Lorsqu'il remonte à la mémoire, un souvenir est fragile
Transformer un souvenir traumatique en banal mauvais souvenir, c'est le pari d'un chercheur canadien pour aider les victimes des attentats. Un pari pas si fou, puisqu'il se base sur les avancées de la recherche en neurosciences. En attendant "Envoyé spécial" du 14 septembre, découvrez la fascinante expérience qui l'a inspiré.
A Toulouse, au début des années 2000, Pascal Roulet et d'autres chercheurs du CNRS ont fait, au détour d'une expérience, cette découverte inattendue, dont les applications intéresseront les victimes de stress post-traumatique : lorsqu'il remonte à la mémoire, un souvenir est fragile... et malléable. Pour "Envoyé spécial", Pascal Roulet renouvelle cette expérience, qu'il a menée des centaines de fois sur des souris. Extrait.
Matériel : une cuve remplie d'eau. Le chercheur y plonge une souris pour la première fois. Celle-ci, en nageant, localise une plateforme immergée qui va lui servir à se reposer. Après plusieurs tentatives, le chemin jusqu'à la plafeforme est intégré, le souvenir fabriqué. Le lendemain, la souris retrouve immédiatement la plateforme. Le souvenir est ancré.
Une fenêtre temporelle pour agir sur la mémoire
Le troisième jour, pour réactiver ce souvenir, le rongeur est posé sur une autre plateforme au-dessus de l'eau. C'est à ce moment-là, alors qu'il se remémore ce qu'il a vécu à cet endroit, qu'il existe une fenêtre temporelle très courte où l'on va pouvoir rendre le souvenir labile, fragile, explique le chercheur. "C'est comme si on faisait remonter le souvenir à la surface ; à ce moment-là, et à ce moment-là seulement, il devient fragile." Une fenêtre temporelle très courte, soixante à quatre-vingt-dix minutes (chez la souris, et sans doute aussi chez l'homme) pendant laquelle on peut modifier la mémoire.La souris reçoit alors une injection d'une molécule inhibitrice de synthèse protéique. Plongée dans la piscine, elle cherche le chemin de la plateforme, qu'elle semble avoir oublié... comme si son niveau de mémoire avait été diminué. Une piste réelle pour aider des patients à oublier des événements spécifiques extrêmement traumatiques. Chez l'homme, la seule molécule qui aurait un effet (modéré) sur cette mémoire malléable, c'est le propranolol, un bêtabloquant connu depuis une soixantaine d'années et très bien toléré.
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