La scientifique est à l'origine d'une
révolution, d'un incroyable outil. Son nom? Crispr, l'acronyme pour
Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats. Crispr
pourrait se comparer à un ciseau moléculaire d'une incroyable précision.
Il est capable de pénétrer directement dans une cellule vivante pour y
corriger un gène.
D'abord, il faut savoir que l'ADN se
compose de milliards de petites briques que les généticiens représentent
par les lettres A, C, G ou T. Une lettre mal placée suffit à faire
dérailler un gène. On parle alors de mutation, d'une possible maladie
génétique.
Or, Emmanuelle Charpentier sait comment corriger cette mutation.
Jusqu'à présent, il était
impossible de corriger une maladie génétique humaine et l'outil Crispr
offre de nombreuses perspectives pour pouvoir traiter un patient qui
aura une certaine mutation et de pouvoir corriger la mutation et guérir
le patient à vie.— Emmanuelle Charpentier
Le ciseau génétique ne se dirige pas à
l'aveugle à travers les 3,2 milliards de lettres (nucléotides) qui
composent notre génome. Crispr est plutôt conçu pour trouver sa cible.
Il faut savoir que la position de chaque gène est déjà connue des
généticiens. On sait même quelles lettres sont à l'origine d'une maladie
génétique.
Tout comme l'ADN, un Crispr se compose de lettres. Sa structure est unique et construite en fonction du gène à corriger.
Avec cette information en tête, on assemble en laboratoire un Crispr. Trois composantes sont nécessaires :
- L'ARN guide. C'est une copie de la séquence défectueuse qui sert de modèle pour localiser sa cible
- La correction à introduire
- L'enzyme, c'est-à-dire le ciseau capable de couper l'ADN
Ce mécanisme cellulaire est inspiré de la
nature. Le streptocoque thermophile, une bactérie alimentaire, en fait
usage comme moyen de défense immunitaire.
C'est en détournant ce mécanisme
qu'Emmanuelle Charpentier et sa collègue Jennifer Doudna, de
l'Université de Berkeley en Californie, ont pu créer Crispr.
Je suis très heureuse que
ce système ait été découvert chez les bactéries parce que je suis une
microbiologiste et je veux défendre ce domaine de la microbiologie, et
si Crispr reçoit un certain intérêt de la part des scientifiques, de la
part du public, c'est aussi pour donner un message qu'il est très
important de nos jours de continuer à étudier les bactéries.— Emmanuelle Charpentier
La revue
Science a publié leur
recherche en août 2012. Aussitôt, la planète génétique s'est agitée.
Elle a compris la portée de cet exploit. C'est l'outil qu'elle
attendait. Le génie génétique entrait dans une nouvelle ère.
Rappelons que, depuis les années 70, les
chercheurs essaient de modifier les gènes humains. Leurs résultats
tardent toutefois à venir, car leurs outils sont hautement imprécis. Ils
endommagent l'ADN en coupant très loin, à des centaines de milliers de
lettres de leur cible. Ces bris involontaires déclenchent alors une
cascade d'effets secondaires impossible à contrôler.
Aujourd'hui, pour s'assurer que Crispr a
bien atteint sa cible, la cellule corrigée est soumise à un séquenceur à
haut débit. Celui-ci décèle rapidement la présence de mutations au cœur
d'une cellule corrigée. L'analyse des résultats permet de sélectionner
la cellule qui ne présente aucune mutation.
Changer, voire modifier les gènes à
volonté... la possibilité effraie certains éthiciens. Ils y voient là un
risque de dérives. Par exemple, avant la grossesse, sera-t-il possible
de manipuler l'embryon afin de créer un enfant sur mesure, à la hauteur
de nos attentes? Malgré ces questions préoccupantes, la communauté
scientifique peine à freiner son emballement.
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