deux points terrestres, la communication pourrait donc passer par plusieurs satellites d’affilée.
Exemple d\'antennes paraboliques orientables
© O3B
Exemple d'antennes paraboliques orientables
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A qui ces réseaux seront-ils destinés ?

Connecter les populations qui sont exclues d’Internet, c’est l’obsession de Greg Wyler. Les utilisateurs finaux ciblés sont donc localisés avant tout dans les pays émergents, mais aussi dans toutes les zones rurales qui n’ont pas encore pu bénéficier d'infrastructures terrestres. Mais pas seulement : il existe de nombreuses zones grises ou blanches du fait du relief au sein de pays disposant déjà d’un très bon réseau.
Elon Musk, qui veut créer « un opérateur Internet global », n’a pas la même approche. Il veut capter une grande partie du trafic longue distance et donc plutôt jouer un rôle d’opérateur d’opérateurs. Ces clients seront donc principalement des sociétés télécoms. Seuls 10 % de la capacité de son réseau ne servirait à connecter directement des particuliers.

Comment se connectera-t-on à ces réseaux ?

Pour se connecter à un satellite en basse altitude - qui bouge donc sans arrêt - il n’y a que deux possibilités : soit avec une antenne parabolique orientable, capable de suivre un satellite à la trace, soit avec une antenne omnidirectionnelle. Dans le premier cas, la qualité de réception est bonne, mais le dispositif plutôt compliqué, donc pas vraiment adapté à des particuliers. C’est pourquoi Greg Wyler optera pour le second cas : ses antennes seront semisphériques et de la taille d’un pneu. Il suffira de les installer en haut d’un toit, configurer la bonne fréquence, et hop, on aura accès à de l’Internet haut débit à 50 Mbit/s. Elon Musk, qui desservira avant tout des sociétés télécoms, devrait opter pour des antennes paraboliques orientables, ce qui lui permettrait d’avoir un débit nettement supérieur, équivalent à celui des réseaux optiques.

Quels sont les obstacles ?

© NASA
La plupart des débris spatiaux se trouvent en orbite basse, jusqu’à 2000 km d’altitude.
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Les freins sont nombreux. Le point le plus problématique est industriel : comment arriver à construire et à lancer autant de satellites en quelques années seulement ? Pour le moment, aucune structure n’est capable de le faire dans le monde. Et impossible pour ces deux acteurs de tout développer en interne. Il faudra donc trouver des partenaires et multiplier leurs capacités d’approvisionnement et de production.
En espérant que les sociétés de lancement pourront tenir le rythme et mettre les satellites sur orbite à la chaîne. Greg Wyler s’est déjà rapproché d’Arianespace et pourrait se servir des vaisseaux spatiaux de Virgin Galactic pour cela. De son côté, Elon Musk compte bien entendu sur sa propose société Space X pour assurer les mises sur orbite. Il vient d’ailleurs de créer une usine à Seattle pour produire des fusées Falcon et des vaisseaux Dragon.
La question du financement se pose également. A l’heure qu’il est, Space X n’a pas encore bouclé son budget de 10 milliards de dollars. Or la durée de vie de ces petits satellites ne devrait pas excéder 7 ans, contrairement aux satellites géostationnaires qui peuvent durer 15 ans. Il faudra donc prévoir dans les coûts de les remplacer très vite.
Enfin, reste l’épineuse question des débris spatiaux particulièrement nombreux en orbite basse (voire la carte). Si ces projets se concrétisent, les milliers de nouveaux satellites envoyés devront se frayer un chemin parmi les résidus d’anciennes missions spatiales, avant de devenir eux-mêmes à leur tour des débris… Une situation qui pose de vraies questions de sécurité... et écologiques.

Mais l’Internet par satellite, ça existe déjà, non ?

Oui, et même depuis longtemps. Le premier à lancer un satellite pour Internet (donc avec communications bidirectionnelles) était Eutelsat, avec e-Bird en 2003. Depuis, d’autres ont fait pareil, tels qu’Intelsat, Inmarsat ou SES. Leurs satellites sont géostationnaires, ce qui pose le problème de la latence : le signal met 500 ms pour aller et revenir. Pour une connexion ADSL, c’est entre 30 et 90 ms. Une conversation Skype par satellite est donc un calvaire, une partie de jeu en ligne impossible. Mais pour surfer et télécharger, c’est très correct, et même parfois mieux qu’avec l’ADSL. Eutelsat, par exemple, propose un débit de 20 Mbit/s en descendant et 6 Mbit/s en montant. L’abonnement dépend du volume de données mensuel. Chez le revendeur Tooway, par exemple, il faut débourser 29,90 € pour 10 Go/mois, et 89,90 € pour 100 Go/mois.
Pour gagner en performance par rapport à ces infrastructures, Greg Wyler a créé O3B Networks, une flotte de 12 satellites qui gravitent en orbite moyenne à 8.000 km d’altitude, permettant de réduire la latence à 125 ms. Le débit peut aller jusqu’à 500 Mbit/s, mais il faut des antennes paraboliques orientables. Cette solution est donc plutôt destinée à des opérateurs télécoms ou des entreprises.
La constellation en orbite moyenne d\'O3B
La constellation en orbite moyenne d'O3B
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Facebook et Google : le combat des drones

En 2014, Facebook a créé un nouveau département : le Connectivity Lab. A sa tête, l'ingénieur Yaël Maguire. Ce dernier projette de faire voler des drones solaires entre 18 000 et 27 000 mètres au-dessus du sol. Les tests commencent cette année 2015 en Amérique Latine, en Asie et en Afrique. Le projet est lié à celui d’Internet.org, l’appli de Facebook qui propose des services internet gratuits dans les pays émergents. Le réseau social a également racheté, au mois de mars 2014, la société Ascenta qui veut envoyer 10 000 drones à 20 km d’altitude.
Face au réseau social, Google n’est pas en reste. La firme a raflé le fabricant de drones pré-orbitaux Titan Aerospace au mois d’avril 2014. Là encore, il s’agit de drones volant à 20 kilomètres d’altitude et fonctionnant à l’énergie solaire.
Enfin, Google a beaucoup communiqué sur son projet Loon, qui bénéficie d’un partenariat avec le Cnes français. C’est carrément le directeur du labo Google X Astro Teller qui pilote le projet. Et il affirme que sa société sera capable dès cette année de fournir de l'internet sans fil aux utilisateurs de portables de l'hémisphère sud grâce à cet anneau de ballons survolant constamment le sol.
Lire aussi:
Arianespace pourrait rejoindre OneWeb afin de connecter la planète via des satellites, le 21/01/2015
 
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