A-R-N-m
: quatre lettres cristallisent depuis quelques semaines les espoirs de
millions de personnes à travers le monde. Plusieurs vaccins basés sur
l’injection de ces Acides RiboNucléiques Messagers ont en effet été
développés et leurs premiers résultats dépassent, pour l’instant, les
espoirs que chercheurs et médecins avaient osé formuler. Si ces vaccins à
ARNm sont une nouveauté pour le grand public, aucun n’ayant jamais
obtenu d’autorisation de mise sur le marché, l’approche est à l’étude
depuis plusieurs années dans les laboratoires de recherche. Très
concrètement, l’équipe dirigée par Ugur Sahin, cofondateur de
l’entreprise allemande BioNTetch qui a mis au point l’un des vaccins
candidats, fait partie des pionniers qui travaillent depuis plus de 10
ans sur des stratégies de vaccination par ARN pour lutter contre… les
cancers !
De l’ARN à la mobilisation du système immunitaire
Les
ARNm sont des molécules qui constituent, pour toutes les cellules, les
plans de fabrication des protéines. Le principe d’une vaccination basée
sur l’injection d’ARNm est relativement simple : les ARNm
injectés sont pris en charge pas les cellules de l’organisme, qui
l’utilisent pour produire la ou les protéine(s) correspondante(s).
Puis, comme elles le font avec toutes les protéines qu’elles
produisent, les cellules en exposent à leur surface des échantillons
représentatifs, pour que les cellules immunitaires en maraude puissent
les contrôler. Dans le cas de la vaccination contre le
SARS-Cov2, les ARNm injectés dans le vaccin codent notamment pour une
partie de la protéine S1, présente à la surface de l’enveloppe
virale. Ainsi, lorsque le contrôle a lieu, les cellules immunitaires qui
reconnaissent les échantillons comme étant issus d’un agent étranger,
mettent en place un dispositif de défense complet pour éliminer tout ce
qui y ressemble, dans l’instant mais aussi à l’avenir, grâce aux grandes
capacités de mémoire de notre système immunitaire. C’est le principe de
toute vaccination préventive : exposer à notre système immunitaire un
échantillon représentatif de l’agent pathogène pour qu’il développe, par
anticipation, tout l’arsenal défensif qui sera un jour mobilisé si le
pathogène se présente.
Pour activer le système immunitaire, l’ARNm
a un autre avantage : la simple présence de ces molécules dans notre
organisme est un signal d’alerte. Lorsque certaines cellules immunitaires captent une présence anormale d’ARN, des mécanismes inflammatoires sont déclenchés.
Ils contribuent à établir un contexte favorable à la réponse
immunitaire et sont indispensables dans une démarche de vaccination.
Dans les vaccins « classiques », ce rôle est joué par les adjuvants, qui
sont donc rendus inutiles dans les vaccins à ARNm.
L’approche vaccinale contre les cancers
Quand
il s'agit des cancers, l’approche n’est plus préventive ; elle vise à
être curative : on ne prépare pas le système immunitaire à être efficace
contre de futures et éventuelles cellules cancéreuses, mais on cherche à
faire en sorte de rétablir et focaliser son action quand un cancer
s’est développé. Au-delà de cette différence temporelle, le principe est
le même : faire en sorte d’exposer aux cellules immunitaires des
échantillons représentatifs des cellules cancéreuses, dans un contexte
inflammatoire adapté. Dès lors, l’une des grandes questions est de savoir quel(s) échantillon(s) présenter.
En effet, il faut s’assurer que ce ciblage ne puisse pas monter le
système immunitaire contre des cellules saines qui exprimeraient, elles
aussi, la protéine codée par les ARNm vaccinaux ! Pour trouver
des cibles spécifiques aux cellules cancéreuses, la piste que suivent
majoritairement les chercheurs repose sur l’exploration du patrimoine
génétique des tumeurs : certaines des mutations génétiques
présentes dans les cellules cancéreuses se répercutent directement sur
la nature des protéines produites par ces cellules. En désignant ces
protéines mutées au système immunitaire, ce que les immunologistes
appellent des « néo-antigènes », le ciblage de la tumeur est,
théoriquement, assuré.
Aujourd’hui, cette stratégie fait
déjà l’objet d’essais cliniques, à des stades encore précoces, notamment
dans le cadre de cancers du sein triple négatifs et de mélanomes.
Les néo-antigènes ciblés dans chaque cas sont multiples. Les vaccins
actuellement testés sont ainsi constitués d’un cocktail d’ARNm,
encapsulés dans des vésicules de lipides, destinées à protéger les
fragiles ARNm et à faciliter leur intégration dans les cellules.
