Réjean Hébert - Professeur à la Faculté de 
médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke, 
l'auteur fut le premier directeur de l'Institut du vieillissement des 
Instituts de recherche en santé du Canada et coprésident de la 
Consultation publique sur les conditions de vie des aînés en 2007 
  16 décembre 2011 
 
  
   Santé
  
  
 
Photo : Agence France-Presse Sébastien Bozon
L’insuffisance de l’aide à domicile transfère la responsabilité des soins aux proches aidants.
 
Le vieillissement de la population et la pandémie de maladies 
chroniques qui l'accompagne obligent à prioriser les soins à domicile. 
Or, le Québec fait piètre figure en ce domaine puisqu'il ne consacre aux
 soins à domicile qu'un peu plus de 400 millions de dollars, soit moins 
de 15 % des sommes allouées aux soins de lon-gue durée et moins de 2 % 
du budget de la santé. Malgré les beaux discours, la majeure partie du 
financement public en soins de longue durée est attribuée à 
l'hébergement institutionnel.     
    Cette insuffisance de l'aide à domicile transfère la responsabilité 
des soins aux proches aidants, souvent des femmes, qui s'épuisent à la 
tâche et doivent bien souvent quitter le marché du travail pour 
s'occuper de leur parent en perte d'autonomie. On constate aussi un 
système à deux vitesses car, faute de moyens, l'État limite l'accès des 
personnes vivant en résidences privées aux services à domicile auxquels 
elles devraient pourtant avoir droit. Ces personnes doivent donc payer 
pour recevoir des services sans qu'aucune norme n'existe pour évaluer 
les besoins, tarifer les services rendus ou s'assurer de leur qualité.
Investissement nécessaire
Il est donc urgent, non seulement d'investir massivement dans les soins à
 domicile, mais aussi de changer l'approche et la structure de 
financement. On estime qu'un investissement de 500 millions de dollars 
serait nécessaire pour entraîner un effet significatif sur l'offre de 
services à domicile. 
À court terme, cet investissement permettrait en plus de permettre aux 
femmes de demeurer sur le marché du travail tout en créant des emplois 
dans les organismes publics, les entreprises d'économie sociale et les 
agences privées. Il faudra s'assurer que ce personnel reçoive une 
formation adéquate et que le niveau des salaires soit à la mesure de la 
tâche et de l'engagement nécessaire aux soins des personnes en perte 
d'autonomie. 
Cet investissement réduira aussi l'utilisation inappropriée de l'hôpital
 pour héberger des personnes qui autrement pourraient recevoir des soins
 chez elles et réduira à terme les besoins pour des lits d'hébergement. À
 plus long terme, la priorité aux soins à domicile permettra de 
contrôler l'augmentation des coûts associés au vieillissement de la 
population et de limiter le fardeau financier des générations futures.
Expériences inspirantes
Au-delà de l'addition budgétaire, il faut aussi repenser la philosophie 
des soins à long terme. Il faut donner aux personnes les soins qu'elles 
requièrent là où elles habitent et non forcer les personnes à déménager 
vers les services. À l'instar d'autres pays comme le Danemark, les 
personnes en perte d'autonomie devraient recevoir les services 
appropriés, financés par l'État, et ce, nonobstant leur lieu de 
résidence. 
Il faut que l'accès aux soins à domicile devienne un droit et non 
simplement un privilège. Pour ce faire, une assurance autonomie doit 
être créée, comme l'ont fait de nombreux pays européens et asiatiques. À
 la suite de l'évaluation des besoins des personnes, une allocation de 
soutien à l'autonomie serait déterminée, permettant à la personne de 
recevoir les services requis par les organismes publics, privés ou 
bénévoles de son choix. L'allocation de soutien à l'autonomie 
s'accompagnerait d'une évaluation de la qualité des prestations. 
Il faut toutefois se garder de permettre une simple allocation en espèce
 (cash for care), comme c'est le cas en Allemagne, car ce genre 
d'allocation directe entraîne son lot de problèmes: travail au noir, 
risque d'abus, confinement des femmes dans des rôles traditionnels, 
pauvre qualité des prestations.
Pour financer cette assurance autonomie, il importe de créer une caisse 
autonomie séparée où les sommes dédiées seraient transférées pour 
assurer une étanchéité des budgets par rapport à l'ogre hospitalier, une
 gestion spécifique et une capitalisation des surplus éventuels. En 
priorisant les soins à domicile, cette caisse entraînera la nécessaire 
redistribution des budgets entre le domicile et l'institution de façon à
 répondre aux souhaits des personnes aînées de rester à domicile avec 
les proches qu'elles aiment tout en limitant la croissance des coûts.
C'est maintenant que le Québec doit opérer ce virage pour le bien-être 
des aînés et pour planifier l'avenir de façon responsable et équitable.
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REF.: Réjean Hébert - Professeur à la Faculté de médecine et des sciences de 
la santé de l'Université de Sherbrooke, l'auteur fut le premier 
directeur de l'Institut du vieillissement des Instituts de recherche en 
santé du Canada et coprésident de la Consultation publique sur les 
conditions de vie des aînés en 2007