Toxiques, les produits solaires ?
Un réel danger pour la santé?
Choisir les bons ingrédientsFPS : une nouvelle réglementation
Références:
D’un côté, les dermatologues nous implorent de nous enduire de crème solaire pour nous protéger contre le cancer de la peau. De l’autre, des chercheurs nous mettent en garde contre certains ingrédients contenus dans les produits solaires, qui traversent la peau et seraient néfastes pour notre santé.Entre deux maux, faudrait-il choisir le moindre?
Les produits solaires sont-ils vraiment dangereux pour notre santé?
Est-ce possible de distinguer les bons des mauvais ingrédients qui les composent?
Un réel danger pour la santé?
Les données scientifiques sur les ingrédients contenus dans les crèmes solaires semblent insuffisantes. On peut dès lors se demander si le consommateur ne sert pas de cobaye. Plusieurs des études qui mettent en doute la sécurité de certaines substances contenues dans les produits solaires ont été faites en laboratoire. On ne connaît donc pas encore l’impact réel de ces ingrédients sur la santé humaine.
Des résultats inquiétants?
Selon une étude de l’Université de Zurich2 effectuée sur des bébés rats, certains ingrédients contenus dans les filtres solaires, entre autres le 4-MBC et le 3-BC, agiraient comme des hormones (oestrogènes) une fois appliqués sur la peau.« Les interrogations soulevées dernièrement provenaient surtout d’études portant sur des animaux. Jusqu’à maintenant, celles conduites sur des humains n’ont pas trouvé de toxicité comme telle1 », soutient le dermatologue Ari Demirjian.Cependant, devant l’inconnu, certains scientifiques font preuve de prudence, particulièrement en ce qui concerne les enfants. Des études ont révélé que quelques substances comme l’octyl-méthoxycinnamate (OMC) et le 4-méthylbenzylidène camphre (4-MBC) étaient davantage absorbées par la peau. « On n’a cependant pas noté de changements hormonaux chez les sujets, sauf que des chercheurs recommandent d’en éviter l’usage chez les enfants d’ici à ce qu’on en sache plus », affirme le Dr Ari Demirjian.Se protéger contre le cancer de la peauL'exposition aux rayons ultraviolets du soleil est la principale cause de cancer de la peau. On estime que 50 % des gens de plus de 65 ans auront au moins un cancer de la peau au cours de leur vie.
En 2007, au Canada, un homme sur 75 risque d’être atteint d’un mélanome, le cancer de la peau le plus rare, mais le plus mortel. Et une femme canadienne sur 96 pourrait être atteinte de ce cancer.Mais ces résultats ne semblent pas inquiéter outre mesure le dermatologue : « Il faut savoir que si ces produits étaient toxiques, au sens réel du mot, Santé Canada les aurait retirés du marché. »La directrice de l’Association canadienne de dermatologie (ACD), la Dre Cheryl Rosen, abonde dans le même sens. « À ce jour, nous n’avons pas de preuves scientifiques justifiant de bannir ces produits, car nous ne savons pas si leur absorption a un impact ou non. À mon avis, on fait preuve d’une extrême prudence en limitant l’usage chez les enfants », avance-t-elle.Elle souligne que l’ACD va entreprendre prochainement une analyse des récentes études scientifiques sur les produits solaires, plus spécialement ceux concernant les benzophénones, des ingrédients à éviter. L’oxybenzone fait partie de cette famille et c’est l’un des ingrédients qui traversent le plus facilement la barrière de la peau.
De plus, il peut provoquer des réactions allergiques.
Que dire des ingrédients inactifs?
Toxiques, les produits solaires?
Au Canada, les produits solaires sont considérés comme des médicaments et non comme des cosmétiques. Les fabricants ne sont donc pas obligés de déclarer les substances inactives ou non médicinales qu’ils utilisent. Cependant, plusieurs le font. Alkyl benzoate, glycérine, aluminium tristearate, coco caprylate, nylon-12 sont quelques-uns des ingrédients que l’on retrouve inscrits sur certains produits solaires.La chercheuse montréalaise Madeleine Bird, affiliée au Centre de recherche sur les femmes de l’Université McGill, aimerait cependant en savoir plus sur ces ingrédients inactifs qui n’apparaissent pas toujours sur l’étiquette.« On n’a pas encore assez d’études sur les effets à long terme des nanoparticules de ces produits, si petites qu’elles peuvent pénétrer à l’intérieur des cellules3 », souligne-t-elle.
