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vendredi 7 février 2020

Une cellule nourrit l'espoir d'un traitement universel de tous les cancers

Une cellule nourrit l'espoir d'un traitement universel de tous les cancers

Le poumon, le foie, le sein, le pancréas... Les cellules cancéreuses diffèrent en fonction de l'organe qu'elles envahissent, et exigent chacune un traitement bien spécifique. Il existerait cependant une cellule immunitaire universelle capable de s'attaquer à presque tous les types de cancers.




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Bien que le principe de propagation des cellules cancéreuses soit très similaire d'un cancer à un autre, il existe autant de types de cancer que d'organes dans lesquels cette maladie peut se développer. Cancer du sein, du poumon, du cerveau, du foie, de la prostate... Puisque tous les cancers sont des pathologies distinctes, chacune requière un traitement bien spécifique adapté à sa neutralisation. C'était du moins jusqu'à présent le cas. Une équipe de chercheurs de l'université de Cardiff (Royaume-Uni) a en effet publié dans la revue Nature immunology une étude décrivant la découverte d'une cellule immunitaire capable de s'attaquer à tous les types de cancer à la fois.

Autant de méthodes d’immunothérapie que de types de cancer

Nous ne parlons pas du cancer, mais des cancers, que seuls des traitements spécifiques à chaque type de cellule cancéreuse sont capables de soigner. Qu'ils fassent appel à des procédures chirurgicales ou à l'insertion de substances médicamenteuses dans l'organisme, comme la chimiothérapie, de nouveaux traitements sont sans cesse mis au point dans un souci d'amélioration des conditions de vie et des délais de guérison des patients atteints d'un cancer. L'une des dernières percées en termes d'immunothérapie à avoir fait son entrée dans l'arène de l'oncologie : les cellules CAR-T ("Chimeric antigen receptor T").
Les cellules CAR-T sont des lymphocytes T, des cellules immunitaires qui identifient et détruisent toutes les cellules reconnues comme étrangères à l’organisme. Bactéries, virus ou cellules cancéreuses, les lymphocytes T peuvent se battre contre tous les envahisseurs. À condition d’exprimer à leur surface une protéine chimérique (TCR) capable de reconnaître spécifiquement les cellules étrangères à éliminer, de manière à ne pas s’en prendre aux cellules saines. Les cellules malades diffèrent d’un cancer en autre, ce qui explique qu’il existe autant de TCR que de types de cancer. Cependant, le catalogue de la multitude de TCR est très épais et nous ne les possédons pas toutes. Nos lymphocytes ne peuvent donc pas attaquer toutes les cellules cancéreuses avant d’avoir l'arme adéquate, qu'il est parfois nécessaire d'injecter au patient qui ne la produit pas seul.
Afin d’adapter les lymphocytes T au traitement d’un type particulier de cancer, la méthode CAR-T consiste dans un premier temps en l’extraction des lymphocytes T du sang du patient atteint (voir schéma ci-dessous). Ces lymphocytes sont ensuite modifiés génétiquement afin de pouvoir présenter la protéine qui reconnaîtra les cellules cancéreuses, puis ils sont réintroduits dans le sang du patient par injection. L’objectif et d’insérer au sein du génome des lymphocytes le gène exact codant pour la protéine nécessaire à la reconnaissance des cellules cancéreuses. Le gène diffère pour tous les types de cancer, et les thérapies CAR-T sont donc très diverses. Cette méthode est toutefois inefficace face aux tumeurs solides, symptomatiques de la majorité des cancers que la thérapie CAR-T ne permet ainsi pas de traiter.
Cliquez sur l'image pour l'agrandir © Mehdi Benyezzar pour Sciences et Avenir

La protéine MR1 est présente dans tous les types de cellules cancéreuses

La protéine chimérique TCR des lymphocytes est essentielle à leur capacité de repérage des cellules cancéreuses, ce qui conduit à leur élimination. Ces cellules malades contiennent des protéines anormales que les lymphocytes peuvent identifier comme appartenant à des cellules cancéreuses. En présence du bon TCR dans leur membrane, les lymphocytes T font une "ronde" des cellules du secteur (le foie, le poumon ...) à la recherche des fameuses protéines anormales. Celles-ci sont attachées à des antigènes de leucocytes humains (HLA pour "Human leukocyte Antigen" en anglais), et c'est cette molécule qui est reconnue par le TCR des lymphocytes T. Le problème, c'est que ces HLA diffèrent en fonction des types de cancer et varient également d'une personne à une autre. Autant de paramètres qui ont jusqu'à présent empêché les scientifiques de créer un traitement unique à base de cellules T qui puisse cibler tous les cancers chez tous les patients.
Des scientifiques gallois ont découvert un nouveau type TCR qui reconnaît la plupart des types de cellules cancéreuses. Ce TCR ne sait identifier qu'un seul HLA, comme ceux des autres lymphocytes T, qui s'appelle MR1. MR1 se distingue des autres HLA bien particulièrement : il ne varie ni en fonction des types de cancers, ni en fonction des personnes. Autrement dit, bien qu'il ne sache reconnaître qu'un seul HLA, le nouveau TCR permet au lymphocyte T qui l'exprime sur sa membrane de savoir identifier diverses cellules cancéreuses car le HLA en question est naturellement présent dans différents types de cancer.

Le lymphocyte "universel" humain fonctionne chez les souris

La potentielle universalité de MR1 a interpellé les scientifiques qui ont entrepris de la mettre à l'épreuve dans le cadre d'une expérience sur des souris. Les chercheurs ont injecté des lymphocytes T qui possédaient le nouveau TCR capable de reconnaître MR1 à des souris porteuses chacune d'un différent type de cancer humain et dotées d'un système immunitaire humain. Les résultats furent surprenants : les nouveaux lymphocytes T neutralisèrent les cellules cancéreuses des poumons, de la peau, du sang, du côlon, du sein, des os, de la prostate, des ovaires, des reins et du col de l'utérus. Les lymphocytes des patients atteints de mélanome pouvaient également détruire les cellules cancéreuses de plusieurs patients en laboratoire, quel que soit le type de HLA du patient.
Tout aussi important à préciser, le TCR est parvenu sans souci à distinguer les cellules cancéreuses des cellules saines. Le professeur Andrew Sewell, auteur principal de l'étude, a déclaré dans un communiqué qu'il était "très inhabituel de trouver un TCR avec une spécificité cancéreuse aussi large". "Nous espérons que ce nouveau TCR pourra nous fournir une voie différente pour cibler et détruire un large éventail de cancers chez tous les individus", s'enthousiasme-t-il à l'idée de la conception d'une thérapie cancéreuse "universelle".

Sur la voie d'un traitement "universel" des cancers ?

Les mécanismes responsables de l'universalité du TCR découvert restent à investiguer, mais "ce nouveau type de thérapie par cellules T présente un potentiel énorme pour surmonter les limites actuelles du CAR-T, qui s'est efforcé d'identifier des cibles appropriées et sûres pour plus de quelques types de cancer", explique le professeur Oliver Ottmann, chef du département d'hématologie de l'Université de Cardiff. Le groupe de scientifiques prévoit de s'assurer, grâce à des tests de sécurité, que les lymphocytes T modifiés avec le nouveau TCR ne reconnaissent que les cellules cancéreuses. "Il y a beaucoup d'obstacles à surmonter, mais si ce test est concluant, j'espère que ce nouveau traitement pourra être utilisé chez les patients dans quelques années", précise le professeur Sewell.
"Le ciblage du cancer au moyen de lymphocytes T sensibles à MR1 est une nouvelle frontière passionnante : elle ouvre la perspective d'un traitement du cancer "universel", un seul type de lymphocytes T qui pourrait être capable de détruire de nombreux types de cancers différents dans la population", ambitionne le groupe britannique.

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