Les confidences d’un ex-pirate informatique russe
Ils sont généralement jeunes… et n’ont souvent rien à perdre. Devrait-on craindre les pirates informatiques ? Ancien hacker, le Russe Alexeï Ostroukmov, 24 ans, s’est reconverti en sécurité des réseaux informatiques après avoir été débauché par une multinationale américaine. Entretien.
par
Katia Jarjoura
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L’Estonie électronique en photos ! Les cyberattaques dont ont été victimes l’Estonie en 2007 et, plus récemment, la Géorgie, ont été imputées à des pirates informatiques russes. Moscou nie toute implication. Qu’en pensez-vous ?
Le fait que les attaques aient été liées à des ordinateurs russes ne révèle rien sur leurs commanditaires. Nul besoin d’une grande organisation pour lancer des assauts numériques. Il est facile de trouver des gens qui vendent l’accès à des zombie nets, des réseaux d’ordinateurs à partir desquels vous pouvez organiser une offensive sans laisser de trace. Par ailleurs, le réseau informatique du gouvernement géorgien est si mal protégé que les récentes cyberattaques peuvent très bien avoir été organisées par un hacker de 17 ou 18 ans — ou par n’importe quel groupe dans le monde qui désirait ajouter un peu d’huile sur le feu dans le conflit entre la Russie et la Géorgie.
Qu’on l’aime ou non, Vladimir Poutine [qui était encore président au moment des incidents en Estonie] est trop intelligent et trop influent sur la scène mondiale pour perdre son temps à diriger de telles attaques. C’est ridicule de penser qu’un ancien agent des services secrets ait pu embaucher des hackers pour attaquer un autre pays à partir de la Russie.
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Il est vrai que certains partis politiques en Russie se disent en faveur de cyberattaques contre des pays considérés comme hostiles. Mais personne ne les prend réellement au sérieux.
On lit souvent que les hackers russes et chinois sont les leaders mondiaux dans le domaine. Est-ce vrai ?
Il y a de bons hackers partout sur la planète. La Russie et la Chine sont d’immenses pays, il est donc normal qu’ils hébergent de nombreux hackers. Ce sont aussi deux pays où les gens doivent se battre pour améliorer leur qualité de vie. Dans ce contexte, le piratage informatique semble une forme d’expression attrayante. C’est une activité rebelle et subversive, qui peut vous permettre de gagner de l’argent facilement.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la puissance et le « génie » des hackers russes ?
Ce soi-disant génie est probablement lié au fait que les Russes, au cours des derniers siècles, ont dû trimer dur pour assurer leur survie. Cette nation a toujours engendré de grands scientifiques, et c’est encore le cas aujourd’hui — même si un grand nombre d’entre eux choisissent d’exercer leur profession à l’étranger.
La Russie a beau être de plus en plus sous influence occidentale, il y a encore peu de débouchés pour les jeunes intellectuels. Dans les pays plus développés culturellement et économiquement, les adolescents doués ont l’embarras du choix. Ils peuvent s’investir dans des activités de pointe tout en ayant une vie sociale stimulante.
Vous pouvez comparer la Russie au Bronx ou à Harlem. En ce qui concerne leur avenir, les adolescents n’ont pas beaucoup de choix. Ils peuvent étudier, mais ce n’est pas toujours possible de fréquenter de bonnes écoles. Ils peuvent aussi s’investir dans le crime. Enfin, ils peuvent s’acheter un ordinateur et passer des journées entières devant leur écran. C’est une option populaire.
Combien de hackers y a-t-il en Russie, à votre avis ?
Il y a en beaucoup, mais leur nombre tend à diminuer. De plus en plus de pirates informatiques peuvent dénicher de bons boulots dans le secteur des technologies en raison du boom actuel de l’économie russe. Il est difficile de faire un portrait-robot des pirates informatiques encore actifs. Ils ont en général entre 17 et 25 ans, mais ils ne forment pas un groupe social homogène. Ils proviennent de toutes sortes de milieu.Ils disposent de peu de moyens financiers ou stratégiques. Dans la plupart des cas, ils comptent sur le pouvoir de leur cerveau et de leur ordinateur