Si la 4G est devenue une réalité dans de nombreux pays, dont la France, les opérateurs et les équipementiers ont évidemment déjà les yeux tournés vers l'avenir. Le LTE en a encore sous le pied (avec notamment le LTE-Advanced) mais il s'agit dès à présent de se pencher sur son successeur, la 5G qui proposera des débits supérieurs à 10 gigabit par seconde.
La problématique reste la même pour les opérateurs : accompagner l'explosion de la consommation data et des nouveaux usages. Selon Ericsson, le trafic data mobile sera multiplié par 10 entre 2013 et 2019 (par 9 en Europe de l'Ouest) pour atteindre le chiffre record de 10 exaoctets.
Mais le débit en tant que tel ne sera pas l'argument numéro un... "Notre vision, c'est vraiment la diversité des besoins, notamment avec le Machine to Machine (M2M) de nouvelle génération, la sécurité, le cloud, la e-santé, la e-éducation, l'internet des objets, le secteur automobile, le broadcast...", nous explique Viktor Arvidsson, directeur de la stratégie pour Ericsson France. On peut également évoquer la latence proche de zéro.
Adresser plus de besoins
Et déjà se profile une bataille géopolitique entre l'Asie et l'Europe. Ainsi les autorités sud-coréennes
ont annoncé leur intention d'investir 1,1 milliard d'euros dans ce protocole. Le chinois Huawei
a de son côté déclaré qu'il allait investir 600 millions de dollars d'ici 2018 dans cette technologie.
Sur le Vieux Continent, la Commission
veut reprendre la main en fixant un objectif (un lancement commercial en 2020) et des moyens avec la mise en place d'un partenariat public privé dédié à la R&D sur la 5G baptisé 5G PPP. Objectif : éviter les ratés du lancement éparpillé et décalé de la 4G sur le Vieux continent.
Il sera doté d'un budget de 700 millions d'euros d'ici 2020, abondé par 700 millions supplémentaires de la part des acteurs privés et présidé par l'équipementier finlandais NSN (ex-Nokia Siemens Networks). Objectif : accélérer la R&D et surtout la standardisation.
L'Europe se donne-t-elle les moyens de ses ambitions ? "5G PPP est le meilleur moyen pour accélérer les synergies et s'assurer que les projets développés par les industriels soient cohérents. L'objectif est d'éviter de se marcher sur les pieds tout en évitant les espaces vides et que l'Europe soit une locomotive", explique à ZDNet.fr,
Ulrich Dropmann, Head of Industry Environment chez Nokia Solutions and Networks.
Et d'ajouter : "cette initiative (qui en est à ses tout débuts) permet d'établir une perspective à long terme, et d'offrir plus de poids et plus de financement aux projets. C'est un vrai levier pour replacer l'Europe à la pointe de la technologie mobile, c'est un cadre fort".
"C'est une très bonne nouvelle, l'Europe se fixe un agenda, un budget et la collaboration public/privée est indispensable : le schéma est le bon", ajoute Viktor Arvidsson.
Mille-feuille européen
Pour autant, comme à chaque fois en Europe, on observe une sorte de millefeuille des initiatives publiques ou semi-publiques, entraînant au mieux une confusion, au pire, une source de retard et d'inertie.
Parmi ces projets, on trouve METIS, 5GNOW, iJOIN, TROPIC, Réseautage dématérialisé mobile, COMBO, MOTO et PHYLAS, entre autres. Le premier reçoit à lui seul 16 millions d'euros, mais tous seront financés pour développer des services 4G+ et 5G.
METIS est particulièrement mis en avant. Il est soutenu par divers opérateurs (France Télécom-Orange, Deutsche Telekom, NTT Docomo, ou Telecom Italia par exemple), des universités et instituts de recherche académique et des industriels, dont Huawei, Alcatel-Lucent ou Ericsson. La présence de groupes non européens est une première.
Pour Ulrich Dropmann, le risque est néanmoins faible : "Les passerelles entre ces initiatives existent déjà puisqu'il faut bien différencier le travail de R&D autour de la radio et de la gestion, du cloud ou de l'énergie. Le 5G PPP a une vocation plus globale".
"On ne peut pas se contenter d'une seule voix pour les fréquences, les standards. La multitude des initiatives n'est
a priori pas mauvaise, elle constitue même un
momentum global qui est toujours plus profitable qu'un cadre unique et rigide lourd et chronophage", ajoute l'expert d'Ericsson (photo). "Reste qu'il faudra être cohérent collectivement".
Si les intentions sont bien présentes, où en est-on concrètement ? Le spécialiste de NSN est peu disert : "On est actifs sur plusieurs axes et on commence déjà à travailler avec des opérateurs, notamment en Chine où nous avons pour la première fois des projets communs avec les opérateurs locaux. Nous avons également noué
un partenariat avec l'université de New York pour étudier la propagation de cette 5G".
Chez Ericsson, "on commence d'abord par améliorer la 4G à travers l'agrégation de fréquences (LTE-A) qui nous permet de poser les briques de la 5G. Il faut souligner que cette 5G sera selon nous, pour une grande partie, une évolution de la 4G. Il n'y aura pas de rupture technologique".
Fréquences : le nerf de la guerre
Les deux équipementiers se gardent évidemment de donner des détails quant à leurs investissements dédiés (à la différence du chinois Huawei). Ericsson indique juste que près de la moitié de son effort de R&D (3,6 milliards d'euros en 2013) est affectée aux évolutions radio.
La question est également de savoir si la perspective 2020 est tenable. "C'est un horizon qui nous paraît parfaitement raisonnable", souligne Ulrich Dropmann. "On se base en fait sur les cycles précédents, comme la 4G, même si il y aura des disparités en fonction de la maturité des marchés. Mais l'important est d'avoir un agenda clair qui corresponde à la réalité, notamment de standardisation".
Une analyse partagée par Viktor Arvidsson : "Chaque cycle de développement dure environ dix ans. L'objectif fixé n'est donc pas irréaliste. Mais cela reste une vision empirique et il est encore trop tôt pour dresser un calendrier précis, les incertitudes sont encore trop nombreuses".
Reste la question toujours sensible des fréquences utilisées. Jusqu'à présent, l'hétérogénéité a caractérisé le haut débit mobile avec des spectres très différents utilisés des deux côtés de l'Atlantique. "C'est de moins en moins un problème", assure Ulrich Dropmann.
"Les fabricants de smartphones proposent désormais des terminaux multi-fréquences et c'est une question qui se règle pays par pays. Il faudra aller au-delà des 5 Ghz pour une propagation adaptée et une disponibilité globale. On peut l'associer à des fréquences locales spécifiques mais l'utilisation de plusieurs fréquences ne nous gêne pas trop, c'est dans la nature des choses. De toutes façons, il est encore trop tôt pour en parler".
"C'est le nerf de la guerre", nuance toutefois Viktor Arvidsson. "Ericsson se bat justement pour l'harmonisation globale des fréquences permettant de générer d'importantes économies d'échelle et synergies. Nous étudions donc les bandes qui pourraient être utilisées au niveau mondial, notamment à travers l'initiative MELTIS. Il semble que la bande des 700 Mhz pourrait faire office de fréquence globale, elle a vraiment vocation à servir la 5G".
Pour NSN, les 700 Mhz doivent au contraire être cantonnés à la 4G... Faudra-t-il alors trouver de nouveaux spectres de fréquences et/ou déloger ceux qui les utilisent ?