Enfin,
certains travaux visent à optimiser encore la stimulation immunitaire
en ciblant spécifiquement l’activation des cellules dendritiques des
patients, dont on sait qu’elles jouent un rôle central dans
l’orchestration des réponses immunitaires : lorsqu’elles sont «
infectées » par l’ARN vaccinal, ciblant les néo-antigènes tumoraux, les
cellules dendritiques réagissent comme si elles faisaient face à une
infection virale et répondent en conséquence. Les premiers résultats
cliniques, très préliminaires, donc, semblent indiquer une bonne
efficacité de l’approche.
Face aux cancers, bien d’autres facteurs
entrent en ligne de compte pour espérer obtenir une efficacité
thérapeutique. En particulier, on sait que les tumeurs opposent de
nombreux freins au système immunitaire pour se prémunir de son action.
Les immunothérapies basées sur les inhibiteurs de points de contrôle
immunitaire (les anti-PD1, anti-PD-L1 et anti CTLA-4) pourraient donc,
évidemment, à terme, être associées aux éventuelles stratégies
vaccinales. Elles sont d’ailleurs déjà intégrées aux essais de
vaccination en cours contre les cancers.
De façon
générale, ces approches basées sur l’activation très précise du système
immunitaire ouvrent des perspectives inédites en termes de
personnalisation des traitements, la synthèse d’ARNm
spécifiques en laboratoire étant relativement simple en tant que telle
et donc réaliste dans le cadre d’une prise en charge. Evidemment, ces
développements doivent être accompagnés d’une grande vigilance quant à
la toxicité éventuelle (mais a priori faible) des ARN, des molécules qui
n’ont encore jamais été utilisées comme médicament. Les essais
cliniques mis en œuvre actuellement, à très grande échelle, devraient
apporter certaines réponses précises à ces questions. On peut aussi
espérer que ces essais permettront de générer des informations massives
sur la nature de la réponse immunitaire induite par ce nouveau type de
vaccination. Une connaissance importante pour, peut-être, identifier les
limites ou les opportunités de cette approche dans un contexte de
vaccination anti-cancéreuse.
Comme la chercheure:
Marie-Claude Bourgeois-Daigneault(pense appliquer un vaccin a base de virus d'ici 3 a 5 ans, au Québec !)
Titre: | Professeure sous octroi adjointe |
Adresse: | Centre de recherche du CHUM et Institut du cancer de Montréal.
Département de microbiologie, infectiologie et immunologie
Notre équipe de recherche étudie l’utilisation des virus oncolytiques comme traitement immunothérapeutique du cancer.
Plus spécifiquement, notre programme de recherche se divise en 3 principales facettes:
- l’utilisation des virus oncolytiques comme plateformes de vaccination anti-tumorale personnalisée
- le développement de stratégies de vaccination anti-tumorale hétérologue bactérie oncolytique-virus oncolytique
- l’étude de l’importance de l’immunoprotéasome pour l’activité immunothérapeutique des virus oncolytiques.
- On pense que c'est un aspect important des réponses durables observées chez certains patients et le domaine évolue rapidement vers l'immunothérapie. Comme moyen supplémentaire pour engager le système immunitaire, nous avons conçu un virus, le virus de la stomatite vésiculaire (VSV), pour coder l'interféron-γ cytokine pro-inflammatoire. Nous avons utilisé l'adénocarcinome mammaire 4T1 ainsi que d'autres modèles de tumeurs murines pour caractériser les réponses immunitaires chez les animaux porteurs de tumeurs générées par le traitement avec nos virus. Le virus codant pour l'interféron γ a démontré une plus grande activation des cellules dendritiques et a entraîné une sécrétion plus profonde de cytokines pro-inflammatoires par rapport au virus parental. D'un point de vue thérapeutique, le virus de l'interféron-γ a ralenti la croissance tumorale, minimisé les tumeurs pulmonaires et prolongé la survie dans plusieurs modèles de tumeurs murines. L'efficacité améliorée a été perdue chez les animaux immunodéprimés; par conséquent, le mécanisme semble être médié par les lymphocytes T. Pris ensemble, ces résultats démontrent la capacité des virus oncolytiques à agir en tant que stimulateurs immunitaires pour stimuler l'immunité antitumorale ainsi que leur potentiel pour une thérapie génique ciblée.
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R.D.
Sources :
Sahin, U. et al; An RNA vaccine drives immunity in checkpoint-inhibitor-treated melanoma; Nature; 29 juillet 2020
Sahin,
U. et al; Personalized RNA mutanome vaccines mobilize poly-specific
therapeutic immunity against cancer; Nature; 5 juillet 2017
Kranz,
L.M. et al; Systemic RNA delivery to dendritic cells exploits antiviral
defence for cancer immunotherapy; Nature; 1er juin 2016
Schmidt, M.
et al; T-cell responses induced by an individualized neoantigen specific
immune therapy in post (neo)adjuvant patients with triple negative
breast cancer; Annals of oncology; supplement de septembre 2020;
presentation au congrès de l’ESMO
REF.: