L’enfant “roi” ?
Il met les autres en boîte, comme Pierre Richard dans
le film «Le Jouet», pour satisfaire ses envies les plus
égoïstes. Personnage redouté et redoutable, enfant-roi,
qui es-tu ?
Même pas peur !
Il semble sûr de lui et sait se faire entendre
et surtout obtenir tout ce qu’il veut. Fille ou
garçon, cet enfant a la toute-puissance sur son
entourage. Personne ne l’impressionne. Il règne
sur sa famille, ses amis et même sur ses
professeurs, qu’il arrive à pousser à bout. Ce
qui lui importe, c’est son plaisir immédiat. Il sait
très bien comment l’obtenir et surtout comment
faire en sorte qu’on ne le lui refuse pas !
Intolérant à la frustration, la satisfaction de ses
envies est son seul but, le poussant à un égocentrisme
extrême. La discipline et l’autorité lui
sont méconnues. Incapable de composer avec
les frustrations et de reporter la satisfaction de
ses envies, il a souvent des comportements
agressifs. Son mode principal d’action est l’impulsivité.
Mais méfions-nous des apparences,
malgré un caractère très fort et une attitude «je
suis le meilleur», cet enfant est en souffrance.
La tendance actuelle de mettre chaque enfant
en difficulté dans une case : «hyperactif», «haut
potentiel», permet certes d’essayer de trouver
des solutions adéquates mais aussi de défaire
les parents d’une partie du poids de leur responsabilité.
«Mon enfant est insupportable, c’est
un enfant-roi !» En y regardant de plus près, ce
n’est pas lui le problème. N’est-il pas le fruit
de son éducation [hormis les véritables pathologies
dont certains sont atteints] ? Sandro Costa
Sanseverino de l’espace «Parents Conscients©»
insiste sur la notion suivante : «un enfant-roi,
comme tout roi de nos jours, n’est au pouvoir que
parce qu’on le lui donne». [voir témoignage].
On ne naît pas enfant-roi
Un enfant-roi n’est, à la base, pas différent d’un
autre, rien ne le prédispose à la naissance à le
devenir. Dans toutes les familles, dès sa venue
au monde, le bébé est l’objet de toutes
les attentions. Ne connaissant que des besoins
primaires de nourriture, sommeil et amour, il
se manifeste quand il a besoin de l’un ou de
l’autre. Même si certaines fois les parents n’arrivent
pas tout de suite à déceler la demande
de leur enfant, ils y répondent au plus vite, permettant
ainsi à l’enfant de vivre dans le plaisir.
A partir de 2 ans, «les terribles deux ans», vient
le «non». L’enfant sort de son monde de «besoins
» et commence aussi à avoir des «envies».
Il comprend que sa façon d’agir va entraîner
l’une ou l’autre réaction de la part de son entourage.
Le rôle des parents connaît alors une
nouvelle phase, celle des limites. Apparaissent
les règles qui doivent être respectées. A ce
stade du développement de l’enfant, il est primordial
de mettre fin à sa toute-puissance. Si
ses besoins fondamentaux doivent continuer
à être respectés, ses envies vont inéluctablement
ne pas être satisfaites à chaque fois. Fait
son entrée sur la grande scène de la vie : la
frustration, cette grande dame qui l’accompagnera
très longtemps. A cet âge charnière, les
parents doivent commencer à dire «non», mais
voilà que l’enfant aussi s’y met ! La situation
devient tout d’un coup plus complexe ! Si les
parents continuent à répondre aux envies de
leurs petits trésors sans leur apprendre à en
reporter la satisfaction ou à gérer la frustration
d’un désir non satisfait, l’enfant restera dans la
toute puissance qu’il connaissait avant, toute
puissance antérieurement nécessaire à sa survie
et à son développement.
C’est la faute à Dolto ?
Fin des années ‘60, la société s’est trouvée à
un grand tournant de son évolution. Mai ‘68
et son slogan «il est interdit d’interdire» eurent
des répercussions dans de nombreux domaines.
Toute une génération rejette la répression
et l’autoritarisme. Avec l’égalité des sexes,
les femmes revendiquent le droit de travailler et c’est le modèle familial dans son entièreté
qui s’en trouve chamboulé. Plus rien ne sera
comme avant.
Dans le monde de l’enfance, la célèbre psychanalyste
Françoise Dolto donne une nouvelle
place à l’enfant au sein de la famille. Elle parle
de compréhension, d’être à part entière que
l’on ne doit pas considérer comme un individu
inférieur. L’enfant-roi serait le résultat d’une
mauvaise interprétation du message de Dolto
et du slogan de mai ‘68. Le «tout comprendre
» est devenu «tout permettre». Dolto dit
que «l’enfant est un être humain à part entière
qui a le droit à autant de respect qu’un adulte,
mais il n’a pas la place de l’adulte, c’est un être
en construction qui a besoin de limites pour se
construire». Elle insiste sur un cadre solide nécessaire
au bon développement de l’enfant et
surtout aux limites qu’il faut lui imposer et qui
doivent être intégrées à l’âge de 8 ans. Pour ce
faire, la discipline est indispensable.
Si Dolto a mis les parents et futurs parents
en garde contre une éducation stricte et répressive
elle n’a jamais cautionné un laxisme
éducatif. Malheureusement, pour de nombreuses
personnes, «interdire» devient synonyme
de «brimer». D’un totalitarisme autoritaire,
le monde de l’éducation infantile évolue
vers un «tout est permis». Apparaissent alors
les «parents copains» qui, de peur de ne plus
être aimés de leurs progénitures, acceptent
tout. L’épanouissement à n’importe quel prix
de l’enfant devient le but premier. Et depuis,
ça ne tourne plus très rond dans certaines familles.
