Une des raisons pour lesquelles la 5G est si importante pour
les fournisseurs cellulaires est qu’elle leur permet de connecter
davantage d’appareils à leurs réseaux. Or, dans bien des cas, la
connexion se fera sans carte SIM, la fameuse « puce » qu’on trouve dans
les sans-fil vendus au Canada. Le moment serait donc opportun pour que
l’industrie se débarrasse de ces puces, une fois pour toutes.
Pour une rare fois, ce sont tout autant les consommateurs que les
fournisseurs qui tireraient des bénéfices d’un changement technologique
dans le secteur du sans-fil. Même le gouvernement y trouverait son
compte !
Bon pour le consommateur
D’autant plus qu’une solution de remplacement aux cartes SIM est déjà
tout indiquée : il s’agit d’une solution appelée eSIM pour « SIM
embarquée » (traduction libre). En gros, c’est comme si on greffait de
façon permanente une SIM à l’appareil mobile, excepté que cette eSIM
peut accueillir jusqu’à cinq SIM virtuelles en même temps.
La pratique est très peu populaire au Canada, mais dans des marchés
où la concurrence entre fournisseurs est vive, il n’est pas rare pour
des consommateurs de recourir à deux SIM dans le même téléphone. Par
exemple, une peut servir pour les appels et les textos chez un
fournisseur et l’autre est associée à un forfait de données plus
abordable chez un autre fournisseur. Ou alors, une est enregistrée dans
un pays et l’autre, à un autre endroit, pour économiser des frais
d’itinérance ou d’interurbains.
Avec une carte eSIM à bord, le propriétaire d’un sans-fil n’a pas à
visiter une boutique ou à parler à un agent du service à la clientèle
pour changer de fournisseur. Tout peut se faire à même l’écran de
l’appareil, où on voit affichés les services compatibles et les forfaits
qu’ils offrent.
Le gouvernement gagnant
Accroître le pouvoir de choisir du consommateur rend le marché plus
compétitif. C’est aussi simple que ça. C’est quelque chose que répète
depuis des années déjà le gouvernement canadien : si on souhaite voir
baisser de façon durable les prix des services de télécommunications, il
faut stimuler la concurrence.
La concurrence peut prendre plusieurs formes.
Avant la COVID et la fermeture prolongée des frontières, la partie
des revenus des fournisseurs canadiens de sans-fil qui connaissait la
plus forte croissance était celle des frais excédentaires et des frais
d’itinérance. Les frais excédentaires sont ceux qu’on paie quand on
consomme davantage de minutes, de messages ou de données mobiles que ce
qu’offre son forfait mensuel. Les frais d’itinérance sont ceux qui sont
facturés quand on utilise son téléphone à l’extérieur de la zone de
couverture du réseau auquel il est associé.
Les deux mis ensemble ont rapporté environ 1,2 milliard de dollars
annuellement aux fournisseurs entre 2016 et 2019. L’introduction de
forfaits « illimités » cette année-là, un peu après l’imposition d’un
plafond sur les frais excédentaires, a réduit l’importance de cette
source de revenus qui, avant la pandémie, représentait quand même
environ 5 % des revenus totaux dans le sans-fil.
Maintenant que les voyageurs reprennent leurs habitudes, il y a fort à
parier que les frais d’itinérance reviendront engraisser les coffres
des fournisseurs canadiens. Or, si on troquait la carte SIM pour une
carte eSIM, les utilisateurs d’un sans-fil pourraient payer pour un
forfait local temporaire là où ils se déplacent, et économiser beaucoup
d’argent.
Offrir des moyens abordables de contourner les frais excédentaires
est une façon de rendre le marché du sans-fil plus compétitif.
Aussi bon pour les fournisseurs
Les fournisseurs de sans-fil vont miser sur la technologie eSIM pour
propulser le marché des objets connectés, lui qui peine à prendre son
envol parce que les consommateurs n’en voient pas l’utilité. Avec
raison : vu le prix qu’il faut payer pour connecter ne serait-ce qu’une
montre intelligente à un réseau sans fil, personne ne va rêver d’y
connecter plus que le minimum requis, soit un téléphone, et guère plus.
Avec la technologie eSIM, les fournisseurs pourront créer des
forfaits allégés sur mesure pour des objets connectés dont les fonctions
sont limitées. Pensez à une caméra de surveillance pour le bureau ou la
maison. Ou des capteurs météorologiques pour agriculteurs.
Mais il y a plus : la technologie eSIM pourrait aider les
fournisseurs à réduire de façon concrète et calculable leur empreinte
environnementale. Car la production et l’utilisation d’une eSIM plutôt
que de la carte SIM entraînent une réduction de 46 % des émissions de
gaz à effet de serre sur toute la chaîne d’approvisionnement dans le
marché du sans-fil.
Chaque carte eSIM produite en remplacement d’une carte SIM évite
l’émission de 106 grammes de CO2. C’est peu, direz-vous, mais faites le
calcul : il se vend 1,4 milliard de téléphones chaque année dans le
monde. On compte présentement plus de 9 milliards de cartes SIM actives.
Le Canada a des cibles de réduction de ses émissions polluantes. Les
grandes entreprises canadiennes ont des engagements elles aussi. Les
fournisseurs canadiens de services sans fil ont leurs propres cibles.
Évidemment, il existe une multitude d’autres façons de réduire leur
empreinte carbone, et la gestion de leur infrastructure en est une plus
importante.
Mais en adoptant la carte eSIM, non seulement ils feraient déjà un
petit pas dans la bonne direction, mais ils feraient aussi dans la
foulée le plaisir de tout le monde, y compris leurs clients et le
gouvernement.
REF.: https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/774261/chronique-a-bas-les-telephones-a-puce