- Chaque année, des dizaines de cétacés s'échouent sur les rivages. Toujours spectaculaires, ces phénomènes, dont on trouve des traces dans des récits datant de l'Antiquité, restent pourtant encore empreints de mystère pour les scientifiques.
- Les raisons et hypothèses avancées diffèrent selon les mammifères, les côtes, et surtout, le type d'échouage, qu'il s'agisse de quelques individus isolés ou de groupes entiers.
- Malnutrition ou maladies
« Des examens post-mortem et l'analyse de la quantité de graisse dans des échantillons de chair ont montré que la plupart des jeunes étaient dans un état de grave malnutrition, explique Carly Holyoake, de l'université Murdoch. La plupart avaient un niveau très faible de graisse, indispensable pour l'énergie, la régulation thermique et la capacité à flotter. » Les raisons de ces carences pourraient être l'intensification de la pêche commerciale au krill, élément-clé du régime alimentaire des baleines, et l'influence, encore mal connue, du réchauffement climatique sur les quantités de ces petites crevettes dans les eaux.
Les échouages individuels peuvent aussi survenir lorsque les dauphins, baleines, marsouins ou phoques sont égarés, désorientés, malades ou victimes d'une infection. Pendant l'été 2013, des centaines de dauphins ont par exemple été infectés par des morbillivirus, des virus très contagieux qui provoquent des lésions de l'appareil respiratoire et du système nerveux. Affaiblis et désorientés, les mammifères sont alors venus mourir sur la plage.
- Problèmes d'orientation
Les problèmes d'orientation sont évoqués en premier lieu. En cause : des défaillances du système d'écholocation des mammifères qui, sur le principe du sonar, consiste à émettre des ondes acoustiques renvoyées lorsqu'elles heurtent un obstacle, leur permettant de se déplacer, communiquer ou repérer des proies.
Le système d'écholocation des dauphins. | DR
« Nous ne savons pas encore expliquer ces défaillances, prévient Willy Dabin, biologiste au Centre de recherches sur les mammifères marins de La Rochelle. Il pourrait s'agir d'une 'zone morte acoutisque', où les ondes envoyées ne reviennent pas, ou bien d'anomalies dans les champs géomagnétiques auxquels les animaux pourraient être sensibles. »
- Topographie complexe
Les scientifiques ont aussi observé des similitudes entre les fonds marins des endroits du monde qui enregistrent le plus d'échouages collectifs, à savoir certaines plages de Nouvelle-Zélande, d'Australie, des Malouines et de Cape Cod : il s'agit souvent de fonds plats, sablonneux ou boueux, en pente douce, qui pourraient nuire à la capacité d'orientation des animaux.
- Perturbations acoustiques
L'échouage d'une centaine de dauphins d'Electre près de Madagascar, en 2008, a ainsi été attribué par un panel d'experts à l'utilisation d'un sonar de cartographie à haute fréquence par la compagnie pétrolière ExxonMobil – qui a rejeté ces conclusions.
- Interactions sociales
Le scientifique, qui était alors chercheur à l'université d'Auckland en Nouvelle-Zélande, a recensé l'ADN de 490 baleines-pilotes lors de douze épisodes d'échouage en Australie et en Nouvelle-Zélande. Résultat : les dauphins échoués ensemble n'ont pas tous des liens de parenté, les petits pouvant se trouver très loin de leur mère. Mais tous appartiennent au même groupe.
« Les baleines-pilotes sont des animaux grégaires, qui vivent toute leur existence dans les mêmes groupes de quinze à vingt individus, articulés autour d'un axe matriarcal, poursuit Marc Oremus. Cet instinct social les pousse à suivre les autres individus jusqu'à l'échouage. Si on les remet à l'eau, ils reviendront s'échouer tant que leurs congénères seront sur la plage. » Le sauvetage des baleines échouées doit donc débuter par la remise à l'eau des meneurs.
- Audrey Garric
- REF.:
Journaliste au service Planète du Monde