Des doutes malgré toutLe pharmacien Jean-Yves Dionne n’est pas convaincu, pour sa part, de l’innocuité des ingrédients que l’on retrouve dans les filtres chimiques solaires qui absorbent les rayons du soleil : « Le problème, actuellement, c’est que l’on ne sait même pas quel est le taux de pénétration exact de ces produits, jusqu’où ils vont », explique-t-il.« Même si les substances restent sur le derme, il y a quand même des sujets plus à risque que d’autres. Les enfants, par exemple, qui ont une peau plus mince que les adultes. D’ailleurs, aucun produit solaire n’est recommandé avant l’âge de six mois », précise le pharmacien.
Bébé et le soleil
La peau délicate des bébés brûle très facilement au soleil. Il est cependant déconseillé d’appliquer de la crème solaire à un bébé de moins de six mois, entre autres, en raison des réactions allergiques qu’elle pourrait causer. Recherchez donc les endroits ombragés et ne partez jamais sans son chapeau.Après six mois, vous pouvez appliquer de la crème solaire, mais évitez les produits qui contiennent de l’oxybenzone (BP-3) ou du PABA, des ingrédients allergènes. Si possible, ne pas exposer votre enfant au soleil de10 h à 14 h.Si votre enfant prend des médicaments, il est possible que sa peau devienne plus sensible au soleil et à certains produits solaires. Demandez conseil au pharmacien.
Choisir les bons ingrédients
Malgré la quantité de produits solaires qui s’offre à nous, il est possible de faire un choix éclairé, croit le Dr Ari Demirjian : « Il existe plusieurs bons produits sur le marché et il est possible d’opter pour les meilleurs ». Il suggère, par exemple, ceux contenant du Parsol 1789 (ou avobenzone), de l’octocrylène, du Mexoryl (SX et XL) ou du Tinosorb (ou bemotrizinol), un produit qui vient tout juste d’être introduit au Canada, mais qui est utilisé en Europe depuis plus de cinq ans. Tous ces ingrédients offrent une protection contre les rayons UVB et UVA.
Miser sur la stabilité
Les rayons UVA et UVBBien que les rayons UVA et UVB nuisent différemment à la peau, il semble que les deux peuvent être associés au cancer de la peau. Les rayons UVB sont les plus courts et les plus puissants. Ils causent le rougissement de la peau et rendent la couche superficielle plus fragile. Les rayons UVA sont moins puissants que les UVB, mais ils occasionnent des dommages en profondeur, dans le derme, là où se trouvent le collagène et l'élastine.Le pharmacien Jean-Yves Dionne suggère de choisir des produits photostables. « Attention aux produits qui se vendent en grande quantité et qui sont peu coûteux. Ils sont souvent instables », avise-t-il.Un produit solaire est photostable lorsqu’il conserve ses effets protecteurs pendant l’exposition aux rayons UV. Des preuves démontrant la stabilité du produit doivent être fournies à Santé Canada, du moins si cela est indiqué sur l’emballage.Mais la stabilité d’un produit dépend aussi de celui qui l’utilise, prévient Jean-Yves Dionne. « Ce sont des tests menés en laboratoire qui ne tiennent pas nécessairement compte du contexte dans lequel une personne utilisera le produit. Si on court une demi-heure par temps chaud, que l’on transpire abondamment, je ne crois pas que la protection demeurera stable pendant huit heures. Il faut se méfier des formules marketing », illustre-t-il.
Les écrans physiques
Plusieurs produits solaires contiennent, en plus des filtres solaires chimiques, des écrans physiques. Leurs ingrédients (du dioxyde de titane ou de l’oxyde de zinc) constitueraient une protection additionnelle puisqu’ils réfléchissent les rayons UVA et UVB, tandis que les filtres chimiques les absorbent.Ils présentent en plus un avantage certain : ils entrent en action dès l'application. Les filtres chimiques doivent être appliqués de 15 à 30 minutes avant l'exposition au soleil.Selon le Dr Ari Demirjian, les substances contenues dans les écrans physiques sont sécuritaires puisqu’elles ne traverseraient pas la barrière de la peau. « Je me suis informé notamment auprès d’Avène, qui fabrique des écrans solaires physiques, et on m’a confirmé que les molécules utilisées dans leurs produits sont trop grandes pour être absorbées par la peau », souligne-t-il.Tous ne sont cependant pas de cet avis. Il faut savoir que les fabricants de produits solaires ont réduit la grosseur des molécules de dioxyde de titane à des nanoparticules pour des raisons esthétiques.
