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lundi 20 décembre 2021

Les scientifiques croient qu’on doit se préparer à être exposés

 

 

Les scientifiques croient qu’on doit se préparer à être exposés

Menace montante des maladies émergentes                 

Des bactéries qui résistent aux antibiotiques, des virus qui mutent, des tiques qui provoquent une allergie à la viande : voilà des exemples de nos casse-tête de demain. Dans un avenir pas si lointain, nous risquons d’être exposés plus fréquemment à des maladies émergentes qui pourraient gagner le sol québécois. Il faut s’y préparer dès maintenant, martèlent des experts.

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«Il y a [des] virus et autres corps pathogènes [déjà présents ailleurs] qui vont être appelés à [arriver au Québec], à cause de notre rapport à la nature [...] C’est inévitable», prévient André Dagenais, coordonnateur du Réseau de recherche en santé respiratoire du Québec. 

En plus, de «nouvelles maladies», c’est-à-dire celles que nous ne connaissons pas encore comme la COVID-19 avant que la pandémie éclate, vont être plus fréquentes, estime-t-il.

Le réchauffement climatique et notre mode de vie moderne sont mis en cause. Entre autres parce qu’ils ont pour effet:                         

  • de provoquer des migrations d’animaux et d’insectes porteurs de pathogènes qui peuvent transporter chez nous des infections connues ou inconnues de la science et qui, pour l’heure, sont absents ici;                          
  • d’offrir de nouvelles opportunités aux virus et aux bactéries de muter vers l’humain;                         
  • d’augmenter les contacts entre les humains, les animaux et les insectes. Ce qui hausse aussi les risques de transmission.                                                   

Difficile de prévoir        

Y aura-t-il de nouveaux pathogènes au Québec? Quelles maladies infectieuses viendront chez nous, et quand? Seront-elles dangereuses pour l’humain ou de simples nuisances? Provoqueront-elles des épidémies ou pas?

Les scientifiques n’ont pas de boule de cristal pour répondre à ces questions.

Le professeur titulaire à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, Stéphane Lair, fait une autopsie sur un phoque avec des étudiants. «Les changements climatiques seront associés à de nouvelles maladies, surtout [celles] transmises par les nouveaux insectes.»
Photo Chantal Poirier
Le professeur titulaire à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, Stéphane Lair, fait une autopsie sur un phoque avec des étudiants. «Les changements climatiques seront associés à de nouvelles maladies, surtout [celles] transmises par les nouveaux insectes.»

Chose certaine, «il y a des risques d’émergence de maladies qui vont probablement aller en augmentation au niveau de la fréquence. C’est difficile de prévoir quand va être la prochaine épidémie», résume Stéphane Lair, professeur titulaire en santé de la faune à la Faculté de médecine vétérinaire.

«C’est dans la nature du virus de changer constamment, donc on sait qu’il y a de nouvelles pathologies qui vont arriver», ajoute André Dagenais. 

Pas de panique        

Heureusement, les chercheurs interrogés ne s’attendent pas à voir déferler sur nous une vague de nouvelles maladies dangereuses.

S’ils se gardent bien de se montrer alarmistes, mieux vaut se préparer, demeurer à l’affût et s’assurer de mettre en place les bons outils pour lutter contre les nouveaux microbes auxquels nous serons exposés. 

Car, s’il y a bien une chose que l’apparition de la COVID-19 nous a apprise, c’est que le monde n’était pas prêt à faire face à une nouvelle maladie aussi contagieuse.

La clé du succès résidera notamment dans les investissements en recherche, la formation du personnel médical, la sensibilisation du public et la lutte aux changements climatiques. 

C’est une question sur laquelle s’entend la douzaine d’experts consultés par Le Journal dans le cadre de ce dossier.

Déjà commencé        

Il faut dire que ce phénomène est d’ores et déjà amorcé. En général, «dans la dernière décennie, il y a eu une augmentation du nombre de zoonoses [c’est-à-dire des maladies transmises par les animaux ou les insectes aux humains] déclarées à travers le monde», poursuit Stéphane Lair. 

Outre la COVID-19 qui a évidemment bouleversé la planète, le Québec a été, jusqu’ici, relativement épargné à ce chapitre par rapport à d’autres pays. 

Mis à part la maladie de Lyme qui prend de l’ampleur, on n’a pas constaté de hausse marquée de ces nouvelles infections chez l’humain, ajoute le professeur. 

«Pas encore», précise-t-il. 

Menace à la santé        


Sauf que ça pourrait vite devenir préoccupant pour notre santé. Il faudra ainsi composer avec l’arrivée de nouvelles maladies encore inconnues. Par exemple, un virus présent chez un animal pourrait trouver une façon de nous infecter.

Mais nous aurons aussi à faire face à l’installation d’agents pathogènes, comme des parasites qui sévissent déjà ailleurs, mais qu’on « n’est pas prêts à accueillir [chez nous] », prévient Christopher Fernandez-Prada, chef du laboratoire de parasitologie de l’Université de Montréal.

« Il faut se préparer, avoir des outils et la formation pour les affronter dans les années à venir, parce que ça s’en vient », alerte le chercheur.

Par exemple, des insectes bien présents chez nos voisins du sud pourraient traverser la frontière en raison du réchauffement de la planète. 

Ça pourrait être le cas de la tique étoilée, dont la morsure peut transmettre une allergie à la viande. Ou encore de la kissing bug, une punaise qui peut propager un parasite mortel lorsqu’elle mord.