Le modèle parental étant à nouveau en
pleine mutation avec les familles monoparentales
ou recomposées, les enfants et les limites
demeurent un réel problème de société.
L’univers des limites
Les limites, voilà un mot tout court qui pourtant
a un rôle prépondérant dans l’évolution
de chaque adulte en devenir. Avoir un enfant
est aujourd’hui plus que jamais un véritable
choix que l’on tente de plus en plus de maîtriser.
Beaucoup d’enfants sont devenus un
faire-valoir narcissique pour les parents, une
prolongation d’eux-mêmes, de leurs espoirs
cachés ou ratés.
Dans la problématique de l’enfant-roi, c’est
vers les parents que le regard devrait se tourner.
Beaucoup d’entre eux ne ressentent malheureusement
pas la légitimité de leur rôle, ils
n’en sont pas convaincus. Pour eux, la limite
n’a pas de sens. Voulant à tout prix le bienêtre
de leur tête blonde, ils en oublient que
l’autorité est la condition sine qua none de
l’épanouissement. Elle est pourtant essentielle
et permet de définir un cadre. N’oublions pas
que c’est en s’opposant que l’enfant forme
sa volonté. Après il est toujours temps de
se pencher sur les émotions, le bien-être…
Les limites ne permettent pas seulement à
l’enfant de savoir «ce qui est permis», comment
se comporter avec les autres mais
aussi comment se comporter avec lui-même.
Evoluer dans un cadre solide permet de développer
un «policier intérieur», cette petite
voix permettant de se tenir hors de certains
dangers. Sans cadre, le processus de prise de
décision n’est pas abouti. C’est de cela que les
enfants-rois souffrent. Ceux dont les parents
ont été trop laxistes et n’ont pas su garder leur
place légitime, n’ont pas développé de système
d’auto-protection, n’ayant aucune notion
des conséquences de leurs comportements
impulsifs. Cette absence de cadre éducatif entrave
le développement de la morale. L’enfant
ne distingue pas ce qui est bon pour lui. De
la sorte, il n’a pas accès à la culpabilité et aux
remords. Cela explique pourquoi certains enfants,
adolescents ou même adultes vont chercher
le danger là où il se trouve. Leur équilibre personnel est en déséquilibre. La question des
limites est le défi majeur des familles et surtout
des familles recomposées qui doivent trouver
des règles communes pour des enfants n’ayant
pas bénéficié du même cadre.
Même les médias s’en mêlent
Le monde de l’audio-visuel et plus particulièrement
de la télé-réalité, a su prendre la balle au
bond. Voilà que sont apparues des émissions
comme «Super Nanny» et «Le Grand Frère».
D’un côté, une dame aux allures très strictes
vient «mettre de l’ordre» dans le laxisme parental.
De l’autre, un adulte à l’attitude très décontractée
apporte son aide à des ados en mal
de repères. Ces [pseudo] spécialistes répondent
aux cris de détresse de parents dépassés
par le comportement de leur enfant. Les problèmes
de personnes «lambda» deviennent spectacle. Pour Sophie Jehel, sociologue des
médias, dans «Le Grand Frère», la violence des
ados est montrée comme quelque chose qui
ne s‘explique pas. La télévision présente ces
enfants comme des monstres alors qu’ils sont
normaux [tvmag.lefigaro.fr].
Et quand l’enfant-roi
deviendra grand ?
Le chemin de vie d’un enfant-roi est parsemé
de moments difficiles, de recherche de cadre.
Cela engendre bien souvent des problèmes
de comportement et de conformisme social.
Evoluant dans son monde à lui, il n’a pas de
perception du monde extérieur. Sa réalité est
la seule qui soit juste. Finalement, ces individus
ne sont qu’à la recherche d’une limite qui,
malheureusement dans la plupart des cas, ils finiront
par trouver chez le juge et pour certains en prison. Enchaînement d’expériences néfastes,
ils vont là où leur sécurité est en danger.
Mais tout n’est pas perdu ! De nombreuses
personnes, que ce soient des associations,
des professionnels de la psychologie ou des
praticiens de méthodes alternatives peuvent,
fournir aux parents des outils pour permettre
à leur enfant de sortir de la case «enfant-roi».
La première prise de conscience doit venir
des parents qui réalisent l’importance de leur
rôle et acceptent qu’ils puissent faire autrement
pour offrir un meilleur milieu de vie à
leur progéniture. Cette première étape est
aussi la plus difficile. De nombreux parents
ne voient pas la différence entre exiger et
demander. Le changement devient possible
uniquement si l’adulte se pose des questions
sur sa façon d’agir. Il devra se questionner sur son rapport à l’autorité, sur son modèle parental
et l’éducation reçue. Le travail demande
du temps et de l’énergie, mais est réalisable.
Malgré tout, il faut néanmoins accepter
la dure réalité qui veut que, pour certains,
il sera difficile d’inverser la tendance. Auprès
d’un ado de 15 ou 16 ans n’ayant jamais
connu de limites, il n’y a parfois rien à faire,
à part essayer de l’accompagner au mieux.
Heureusement, les jeunes professeurs sont
de mieux en mieux formés et préparés à faire
face aux situations difficiles.
Sur ce long et sinueux chemin de l’éducation
infantile, montrons à nos enfants que le ciel
est la seule limite à leurs rêves tout en leur
faisant le cadeau de limites leur permettant
d’atteindre les étoiles.
REF.: