Une équipe de chercheurs de plusieurs universités dont des physiciens de
l’université de Vienne vient de mesurer pour la première fois un
phénomène quantique paradoxal. Dans Nature Physics, ils expliquent avoir
confirmé que l’information mutuelle dans les systèmes quantiques à
plusieurs corps augmente de manière proportionnelle à leur surface
plutôt qu’à leur volume.
Le partage d’information entre particules quantiques
Les
particules quantiques ou les différentes parties d’un système quantique
étendu peuvent partager une certaine quantité d’information.
Prenons
un exemple pour comprendre cette idée : partons d’une meute formée de
cinquante chiens de la même race et de la même hauteur au garrot, sauf
un parmi l’ensemble de ces animaux qui est plus haut que les autres. Il
est le seul de la meute à être aussi haut. Eh bien, il y a de fortes
chances que ce chien qui est plus haut que ses congénères de la même
race soit plus lourd que les autres. On peut donc dire que la quantité
de hauteur de ce chien contient également des informations sur son
poids !
Bien évidemment, ce lien entre ces quantités peut changer en fonction des quantités en question et du contexte. Mais la physique quantique
permet d’établir des liens encore plus étroits entre différentes
quantités, notamment en ce qui concerne le partage de certaines
informations.
Il existe d’ailleurs à ce sujet, une prédiction
théorique étonnante qui dit que la mesure de cette « information
mutuelle » ne dépend pas du volume du système, mais uniquement de sa
surface.
Aujourd’hui, en réalisant une expérience consistant à refroidir des atomes de rubidium presque au niveau du zéro absolu
soit -273 °C dans une chambre à vide, puis à mesurer la quantité
d’informations partagées entre les différentes parties du système, les
scientifiques sont parvenus à confirmer cette théorie du partage de
l’information mutuelle.
Lire aussi : Une mesure sur l’hélium défie la théorie quantique
Compréhension de cette notion de l’information mutuelle en physique quantique
Partons encore une fois d’un exemple pour tenter de comprendre les
liens plus étroits entre particules que permet la physique quantique par
rapport à la physique classique. Soit un récipient hermétiquement clos
contenant un gaz quelconque. Considérons les molécules simples ou
complexes de ce gaz comme des particules sous la forme de simples
petites sphères situées à différents endroits du volume du contenant. On
peut affirmer que si le système est en équilibre, toutes ces particules
ne « savent » rien les unes des autres et on peut les considérer comme
étant indépendantes. L’information mutuelle que partagent ces petites
sphères est donc nulle. N’oublions pas que nous sommes dans la physique
classique. Dans le monde quantique par contre, les « choses » peuvent être bien différentes !
Si l’on considère en effet que ces simples petites sphères ont un
comportement quantique, on ne peut pas considérer qu’elles sont
totalement indépendantes les unes des autres. Elles sont, dans le très
étonnant monde de la physique quantique, mathématiquement liée à ce qui
veut dire qu’il n’est pas possible de décrire une particule de manière
isolée. La description d’une particule passe par la description des
autres.
En physique quantique, il existe une prédiction
concernant l’information mutuelle partagée. Dans notre gaz quantique,
l’information mutuelle partagée est supérieure à zéro et ne dépend pas
du volume, mais uniquement de la surface.
Lire aussi : Pourquoi la suprématie quantique est-elle si difficile à atteindre ?
Un nuage d’atomes ultrafroids
Pour vérifier que l’information mutuelle dans les systèmes quantiques à
plusieurs corps augmente proportionnellement à leur surface plutôt qu’à
leur volume, les physiciens de l’université de Vienne et des autres
universités participantes ont réalisé une expérience sur un nuage
d’atomes de rubidium, un élément métallique du groupe des alcalins, à ultra basse température.
Les chercheurs ont maintenu les atomes de rubidium en place à l’aide
d’une puce atomique. Il s’agit d’un système ressemblant à une puce
électronique dans lequel circule un courant électrique qui engendre un champ magnétique.
Dans certaines conditions, ce champ magnétique peut piéger le nuage
d’atomes et le maintenir en suspension à proximité immédiate de la puce.
C’est ce qui s’est passé avec le nuage d’atome de rubidium qui a été
refroidi à une température presque aussi basse que le zéro absolu. À de
telles températures, les propriétés quantiques des particules atomiques
deviennent plus importantes.
Lorsqu’un système composé d’atomes
atteint des températures ultrafroides, l’information se propage de plus
en plus au sein du système et les connexions entre les différentes
parties sont plus importantes. À ce moment-là, un tel système peut se
décrire à l’aide de la théorie quantique des champs.
Les
physiciens perturbent légèrement certains atomes et observent la
dynamique qui résulte de cette perturbation, un peu comme ce qui se
passe quand on jette une pierre dans un étang et que l’on obtient des
informations sur ce qui se produit suite à ce jet en étudiant les ondes produites.
Les physiciens vont maintenant tenter de mieux comprendre le phénomène
quantique paradoxal pour mettre au point de nouvelles technologies
capables d’en exploiter la puissance.
Lire aussi : Quelle différence entre physique quantique et mécanique quantique ?
Source :
Tajik, M., Kukuljan, I., Sotiriadis, S. et al. « Verification of the area law of mutual information in a quantum field simulator », Nature Physics, (2023), https://doi.org/10.1038/s41567-023-02027-1

