FaceApp : pourquoi il faut se méfier de l’application et de son filtre à selfie pour se voir vieux
L’application, gratuite et développée en Russie, est devenue très
populaire ces derniers jours grâce à sa retouche automatique de photos,
permettant de se voir avec 60 ans de plus.
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De
nombreuses célébrités, mais aussi des anonymes, se prêtent au jeu de
montrer à quoi elles pourraient ressembler en ayant soixante ans de
plus. Après le filtre qui permettait de transformer un garçon en fille,
ou inversement, proposé par Snapchat et popularisé au printemps,
voici venu le filtre pour se vieillir, FaceApp, dont les exemples se
répandent ces derniers jours comme une traînée de poudre sur Instagram,
Facebook et Twitter.
1 – De quoi s’agit-il exactement ?
Ce
filtre à selfie qui vieillit le visage est proposé par l’application
FaceApp, disponible sur AppStore et PlayStore. L’application était, note Le Huff Post, en tête des classements des applications les plus téléchargées sur iPhone et Android, mercredi 17 juillet.
FaceApp
n’est pourtant pas une application nouvelle. Développée en Russie par
une petite équipe basée à Saint-Pétersbourg, elle est sortie en
janvier 2017. Elle proposait déjà un filtre pour se vieillir, en plus
d’autres filtres qui ont également connu un certain succès, comme celui
qui permet d’ajouter un sourire à un visage… L’application a déjà suscité des jeux viraux, comme de rendre leur sourire à de vieilles peintures.
Le très récent regain d’intérêt pour FaceApp semble partir d’un
« FaceApp Challenge » alimenté par des célébrités qui, se prenant au
jeu, ont posté des photos où elles se sont vieillies.
FaceApp s’est aussi fait connaître pour avoir, l’année de son lancement, suscité un scandale :
avec son filtre pour rendre les gens plus « hot », l’application
blanchissant parfois la peau des personnes noires sur leurs selfies.
Accusés de racisme, les responsables de l’application ont fini par
retirer le filtre en question.
2 – Comment l’application fonctionne-t-elle ?
FaceApp
est d’une simplicité confondante, avec une interface basique permettant
de retoucher des selfies grâce à des filtres préétablis, puis de les
enregistrer ou de les partager dans d’autres applications. Si FaceApp
est disponible gratuitement, il faut ensuite payer pour l’utiliser sans
publicité et disposer de l’intégralité des filtres proposés (environ
20 euros par an, ou 4 euros pour un mois). Mais les filtres de base,
comme celui qui permet de vieillir son visage, sont gratuits.
Pour
fonctionner, FaceApp applique des modifications automatiques à la photo
d’un visage. Ces images peuvent être prises avec la fonction selfie de
l’application, être retrouvée dans la galerie photo du smartphone de
l’utilisateur (s’il lui en a donné l’accès) ou en faisant une recherche
sur Internet, grâce à un moteur de recherche intégré, qui propose
également de retrouver des visages de célébrités.
Contrairement
à ce qui a été dit, FaceApp en ligne ne télécharge pas automatiquement
toutes vos photos sur ses serveurs sans que vous le sachiez. Il ne
dispose pas d’accès à l’intégralité des photos d’un smartphone sans le
consentement explicite de l’utilisateur, selon les sites spécialisés TechCrunch et The Next Web qui en ont disséqué le fonctionnement.
En
revanche, une fois la photo à modifier sélectionnée, FaceApp la charge
sur ses serveurs à distance. C’est ensuite dans son environnement
cloud que FaceApp apporte les modifications voulues au visage – ce qui
explique pourquoi l’application ne fonctionne pas si vous n’avez pas de
réseau 3G ou Wi-Fi.
Ces retouches ont lieu grâce à des logiciels d’« apprentissage automatique », qui fonctionnent grâce à des technologies, qualifiées un peu pompeusement d’« intelligence artificielle ».
Résumons plus prosaïquement : à partir des nombreuses images comparées
et modifiées par les logiciels de FaceApp dans le passé, ceux-ci ont
appris à reproduire des modifications similaires sur les photos que vous
lui envoyez, et à les adapter au mieux. Plus il y aura de photos
retouchées avec FaceApp, meilleurs seront donc, en théorie, les
résultats.
3 – Que deviennent ensuite mes photos ?
C’est
l’un des principaux points d’inquiétudes, car certaines personnes ont, à
raison, lu les conditions d’utilisation de FaceApp face à ce soudain
retour de « hypes ». Datant de 2017, elles sont consultables
sur deux pages séparées, qui ne sont malheureusement pas accessibles
depuis l’application, d’après notre constat, sous Android (« politique de confidentialité » de FaceApp et « conditions d’utilisation »).
Elles
sont assez claires : en chargeant une photo et en appliquant un filtre à
travers FaceApp pour le partager ensuite à vos amis ou sur vos réseaux
sociaux, vous cédez à l’entreprise gérant l’application (Wireless
Lab OOO, sise à Saint-Pétersbourg) la possibilité de modifier,
réutiliser ou exploiter par la suite la photo retouchée en question.
Interrogée sur le sujet par le site spécialisé TechCrunch, FaceApp a, cependant, expliqué que « la plupart des images stockées sur nos serveurs sont supprimées dans les quarante-huit heures suivant leur envoi ». L’entreprise a également fait savoir que ce stockage de photos, d’une durée de quarante-huit heures pour « la plupart » d’entre
elles, ou pour une période indéterminée pour certaines autres, avait
lieu grâce à des serveurs à distance situés en dehors de la Russie,
utilisant les infrastructures cloud d’Amazon (AWS) et de Google.
Reste
que, dans l’absolu, les images conservées par FaceApp peuvent servir à
Wireless Lab OOO pour entraîner ses logiciels de retouches automatiques,
ou constituer des bases de données avec des visages de ses
utilisateurs. Ou encore, de faire la promotion de FaceApp à partir de
vos photos retouchées, si jamais ses employés la choisissent.
If you use #FaceApp you are giving them a license to use your photos, your name, your username, and your likeness f… https://t.co/nAW3f9QA1o
— ElizabethPW (@Elizabeth Potts Weinstein)
4 – Quels sont les risques d’utiliser FaceApp ?
Dans
ses conditions d’utilisation, FaceApp indique disposer également de la
possibilité d’utiliser à sa convenance d’autres informations liées à
votre utilisation de l’application, comme votre nom d’utilisateur si
vous en définissez un. Enfin, si FaceApp se fait racheter, plus tard,
par une autre entreprise, cette dernière aura les droits d’utiliser de
la même manière toutes les photos et informations des utilisateurs.
En
cas de contestation ou de réclamation, sachez que le siège de FaceApp
est situé actuellement à Saint-Pétersbourg, et que son responsable en
est son fondateur et dirigeant, Yaroslav Goncharov. Ce qui pourrait
compliquer un poil votre demande d’accéder à vos informations
personnelles, ou de les supprimer.
Dans ses précisions données au site TechCrunch,
FaceApp a bien reconnu une procédure pour demander à ses équipes de
supprimer toutes les données personnelles vous concernant, mais elle est
quelque peu baroque : il faut aller dans le formulaire « signaler un
bogue » et écrire « privacy » (vie privée) dans le début de votre
demande. En espérant qu’elle puisse être traitée par la suite, car les
équipes de FaceApp sont actuellement « surchargées », selon la même source.
Enfin,
il apparaît que FaceApp n’est actuellement pas en conformité avec le
règlement européen des données personnelles (RGPD), précise Le Figaro,
alors que les conditions d’utilisation de l’application n’ont pas été
mises à jour après son entrée en vigueur en 2018. Elles ne prévoient
donc pas que les données de ses utilisateurs européens soient protégées
en fonction des lois européennes, même si FaceApp décide de transférer
leurs photos en dehors de l’Europe.
Si
vous êtes bien conscients de tout ce qui est écrit plus haut, et que ça
ne vous pose pas de problème d’envoyer des photos de vous à une
entreprise russe qui pourra faire ensuite ce qu’elle veut de vos images,
vous êtes mûrs pour installer l’application. Les journalistes de Pixels choisissent cependant de ne pas le faire. Et, aux Etats-Unis, le parti démocrate a officiellement conseillé
à ses candidats à la primaire, en vue de l’élection présidentielle de
2020, de ne pas utiliser FaceApp, en raison de l’origine russe de
l’application.
En tout cas,
nous vous déconseillons formellement de charger dans FaceApp des photos
de vos proches, ou d’inconnus, afin de savoir à quoi ils ressembleraient
avec soixante ans de plus, un sourire, des cheveux, ou une barbe. Vous
ne voudriez pas que FaceApp fasse ce qu’elle veut de leur photo sans
leur consentement explicite…