Une cellule nourrit l'espoir d'un traitement universel de tous les cancers
Par
Héloïse Chapuis
le 27.01.2020 à 15h30
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Le poumon, le foie, le sein, le
pancréas... Les cellules cancéreuses diffèrent en fonction de l'organe
qu'elles envahissent, et exigent chacune un traitement bien spécifique.
Il existerait cependant une cellule immunitaire universelle capable de
s'attaquer à presque tous les types de cancers.
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Bien que le principe de propagation des cellules
cancéreuses soit très similaire d'un cancer à un autre, il existe autant
de types de cancer que d'organes dans lesquels cette maladie peut se
développer. Cancer du sein, du poumon, du cerveau, du foie, de la
prostate... Puisque tous les cancers sont des pathologies distinctes,
chacune requière un traitement bien spécifique adapté à sa
neutralisation. C'était du moins jusqu'à présent le cas. Une équipe de
chercheurs de l'université de Cardiff (Royaume-Uni) a en effet publié
dans la revue Nature immunology une étude décrivant la découverte d'une cellule immunitaire capable de s'attaquer à tous les types de cancer à la fois.
Autant de méthodes d’immunothérapie que de types de cancer
Nous ne parlons pas du cancer, mais des
cancers, que seuls des traitements spécifiques à chaque type de cellule
cancéreuse sont capables de soigner. Qu'ils fassent appel à des
procédures chirurgicales ou à l'insertion de substances médicamenteuses
dans l'organisme, comme la chimiothérapie, de nouveaux traitements sont
sans cesse mis au point dans un souci d'amélioration des conditions de
vie et des délais de guérison des patients atteints d'un cancer. L'une
des dernières percées en termes d'immunothérapie à avoir fait son entrée dans l'arène de l'oncologie : les cellules CAR-T ("Chimeric antigen receptor T")
.
Les cellules CAR-T sont des lymphocytes T, des cellules
immunitaires qui identifient et détruisent toutes les cellules reconnues
comme étrangères à l’organisme. Bactéries, virus ou cellules
cancéreuses, les lymphocytes T peuvent se battre contre tous les
envahisseurs. À condition d’exprimer à leur surface une protéine
chimérique (TCR) capable de reconnaître spécifiquement les cellules
étrangères à éliminer, de manière à ne pas s’en prendre aux cellules
saines. Les cellules malades diffèrent d’un cancer en autre, ce qui
explique qu’il existe autant de TCR que de types de cancer. Cependant,
le catalogue de la multitude de TCR est très épais et nous ne les
possédons pas toutes. Nos lymphocytes ne peuvent donc pas attaquer
toutes les cellules cancéreuses avant d’avoir l'arme adéquate, qu'il est
parfois nécessaire d'injecter au patient qui ne la produit pas seul.
Afin d’adapter les lymphocytes T au traitement d’un type
particulier de cancer, la méthode CAR-T consiste dans un premier temps
en l’extraction des lymphocytes T du sang du patient atteint (voir
schéma ci-dessous). Ces lymphocytes sont ensuite modifiés génétiquement
afin de pouvoir présenter la protéine qui reconnaîtra les cellules
cancéreuses, puis ils sont réintroduits dans le sang du patient par
injection. L’objectif et d’insérer au sein du génome des lymphocytes le
gène exact codant pour la protéine nécessaire à la reconnaissance des
cellules cancéreuses. Le gène diffère pour tous les types de cancer, et
les thérapies CAR-T sont donc très diverses. Cette méthode est toutefois
inefficace face aux tumeurs solides, symptomatiques de la majorité des
cancers que la thérapie CAR-T ne permet ainsi pas de traiter.
Cliquez sur l'image pour l'agrandir © Mehdi Benyezzar pour Sciences et Avenir
La protéine MR1 est présente dans tous les types de cellules cancéreuses
La
protéine chimérique TCR des lymphocytes
est essentielle à leur capacité de repérage des cellules cancéreuses, ce
qui conduit à leur élimination. Ces cellules malades contiennent des
protéines anormales que les lymphocytes peuvent identifier comme
appartenant à des cellules cancéreuses. En présence du bon TCR dans leur
membrane, les lymphocytes T font une "ronde" des cellules du secteur
(le foie, le poumon ...) à la recherche des fameuses protéines
anormales. Celles-ci sont attachées à des antigènes de leucocytes
humains (HLA pour "Human leukocyte Antigen" en anglais), et c'est cette
molécule qui est reconnue par le TCR des lymphocytes T. Le problème,
c'est que ces HLA diffèrent en fonction des types de cancer et varient
également d'une personne à une autre. Autant de paramètres qui ont
jusqu'à présent empêché les scientifiques de créer un traitement unique à
base de cellules T qui puisse cibler tous les cancers chez tous les
patients.
Des scientifiques gallois ont découvert un nouveau type TCR qui
reconnaît la plupart des types de cellules cancéreuses. Ce TCR ne sait
identifier qu'un seul HLA, comme ceux des autres lymphocytes T, qui
s'appelle MR1. MR1 se distingue des autres HLA bien particulièrement :
il ne varie ni en fonction des types de cancers, ni en fonction des
personnes. Autrement dit, bien qu'il ne sache reconnaître qu'un seul
HLA, le nouveau TCR permet au lymphocyte T qui l'exprime sur sa membrane
de savoir identifier diverses cellules cancéreuses car le HLA en
question est naturellement présent dans différents types de cancer.
Le lymphocyte "universel" humain fonctionne chez les souris
La potentielle universalité de MR1 a interpellé les scientifiques qui
ont entrepris de la mettre à l'épreuve dans le cadre d'une expérience
sur des souris. Les chercheurs ont injecté des lymphocytes T qui
possédaient le nouveau TCR capable de reconnaître MR1 à des souris
porteuses chacune d'un différent type de cancer humain et dotées d'un
système immunitaire humain. Les résultats furent surprenants : les
nouveaux lymphocytes T neutralisèrent les cellules cancéreuses des
poumons, de la peau, du sang, du côlon, du sein, des os, de la prostate,
des ovaires, des reins et du col de l'utérus. Les lymphocytes des
patients atteints de mélanome pouvaient également détruire les cellules
cancéreuses de plusieurs patients en laboratoire, quel que soit le type
de HLA du patient.
Tout aussi important à préciser, le TCR est parvenu sans souci à
distinguer les cellules cancéreuses des cellules saines. Le professeur
Andrew Sewell, auteur principal de l'étude, a déclaré dans un
communiqué qu'il était "
très inhabituel de trouver un TCR avec une spécificité cancéreuse aussi large". "
Nous
espérons que ce nouveau TCR pourra nous fournir une voie différente
pour cibler et détruire un large éventail de cancers chez tous les
individus", s'enthousiasme-t-il à l'idée de la conception d'une thérapie cancéreuse "universelle".
Sur la voie d'un traitement "universel" des cancers ?
Les mécanismes responsables de l'universalité du TCR découvert restent à investiguer, mais
"ce
nouveau type de thérapie par cellules T présente un potentiel énorme
pour surmonter les limites actuelles du CAR-T, qui s'est efforcé
d'identifier des cibles appropriées et sûres pour plus de quelques types
de cancer", explique le professeur Oliver Ottmann, chef du
département d'hématologie de l'Université de Cardiff. Le groupe de
scientifiques prévoit de s'assurer, grâce à des tests de sécurité, que
les lymphocytes T modifiés avec le nouveau TCR ne reconnaissent que les
cellules cancéreuses.
"Il y a beaucoup d'obstacles à surmonter, mais
si ce test est concluant, j'espère que ce nouveau traitement pourra
être utilisé chez les patients dans quelques années", précise le professeur Sewell.
"
Le ciblage du cancer au moyen de lymphocytes T sensibles à
MR1 est une nouvelle frontière passionnante : elle ouvre la perspective
d'un traitement du cancer "universel", un seul type de lymphocytes T qui
pourrait être capable de détruire de nombreux types de cancers
différents dans la population", ambitionne le groupe britannique.
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