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Une partie du voile est levée sur la communication neuronale
Des chercheurs français de l'Inserm, spécialistes du cerveau, ont découvert un moyen d'agir sur la communication entre cellules nerveuses, qui pourrait faire progresser, à terme, le traitement de l'épilepsie, du strabisme ou des rides.
L'équipe de Michael Seagar, un Britannique qui dirige à Marseille une unité de recherche de l'Inserm sur la neurobiologie des canaux ioniques - protéines membranaires perméables aux ions, jouant un rôle central dans les neurones - travaille plus particulièrement sur le processus de sécrétion des neurotransmetteurs.
Ceux-ci sont des médiateurs chimiques que sécrètent les cellules nerveuses pour communiquer entre elles ou avec un muscle. Contenus dans des vésicules au niveau des terminaisons nerveuses, ils sont libérés par un processus de fusion membranaire nécessitant une stimulation électrique et une intervention ionique.
En étudiant cette «machinerie», les chercheurs ont identifié un nouveau composant moléculaire jouant un rôle-clé dans la fusion membranaire, en interagissant avec une protéine déjà identifiée comme actrice du processus. Et en perturbant cette interaction avec un composant de synthèse qui imite l'un des partenaires, ils ont réussi à inhiber la neurotransmission. «Comme l'extrémité d'une clé cassée dans le logement d'une serrure empêcherait l'introduction d'une autre clé pour ouvrir la porte», compare M. Seagar.
Les champs d'utilisation de cette découverte, publiée en juillet dans la revue Neuron, sont potentiellement multiples, selon l'Inserm.
Dans le cadre d'un contact nerf-nerf, susciter une telle inhibition pourrait permettre de réduire l'hyperexcitation neuronale à l'origine de l'épilepsie. Entre un nerf et un muscle, elle pourrait réduire des contractions musculaires indésirables comme le strabisme ou les rides.
Les chercheurs ont déposé un brevet et discutent avec un partenaire industriel français, mais soulignent qu'il faudra encore plusieurs années pour mettre au point une molécule utilisable en thérapeutique.
Dans ce laboratoire rattaché aussi à l'Université de la Méditerranée, d'autres équipes étudient le fonctionnement des cellules nerveuses, à partir d'échantillons prélevés sur des cerveaux animaux et mis en culture.
«On travaille sur les composants de la machine, car on ne peut pas réparer une voiture si l'on ne sait pas à quoi sert la batterie», explique M. Seagar, le cerveau étant constitué de plusieurs dizaines de milliards de neurones communiquant entre eux dans un réseau très complexe.
Jean-Marc Goaillard, à la tête d'une équipe dotée du label d'excellence des jeunes équipes de l'Inserm «Avenir», analyse l'homéostasie de l'excitabilité des neurones. Ou comment ceux-ci maintiennent une activité électrique stable alors qu'ils sont naturellement prédisposés pour surchauffer en raison de la plasticité des synapses (zone de contact entre deux neurones), qui fonctionnent d'autant plus efficacement qu'elles fonctionnent souvent, là étant le secret de l'apprentissage et de la mémoire.
«Imaginez une table possédant des centaines de pieds qui serait sur un sol flottant. Il faudrait tout un ensemble de régulations précises et coordonnées de la longueur des pieds pour la maintenir horizontale. C'est pareil pour l'activité des neurones et cette arithmétique moléculaire est inconnue», explique-t-il.
Ses recherches portent notamment sur une partie du cerveau appelée substance noire, dont la dégénérescence provoque la maladie de Parkinson, qui pourrait avoir un lien avec des désordres de l'activité électrique des neurones.REF.: