L'appétit des Nigérians pour les
cryptomonnaies n'est pas affecté par la chute récente du bitcoin, dans
un pays miné par la corruption et la fuite des capitaux.
Le pays pétrolier de 190 millions d'habitants est le troisième
détenteur de bitcoins au monde en pourcentage du PIB, derrière la Russie
et la Nouvelle-Zélande, selon un rapport publié en décembre par la
banque américaine Citigroup.
Son succès, dans un pays marginalisé par le système financier international, est lié à son manque de régulation, et à la liberté qu'offre son utilisation.
Olaoluwa Samuel-Biyi, jeune entrepreneur de 27 ans en jeans moulant et à la coiffure ébouriffée, en est un bon exemple.
Il a commencé à penser aux cryptomonnaies le jour où les cartes de crédit et autres fournisseurs de moyens de paiement bien établis ont refusé un partenariat avec sa société de transfert d'argent, jugeant l'entreprise trop risquée.
La cryptomonnaie lui a semblé le seul moyen de résoudre son problème.
«Il est très difficile d'envoyer de l'argent du Nigeria au Zimbabwe, ou des États-Unis au Soudan», dit-il, car les banques se montrent «très frileuses» et les sociétés de paiement «généralement très gourmandes».
«La discrimination est très présente, nous devons contourner les obstacles pour réussir», explique-t-il.
La société de Samuel-Biyi, SureRemit, a mis au point sa propre cryptomonnaie, sur le modèle du bitcoin ou de l'ether.
Des jetons virtuels («tokens») servent à acquérir des bons d'achat qui servent eux-mêmes à acquérir des biens et payer des factures avec des négociants participant à l'entreprise, sans intermédiaire ni frais.
En janvier, SureRemit a lancé sa formule par un appel à un financement participatif (ICO) par lequel des gens achètent les «tokens» qui doivent être mis en circulation et utilisés dans huit pays, la plupart en Afrique et au Moyen-Orient.
Le marché africain
Les 500 millions de jetons, chacun d'une valeur de deux cents dollars, se sont vendus en deux jours seulement, arrachés pour la plupart par de grands acteurs du marché des cryptomonnaies, dont le sud-coréen Hashed, permettant la levée de 7 millions de dollars.
«Nous craignions qu'on soupçonne une escroquerie» en raison de la mauvaise réputation du Nigeria en matière de fraude en ligne «mais le monde nous a véritablement acceptés», se réjouit M. Samuel-Biyi.
Si le système des jetons fonctionne, SureRemit devrait prendre sa place dans le marché des transferts d'argent internationaux, un marché estimé par la Banque Mondiale à 429 milliards de dollars en 2016. Au seul Nigeria, il s'établissait la même année à 19 milliards de dollars, plus de 4% du PIB.
Car les frais imposés au sein de l'Afrique sub-saharienne sur les transferts d'argent figurent actuellement parmi les plus élevés au monde.
Ainsi, pour envoyer de l'argent de France au Mali, ils s'élèvent à 5%, mais ils atteignent quatre fois ce pourcentage pour un transfert du Nigeria au Mali.
Cette situation obligeait les Nigérians à chercher des solutions de rechange, parfois risquées.
«Je me souviens qu'en 2004, e-gold (une monnaie numérique disparue) représentait la seule option au Nigeria pour effectuer des paiements en ligne», rappelle Tim Akinbo, fondateur de Tanjalo, une société nigériane où l'on peut acheter des bitcoins en nairas, la monnaie nationale.
«Il existe encore des pays d'Afrique coupés du commerce international en ligne. Le bitcoin représente une technologie qui permet d'en faire partie financièrement».
La chute du naira, tombé à 305 nairas pour un dollar contre 169 en 2015, a rendu les cryptomonnaies encore plus attrayantes et les autorités ont fini par y prêter attention.
Le gouverneur de la banque centrale du Nigeria, Godwin Emefiele, a récemment mis en garde la population, estimant que «les cryptomonnaies ou le bitcoin sont comme un pari». Le Sénat a aussi lancé une enquête sur «la viabilité du bitcoin comme forme d'investissement».
Ces avertissements n'ont guère eu d'impact, estime Owenizi Odia, porte-parole pour le Nigeria de Luno, une autre plateforme d'échange de cryptomonnaie.
«Je pense qu'il existe une reconnaissance de cette technologie comme représentant l'avenir», ajoute Muyiwa Oni, analyste chez Stanbic IBTC Holdings à Lagos. Mais «pour l'instant nous tentons encore de voir qui seront les principaux acteurs» du secteur.
Samuel-Biyi espère bien figurer parmi eux. «Que les autorités qualifient cela de pari ou non, les Nigérians cherchent tous les moyens pour contourner les problèmes», dit-il. «On se débrouille toujours pour y arriver».
Son succès, dans un pays marginalisé par le système financier international, est lié à son manque de régulation, et à la liberté qu'offre son utilisation.
Olaoluwa Samuel-Biyi, jeune entrepreneur de 27 ans en jeans moulant et à la coiffure ébouriffée, en est un bon exemple.
Il a commencé à penser aux cryptomonnaies le jour où les cartes de crédit et autres fournisseurs de moyens de paiement bien établis ont refusé un partenariat avec sa société de transfert d'argent, jugeant l'entreprise trop risquée.
La cryptomonnaie lui a semblé le seul moyen de résoudre son problème.
«Il est très difficile d'envoyer de l'argent du Nigeria au Zimbabwe, ou des États-Unis au Soudan», dit-il, car les banques se montrent «très frileuses» et les sociétés de paiement «généralement très gourmandes».
«La discrimination est très présente, nous devons contourner les obstacles pour réussir», explique-t-il.
La société de Samuel-Biyi, SureRemit, a mis au point sa propre cryptomonnaie, sur le modèle du bitcoin ou de l'ether.
Des jetons virtuels («tokens») servent à acquérir des bons d'achat qui servent eux-mêmes à acquérir des biens et payer des factures avec des négociants participant à l'entreprise, sans intermédiaire ni frais.
En janvier, SureRemit a lancé sa formule par un appel à un financement participatif (ICO) par lequel des gens achètent les «tokens» qui doivent être mis en circulation et utilisés dans huit pays, la plupart en Afrique et au Moyen-Orient.
Le marché africain
Les 500 millions de jetons, chacun d'une valeur de deux cents dollars, se sont vendus en deux jours seulement, arrachés pour la plupart par de grands acteurs du marché des cryptomonnaies, dont le sud-coréen Hashed, permettant la levée de 7 millions de dollars.
«Nous craignions qu'on soupçonne une escroquerie» en raison de la mauvaise réputation du Nigeria en matière de fraude en ligne «mais le monde nous a véritablement acceptés», se réjouit M. Samuel-Biyi.
Si le système des jetons fonctionne, SureRemit devrait prendre sa place dans le marché des transferts d'argent internationaux, un marché estimé par la Banque Mondiale à 429 milliards de dollars en 2016. Au seul Nigeria, il s'établissait la même année à 19 milliards de dollars, plus de 4% du PIB.
Car les frais imposés au sein de l'Afrique sub-saharienne sur les transferts d'argent figurent actuellement parmi les plus élevés au monde.
Ainsi, pour envoyer de l'argent de France au Mali, ils s'élèvent à 5%, mais ils atteignent quatre fois ce pourcentage pour un transfert du Nigeria au Mali.
Cette situation obligeait les Nigérians à chercher des solutions de rechange, parfois risquées.
«Je me souviens qu'en 2004, e-gold (une monnaie numérique disparue) représentait la seule option au Nigeria pour effectuer des paiements en ligne», rappelle Tim Akinbo, fondateur de Tanjalo, une société nigériane où l'on peut acheter des bitcoins en nairas, la monnaie nationale.
«Il existe encore des pays d'Afrique coupés du commerce international en ligne. Le bitcoin représente une technologie qui permet d'en faire partie financièrement».
La chute du naira, tombé à 305 nairas pour un dollar contre 169 en 2015, a rendu les cryptomonnaies encore plus attrayantes et les autorités ont fini par y prêter attention.
Le gouverneur de la banque centrale du Nigeria, Godwin Emefiele, a récemment mis en garde la population, estimant que «les cryptomonnaies ou le bitcoin sont comme un pari». Le Sénat a aussi lancé une enquête sur «la viabilité du bitcoin comme forme d'investissement».
Ces avertissements n'ont guère eu d'impact, estime Owenizi Odia, porte-parole pour le Nigeria de Luno, une autre plateforme d'échange de cryptomonnaie.
«Je pense qu'il existe une reconnaissance de cette technologie comme représentant l'avenir», ajoute Muyiwa Oni, analyste chez Stanbic IBTC Holdings à Lagos. Mais «pour l'instant nous tentons encore de voir qui seront les principaux acteurs» du secteur.
Samuel-Biyi espère bien figurer parmi eux. «Que les autorités qualifient cela de pari ou non, les Nigérians cherchent tous les moyens pour contourner les problèmes», dit-il. «On se débrouille toujours pour y arriver».