Résultat : le dioxyde de titane ne laisse plus de traces blanches sur la peau. Mais ce procédé peut-il avoir des conséquences néfastes sur la santé?Oui, selon un chimiste québécois établi à Miami. Le chercheur Roger Leblanc est arrivé à la conclusion que les nanoparticules réussissaient à s’infiltrer dans la circulation sanguine. Lors de tests en éprouvettes, le dioxyde de titane aurait causé la formation de cellules cancéreuses6-7. De plus, selon ses résultats, le dioxyde de titane absorberait une partie des rayons UV plutôt que de les réfléchir, entraînant la production de radicaux libres qui peuvent contribuer à l’apparition de plusieurs maladies et au vieillissement.Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le dioxyde de titane « cancérogène possible » pour les personnes exposées aux poussières de dioxyde de titane. Les études sur l’application de produits solaires avec de l’oxyde de titane sur des peaux saines ont cependant révélé que les nanoparticules ne traverseraient pas la couche superficielle de la peau, rapporte le CIRC8. Aucun essai n’a toutefois été fait sur des peaux fragilisées.De son côté, la chercheuse montréalaise Madeleine Bird déplore que les fabricants de crèmes solaires ne soient pas obligés d’indiquer la présence de nanoparticules dans leurs produits : « C’est comme pour les OGM au Canada, les consommateurs ne peuvent pas faire de choix éclairé parce que l’information n’est pas sur le produit. »Mais il existe une solution simple, et qui fait l’unanimité, pour se protéger du soleil : les vêtements et le chapeau. « Et pour les zones que l’on n’arrive pas à couvrir, c’est la crème solaire. Aussi bon soit le produit solaire choisi, il ne permet pas de passer plus d’heures sous le soleil. Il faut faire preuve de bon sens », conclut le Dr Ari Demirjian.
Ingrédients à rechercher
Parsol 1789 ou avobenzone avec Mexoryl (SX et XL) ou octocrylèneTinosorb (ou bemotrizinol)Oxyde de zincDioxyde de titane (innocuité incertaine)Ingrédients à éviterOxybenzone (BP-3 ou BZ-3)Benzophénones (BP-1, BP-2, BP-3 ou BZ-3, Escalol 567, Uvinul M40, Uvasorb Met)Octyl-méthoxycinnamate (OMC)4-méthylbenzylidène camphre (4-MBC)3-benzylidène camphre (3-BC)PABA (la majorité des produits solaires n’en contiennent plus)FPS : une nouvelle réglementation
Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a annoncé en juin 2011 les grandes lignes de sa nouvelle législation concernant l’étiquetage des produits solaires. Cette nouvelle législation était rendue nécessaire, puisque l’information fournie jusqu’alors par le facteur de protection solaire (FPS) ne concernait que les UVB, responsables des coups de soleil, mais ne disait rien sur la protection contre les UVA. Les rayons UVA et UVB nuisent différemment à la peau, mais les deux provoquent des transformations cutanées pouvant mener au cancer de la peau.
Voici les principaux changements à noter :À compter de l’été 2012, seuls les produits ayant démontré, tests à l’appui, une protection contre les UVA et les UVB pourront être étiquetés « protection à large spectre ».Le facteur de protection solaire (FPS) indiquera dorénavant le degré de protection contre les UVA et les UVB. Selon la FDA, ce facteur doit être de 15 et plus pour offrir véritablement une protection contre le cancer et le vieillissement. L’étiquette des produits solaires ayant un FPS de moins de 15 ne pourra pas stipuler qu’ils protègent contre le cancer de la peau, seulement contre les coups de soleil.La valeur maximale d’un FPS sera limitée à « 50+ ». Au-delà de ce nombre, les tests ne parviennent pas à démontrer la protection supplémentaire réellement offerte.Les fabricants ne pourront plus alléguer que leurs produits sont résistants à l’eau, à la sueur ou encore qu’ils offrent un écran solaire total (sunblock).
Toutes ces allégations vont au-delà de la protection réelle des produits et procurent un faux sentiment de sécurité aux utilisateurs, soutient la FDA. De plus, les fabricants devront spécifier la durée (40 minutes ou 80 minutes, selon les tests standards) pour laquelle leurs produits protègent dans l’eau ou contre la sueur.L’étiquette des produits ne pourra plus spécifier qu’ils protègent immédiatement, dès l’application. De même, les fabricants ne pourront pas prétendre que leurs produits protègent plus de 2 heures après chaque application.
Source.:
Recherche et rédaction : Claudia Morissette et Julie FortierMise à jour : juillet 2013