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Les archives nationales des États-Unis occupent 800 km de rayonnage, celles de la France ou de la Grande-Bretagne des dizaines de km.
Mais à Hong Kong, un groupe d'étudiants cherche à stocker des masses de données dans un endroit très inhabituel: la bactérie E.coli.
«Cela veut dire que l'on pourra conserver, très longtemps, de vastes quantités de données dans une boîte contenant des bactéries, au frigidaire», déclare à l'AFP Aldrin Yim.
Cet étudiant-chercheur participe au projet de biostockage mené par l'université chinoise de Hong Kong, lauréate en 2010 de la médaille d'or iGem, décernée par le prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT).
Le biostockage, qui désigne le stockage et le cryptage d'informations dans des organismes vivants, est une science récente, de moins de dix ans.
En 2007, une équipe de l'université japonaise Keio était parvenue à encoder l'équation résumant la théorie de la relativité d'Einstein, E=MC2, dans l'ADN d'une bactérie commune du sol.
Comme les bactéries se reproduisent constamment, un petit groupe de ces organismes à cellule unique peut conserver des données pendant des milliers d'années, soulignaient-ils.
Stockage d'une plus grande quantité de données
Mais l'équipe de Hong Kong va plus loin: elle développe une méthode pour stocker encore plus d'informations et commence à résoudre les difficultés pratiques mises en avant par les sceptiques, qui ne voient dans ces recherches que de la science-fiction.
L'équipe a ainsi développé une méthode pour compresser les données, les diviser en «chapitre» puis les distribuer dans des cellules bactériologiques, augmentant ainsi la quantité d'informations stockées. Les chercheurs peuvent aussi cartographier l'ADN de la bactérie, facilitant la localisation des données.
Le stockage concerne le texte, mais aussi des images, de la musique et même de la vidéo.
Selon l'équipe, un seul gramme de bactérie peut stocker la somme équivalente de données contenues dans 450 disques durs de 2000 gygabites.
Système de sécurité
Les chercheurs de Hong Kong ont également conçu un système de sécurité à trois niveaux pour protéger les données stockées.
«Les bactéries ne peuvent pas être piratées», note Allen Yu, lui aussi étudiant chercheur de l'équipe. «Tous les ordinateurs sont vulnérables à des pannes de courant ou à des vols de données. Mais les bactéries ne peuvent pas être piratées. L'information est en sécurité».
Le professeur Chan Ting Fung, qui supervise les recherches, note que les travaux pratiques dans ce domaine en sont à leurs débuts. «Mais ce que les étudiants ont essayé de faire est de s'assurer que certains des principes fondamentaux dans ce champs de recherche sont en fait réalisables», déclare-t-il.
TechniqueLa technique utilisée consiste à retirer l'ADN des cellules bactériologiques, le manipuler grâce à des enzymes puis le replacer dans une nouvelle cellule. Ces manipulations sont semblables à celles utilisées dans la création d'organismes génétiquement modifiés (OGM). L'ADN replacé dans la nouvelle cellule a été «chargé» d'informations.
Le travail de l'équipe de Hong Kong pourrait ainsi permettre d'ajouter des informations, sous la forme d'un «bio code-barre» sur des végétaux OGM, souligne le Pr Chan. «On peut pas exemple encoder dans une tomate OGM des informations sur les règles de sécurité» à observer lors de la culture de ces fruits-là, selon le professeur.
Cette science «est de plus en plus populaire à cause de la crise de l'énergie, de la pollution et du changement climatique. On réfléchit à un système biologique qui apporterait une solution (...). Les microorganismes sont un choix évident», déclare le professeur Chan.
Résistant au radiation nucléaire
Un type de bactérie, la deinococcus radiodurans, peut même survivre à une radiation nucléaire.
Quant au danger sanitaire posé par l'E.Coli, une bactérie responsable de graves intoxications alimentaires, les chercheurs précisent qu'ils utilisent une version synthétisée, sans danger.