Pour la première fois, des physiciens parviennent à mesurer comment des particules quantiques partagent des informations
Publié le 04 Mai 2023 à 14H00 Modifié le 4 mai 2023
Le partage d’information entre particules quantiques
Les particules quantiques ou les différentes parties d’un système quantique étendu peuvent partager une certaine quantité d’information.
Prenons un exemple pour comprendre cette idée : partons d’une meute formée de cinquante chiens de la même race et de la même hauteur au garrot, sauf un parmi l’ensemble de ces animaux qui est plus haut que les autres. Il est le seul de la meute à être aussi haut. Eh bien, il y a de fortes chances que ce chien qui est plus haut que ses congénères de la même race soit plus lourd que les autres. On peut donc dire que la quantité de hauteur de ce chien contient également des informations sur son poids !
Bien évidemment, ce lien entre ces quantités peut changer en fonction des quantités en question et du contexte. Mais la physique quantique permet d’établir des liens encore plus étroits entre différentes quantités, notamment en ce qui concerne le partage de certaines informations.
Il existe d’ailleurs à ce sujet, une prédiction théorique étonnante qui dit que la mesure de cette « information mutuelle » ne dépend pas du volume du système, mais uniquement de sa surface.
Aujourd’hui, en réalisant une expérience consistant à refroidir des atomes de rubidium presque au niveau du zéro absolu soit -273 °C dans une chambre à vide, puis à mesurer la quantité d’informations partagées entre les différentes parties du système, les scientifiques sont parvenus à confirmer cette théorie du partage de l’information mutuelle.
Lire aussi : Une mesure sur l’hélium défie la théorie quantique
Compréhension de cette notion de l’information mutuelle en physique quantique
Partons encore une fois d’un exemple pour tenter de comprendre les liens plus étroits entre particules que permet la physique quantique par rapport à la physique classique. Soit un récipient hermétiquement clos contenant un gaz quelconque. Considérons les molécules simples ou complexes de ce gaz comme des particules sous la forme de simples petites sphères situées à différents endroits du volume du contenant. On peut affirmer que si le système est en équilibre, toutes ces particules ne « savent » rien les unes des autres et on peut les considérer comme étant indépendantes. L’information mutuelle que partagent ces petites sphères est donc nulle. N’oublions pas que nous sommes dans la physique classique. Dans le monde quantique par contre, les « choses » peuvent être bien différentes !
Si l’on considère en effet que ces simples petites sphères ont un comportement quantique, on ne peut pas considérer qu’elles sont totalement indépendantes les unes des autres. Elles sont, dans le très étonnant monde de la physique quantique, mathématiquement liée à ce qui veut dire qu’il n’est pas possible de décrire une particule de manière isolée. La description d’une particule passe par la description des autres.
En physique quantique, il existe une prédiction concernant l’information mutuelle partagée. Dans notre gaz quantique, l’information mutuelle partagée est supérieure à zéro et ne dépend pas du volume, mais uniquement de la surface.
Lire aussi : Pourquoi la suprématie quantique est-elle si difficile à atteindre ?
Un nuage d’atomes ultrafroids
Pour vérifier que l’information mutuelle dans les systèmes quantiques à plusieurs corps augmente proportionnellement à leur surface plutôt qu’à leur volume, les physiciens de l’université de Vienne et des autres universités participantes ont réalisé une expérience sur un nuage d’atomes de rubidium, un élément métallique du groupe des alcalins, à ultra basse température.
Les chercheurs ont maintenu les atomes de rubidium en place à l’aide d’une puce atomique. Il s’agit d’un système ressemblant à une puce électronique dans lequel circule un courant électrique qui engendre un champ magnétique. Dans certaines conditions, ce champ magnétique peut piéger le nuage d’atomes et le maintenir en suspension à proximité immédiate de la puce. C’est ce qui s’est passé avec le nuage d’atome de rubidium qui a été refroidi à une température presque aussi basse que le zéro absolu. À de telles températures, les propriétés quantiques des particules atomiques deviennent plus importantes.
Lorsqu’un système composé d’atomes atteint des températures ultrafroides, l’information se propage de plus en plus au sein du système et les connexions entre les différentes parties sont plus importantes. À ce moment-là, un tel système peut se décrire à l’aide de la théorie quantique des champs.
Les physiciens perturbent légèrement certains atomes et observent la dynamique qui résulte de cette perturbation, un peu comme ce qui se passe quand on jette une pierre dans un étang et que l’on obtient des informations sur ce qui se produit suite à ce jet en étudiant les ondes produites.
Les physiciens vont maintenant tenter de mieux comprendre le phénomène quantique paradoxal pour mettre au point de nouvelles technologies capables d’en exploiter la puissance.
Lire aussi : Quelle différence entre physique quantique et mécanique quantique ?
Source :
Tajik, M., Kukuljan, I., Sotiriadis, S. et al. « Verification of the area law of mutual information in a quantum field simulator », Nature Physics, (2023), https://doi.org/10.1038/s41567-023-02027-1