Télécharger un album de Lady Gaga ou le film Alien est enfin possible en toute légalité en Russie: à une semaine d'intervalle, Apple et Google ont ouvert leurs boutiques en ligne sur ce difficile marché où le piratage reste monnaie courante.
Près de 10 ans après son arrivée aux États-Unis et après des mois de spéculations dans la blogosphère, Apple a lancé la version russe de son iTunes Store le 4 décembre, en même temps qu'en Turquie, Inde, Afrique du Sud et plus de 50 pays.
La tâche n'a pas été aisée pour la marque à la pomme. Le journal Vedomosti a révélé que le groupe californien, confronté à un système de droits d'auteurs très complexe, n'était pas parvenu à se mettre d'accord avec toutes les maisons de disques locales, écartant certains musiciens populaires en Russie.
Une semaine plus tard, Google a lancé la vente de films et de livres sur la plateforme Play destinée à son système Android, qui équipe la majorité des smartphones vendus dans le monde.
Ses responsables ont promis que la musique suivrait dans les mois qui viennent.
Le créateur du célèbre moteur de recherche américain a présenté à l'occasion des chiffres très prometteurs sur le marché russe.
Selon cette étude, réalisée par le cabinet J'son & Partners Consulting, il compte 22,5 millions d'utilisateurs actifsd'internet sur téléphone, soit 88% de plus qu'en 2011. Les ventes de tablettes y ont doublé cette année, à 2,5 millions d'unités.
Au total, l'étude estime le marché russe du "contenu" pour appareils mobiles à 3,2 milliards de dollars en 2013.
Apple et Google «se rendent compte de ce que peuvent leur rapporter les consommateurs russes (...), qui dépensent de l'argent», estime Nick Robinson, analyste chez Renaissance Capital.
Pour l'expert, le lancement de ces boutiques culturelles en ligne en Russie s'est longtemps heurté à la méfiance de ses habitants vis-à-vis des cartes de crédit et du paiement en ligne.
Cet obstacle a été partiellement franchi avec le lancement de moyens de paiement sécurisés sur internet.
Téléchargement illégal: une difficulté bien connue
Apple permet aussi à ses clients de régler sur des bornes présentes dans de nombreux commerces, où les Moscovites règlent déjà leurs factures.
Surtout, le marché russe reste marqué par la pratique très répandue du téléchargement illégal, nouveau visage du piratage alors que les kiosques à DVD ou CD contrefaits se sont raréfiés.
Dans son dernier rapport annuel, l'Alliance internationale pour la propriété intellectuelle (IIPA), qui représente l'industrie américaine, dénonçait le manque d'attention accordée par les autorités à cette question.
La pression s'est cependant accentuée sur Moscou, membre depuis le mois d'août de l'Organisation mondiale du Commerce. Le journal Vedomosti rapportait en novembre que le gouvernement préparait une vaste loi pour lutter contre le téléchargement illégal.
L'IIPA s'en prend aussi au très populaire réseau social VKontakte (190 millions d'utilisateurs), décrit comme «le premier distributeur de musique contrefaite en Russie et un lieu propice au piratage de films et programmes de télévision».
Une application gratuite disponible sur la plateforme Play de Google, permet paradoxalement d'écouter et sauvegarder musique et vidéo en provenance de VKontakte de manière illimitée.
Face à cette concurrence, Apple et Google se lancent avec des prix plus faibles que dans la plupart des pays occidentaux, avec des albums et films disponibles à partir de 100 roubles (2,5 euros).
Le téléchargement illégal «est une difficulté bien connue et c'est à nous de rendre notre catalogue enthousiasmant», a reconnu Richard Turner, l'un des responsables du programme Android.
«L'image de la Russie comme un pays où les gens ne sont intéressés que par le piratage a vieilli. Les Russes sont prêts à payer pour du bon contenu s'il est facile d'accès», a nuancé Dmitri Kouznetsov, directeur du marketing de Google en Russie.
Le groupe espère séduire les consommateurs avec une plateforme unique accessible en quelques clics sur son ordinateur ou quelques effleurements de doigt sur son téléphone et sa tablette.
«Le potentiel est là, mais l'attitude du consommateur ne changera pas dès le premier jour», relativise cependant l'analyste Nick Robinson.