Vacciner les ratons        

«Je pense que la COVID-19 nous fait réaliser que les maladies infectieuses sont vraiment importantes et qu’on doit surveiller les liens animaux-humains pour empêcher des éclosions comme [celles qu’] on a eues», note M. Fernandez-Padra. 

Un système de surveillance est déjà en place pour guetter la propagation des bactéries et des virus connus, puis pour limiter les dégâts qu’ils peuvent faire chez nous.

C’est ainsi que les autorités québécoises en sont venues à vacciner des ratons laveurs pour tenter de contrôler la progression de la rage entre 2006 et 2009. 

Les ravages que font certaines maladies ne se limitent pas à la santé. L’économie et la société en général s’en ressentent.

Par exemple, en 2018, les autorités ont fait abattre 3200 cerfs d’élevage d’une ferme dans les Laurentides et interdit la chasse dans un rayon de 400 km2 après une éclosion de prion, une protéine infectieuse qui se propage par contact direct avec l’animal malade ou avec l’eau ou la terre contaminée. Le tout pour éviter que d’autres animaux contractent la maladie du cerf fou, et peut-être l’humain, même s’il n’existe aucune preuve que c’est possible.  

Résistance aux antibiotiques        

Le Dr Guy Boivin, médecin microbiologiste infectiologue et chercheur au CHUL croit qu’il faut aussi s’intéresser aux effets des changements climatiques sur la santé. 
«Je ne pense pas que c’est demain matin que [des moustiques exotiques transportant des virus comme la Dengue, par exemple, vont] frapper le Québec. [Mais] ça s’en vient progressivement.»
Photo DIDIER DEBUSSCHÈRE
Le Dr Guy Boivin, médecin microbiologiste infectiologue et chercheur au CHUL croit qu’il faut aussi s’intéresser aux effets des changements climatiques sur la santé. «Je ne pense pas que c’est demain matin que [des moustiques exotiques transportant des virus comme la Dengue, par exemple, vont] frapper le Québec. [Mais] ça s’en vient progressivement.»

Parmi les nouvelles menaces préoccupantes figurent les bactéries qui deviennent de plus en plus résistantes aux antibiotiques.

Un phénomène qui viendra perturber nos vies si une option efficace aux antibiotiques n’est pas découverte. 

«C’est maintenant qu’on doit s’activer. C’est comme les changements climatiques : on voit s’en venir le danger [des bactéries résistantes], on comprend d’où vient le problème, mais il faut agir maintenant», prévient la Dre Dao Nguyen, professeure associée au Département de médecine de l’Université McGill et experte en résistance aux antibiotiques.

Il s’agit d’un problème auquel on doit s’attaquer à l’échelle mondiale.

Plus largement, «il faut s’intéresser aux effets [en général sur notre santé] des changements climatiques et de la déforestation, car il y a beaucoup plus d’effets que juste la transmission plus large des maladies infectieuses. On doit s’en inquiéter», martèle Guy Boivin, médecin microbiologiste infectiologue et chercheur au CHUL.


Des fonds sont réclamés pour la recherche                 

Des investissements en recherche et une meilleure formation des professionnels de la santé sont nécessaires, assurent des experts.

  André Dagenais Courtoisie

« C’est en finançant une recherche fondamentale qu’on va se donner des nouveaux outils », résume André Dagenais, coordonnateur du Réseau de recherche en santé respiratoire du Québec.

Ces outils seront essentiels pour surveiller, contrôler et limiter les dégâts des nouvelles maladies qui pourraient apparaître chez nous. Mais aussi pour trouver des options aux traitements actuels, ainsi que des stratégies pour lutter contre ces infections.

La douzaine d’experts consultés par Le Journal somment les gouvernements provinciaux et fédéraux d’investir dans la recherche. Sans s’alarmer de l’arrivée potentielle de nouvelles maladies, ils préviennent qu’on doit s’y préparer.

Le problème, c’est qu’à moins qu’ils visent à lutter contre une pandémie en cours, les fonds destinés à la recherche se font modestes, note M. Dagenais. 

Face à l’inconnu        

Pour ce qui est des pathogènes déjà connus ici ou ailleurs des mécanismes de surveillance existent déjà. 

C’est pour mieux les comprendre et pour se prémunir contre des maladies encore inconnues ou mal comprises que la recherche est cruciale. Pour les détecter, apprendre à les connaître, développer des méthodes de protection, informer le système de santé sur les traitements, sensibiliser les citoyens, etc. 

La professeure titulaire à l’École de santé publique au Département de médecine sociale et préventive, Hélène Carabin, réclame une meilleure formation médicale des professionnels de la santé.

Car leur transmettre l’information sur les nouvelles maladies est la clé pour qu’ils puissent rendre le juste diagnostic, traiter adéquatement leurs patients et prévenir, le cas échéant, la propagation d’une maladie. 

Pas que les symptômes        

Plus encore, les professionnels doivent être incités à davantage traiter les causes des maladies, « pas juste leurs symptômes », ajoute-t-elle.

Par exemple, ils doivent éviter de simplement prescrire un médicament pour soulager un mal, mais plutôt investiguer dans le but d’en découvrir la raison. 

Pour l’heure, les patients dont les symptômes sont dus à des maladies moins connues ne sont pas tous diagnostiqués ni traités. Ils peuvent ainsi développer des problèmes supplémentaires. 

C’est le cas de nombreux patients atteints de la maladie de Lyme (témoignages à lire demain).

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