Les résultats prometteurs de deux essais cliniques montrent que des médicaments capables d’activer le système immunitaire augmentent de façon spectaculaire la survie de patients atteints de certains cancers métastatiques.
Même si, chaque jour, des millions de cellules anormales
potentiellement cancéreuses se forment spontanément en nous, la très
grande majorité de ces cellules mutantes ne parviennent jamais à évoluer
en cancer mature.
Protection naturelle
Le système immunitaire joue un rôle de premier plan dans cette
protection anticancer, soit en maintenant les cellules précancéreuses
dans un état latent et inoffensif, soit en les éliminant directement
grâce à l’action des lymphocytes T «tueurs». Pour pouvoir progresser, le
cancer doit donc absolument jouer à «cache-cache» avec le système
immunitaire, c’est-à-dire développer la capacité de demeurer incognito
pour éviter d’être détruit dès son apparition.
Parmi les nombreux subterfuges utilisés par les cellules
cancéreuses pour échapper à nos défenses, une stratégie couramment
utilisée est de tout simplement se «déguiser» en cellule normale.
Le mécanisme est très élégant: pour reconnaître les cellules
normales et éviter de les attaquer sans raison, les cellules
immunitaires tueuses possèdent une sorte d’antenne (appelée PD-1) qui va
interagir spécifiquement avec une protéine présente à la surface de
nos cellules. Cette interaction envoie alors le signal à la cellule
tueuse qu’elle est en présence d’une cellule «amie», ce qui freine la
réponse immunitaire et empêche sa destruction.
Les cellules cancéreuses parviennent à tirer profit de ce frein
immunitaire pour se rendre invisibles: elles surexpriment à leur surface
la protéine reconnue par l’antenne PD-1 des cellules tueuses, ce qui
les rend en apparence normales et leur permet d’éviter d’être
attaquées. Empêcher cette mascarade pourrait donc rendre les cellules
cancéreuses très vulnérables à l’action du système immunitaire et ainsi
permettre d’enrayer leur progression.
Démasquer le cancer
Des progrès considérables ont été réalisés dans la découverte de
médicaments destinés à «réveiller» le système immunitaire pour lui
permettre de combattre le cancer.
Cette stratégie, appelée immunothérapie, est particulièrement
prometteuse dans le cas d’anticorps qui neutralisent la fonction de
l’antenne PD-1. En bloquant ce récepteur, ces anticorps empêchent les
cellules cancéreuses de se déguiser en cellules normales, ce qui permet
au système immunitaire de réagir à leur présence et de déclencher une
riposte appropriée.
Découvertes prometteuses
Les conclusions de deux essais cliniques de phase III réalisés
avec un de ces anticorps ont récemment été publiées et les résultats
sont fort prometteurs.
Dans la première étude, des patients atteints d’un mélanome malin
métastatique ont été traités soit avec la chimiothérapie standard
(dacarbazine), soit avec le nivolumab, un anticorps anti PD-1. Les
patients traités avec l’anticorps répondent beaucoup mieux à ce
médicament qu’à la chimiothérapie (40% vs 14%) et voient leur survie à
un an augmenter considérablement (73% vs 42%)1.
Les résultats de l’autre étude sont encore plus spectaculaires:
chez des patients atteints d’un lymphome de Hodgkin qui ne répondaient
plus à aucun traitement, 87% ont répondu favorablement à l’anticorps et
vu leur survie à 24 semaines augmenter du même coup2. L’utilisation de
ce médicament à des stades plus précoces pourrait donc représenter une
avancée majeure dans le traitement des lymphomes hodgkiniens.
Beaucoup de travail reste à faire, mais en visant à améliorer nos
défenses naturelles face au cancer plutôt qu’en cherchant à tout prix à
détruire les cellules cancéreuses à l’aide de poisons très toxiques,
l’immunothérapie pourrait représenter un tournant dans le traitement de
cette maladie.
1 Robert C et coll. Nivolumab in previously untreated melanoma without BRAF mutation. N Engl J Med, 2015; 372:320-30.
1 Robert C et coll. Nivolumab in previously untreated melanoma without BRAF mutation. N Engl J Med, 2015; 372:320-30.
2 Ansell SM et coll. PD-1 blockade with nivolumab in relapsed or refractory Hodgkin’s lymphoma. N Engl J Med, 2015;372:311-9.