Un article paru dans le Globe and Mail
a révélé que l'agence d'espionnage du Canada a développé et testé un
logiciel qui peut secrètement s'infiltrer dans un ordinateur et s'en
servir pour pirater d'autres ordinateurs.
L'article est basé sur du matériel ultra-secret qui a été divulgué au magazine d'informatique allemand c't.
Le document intitulé «LANDMARK» ajoute d'autres éléments à la liste de
vastes pouvoirs quasi illimités du Centre de la sécurité des
télécommunications Canada (CSTC). Il souligne aussi à quel point
l'agence d'espionnage est devenue un chef de file dans la surveillance
électronique. En effet, la NSA américaine et les autres partenaires de
l'alliance d'espionnage «Five Eyes» font souvent appel aux services du
CSTC pour mener des opérations d'espionnage de masse contre leurs rivaux
géopolitiques et la population mondiale.
Des diapositives
multimédias qui ont été divulguées avec le reste du matériel montrent
que le logiciel LANDMARK est utilisé pour créer un niveau d'anonymat
pour les opérations de cyberespionnage du CSTC. En prenant le contrôle
de l'ordinateur de quelqu'un et en l'utilisant pour s'infiltrer dans
d'autres ordinateurs, le CSTC peut créer un vaste réseau secret de
collecte de données pour masquer plus efficacement ses activités
illégales et celles de ses partenaires du groupe «Five Eyes».
Une
autre diapositive montre la portée du nouveau logiciel. En février
2010, le CSTC a donné la tâche à une vingtaine d'analystes de bâtir en
huit heures une liste d'ordinateurs cibles, connus sous le nom de postes
de relais opérationnel (Operational Relay Boxes – ORB). Plus de 3000
ordinateurs avaient été trouvés: un bon début selon le CSTC. En
utilisant une version adaptée de leur moteur de recherche OLYMPIA, le
CTSC peut parcourir une vaste quantité de données qui auraient été
amassées de la sorte.
OLYMIA: C'est un autre programme géré par le CSTC qui prenait pour cible le ministère des Mines et de L'Énergie du Brésil(c'était une commande de la NSA des USA et du FiveEyes). Les programmes de surveillance nous étant présentés comme des outils incontournables du combat contre le terrorisme, un tel programme d'espionnage industriel devient alors peu justifiable. Olympia mettait sur écoute des fonctionnaires brésiliens qu'il traquait sur leurs appareils cellulaires et dont il surveillait les communications par courriel.
LANDMARK n'est pas dirigé en premier lieu
contre les utilisateurs ordinaires qui ne disposent habituellement pas
des outils nécessaires sur leur poste pour jouer le rôle d'intermédiaire
dans ces attaques. Il est surtout conçu pour des opérations hautement
délicates qui viseraient par exemple le système informatique d'un
gouvernement ou d'une grande société d'informatique et de
télécommunications, permettant au CSTC de ne pas révéler son identité.
Vers
la fin de 2013, il a été révélé que le CSTC avait établi à l'étranger
des «installations secrètes à la demande de la NSA» pour espionner «une
vingtaine de pays de haute priorité». Ces informations coïncident avec
les précédentes révélations concernant le programme STATEROOM à l'aide
duquel le CSTC et ses partenaires de l'alliance «Five Eyes» mènent des
opérations d'espionnage dans les pays étrangers à partir d'installations
secrètes dans leurs bureaux diplomatiques. Il a aussi été révélé que le
CSTC avait espionné le gouvernement brésilien au profit des sociétés
canadiennes et aidé la NSA à espionner la rencontre du G20 à Londres en
2009 et le sommet du G20 à Toronto en 2010.
À la lumière de ces
développements, le gouvernement conservateur de Harper est complètement
hypocrite quand il accuse des rivaux comme la Chine ou la Russie de
pratiquer l'espionnage d'État. Ces provocations politiques, qui ont été
reprises par le Nouveau Parti démocratique et les libéraux, servent à
affaiblir l'opposition dans la population canadienne aux préparatifs de
guerre de l'OTAN contre ces pays.
Sur
la diapositive qui est peut-être la plus révélatrice, on peut lire que
la NSA a demandé l'aide du CSTC pour «accéder» au réseau GSM d'une
société de téléphonie mobile. CSEC a été en mesure d'infiltrer le réseau
en moins de cinq minutes en utilisant LANDMARK. Une autre diapositive
semble indiquer que le CSTC aurait effectué le même genre de tâche pour
le Siège des communications du gouvernement britannique (GCHQ).
Un
ancien cadre de la NSA, Thomas Drake, a expliqué en partie pourquoi le
CTSC est vu comme un partenaire précieux de la NSA: «Pensez aux accords
ou aux relations dont le Canada profite à l'étranger, et dont les
États-Unis sont exclus, et imaginez les opérations qui peuvent être
menées sous le couvert de ces relations.»
L'union entre le CSTC
et la NSA existe depuis des décennies. Au plus fort de la guerre froide,
le CSTC était le partenaire «Five Eyes» qui avait la responsabilité
d'espionner l'Union soviétique. Aujourd'hui, le CSTC et la NSA
travaillent en pratique comme une seule entité. Selon un initié du CSTC,
cette étroite collaboration s'effectue par «l'échange d'agents de
liaison et de détenus, des projets communs, le partage d'activités et la
volonté déterminée d'une collaboration plus étroite en cyberdéfense».
De plus, le CSTC profite d'un vaste accès aux pouvoirs d'espionnage de
la NSA, y compris sa technologie d'exploration de données et de
décryptage. La NSA participe aussi au financement de projets conjoints.
La
relation du CSTC avec la NSA lui permet de contourner les règlements
constitutionnels sur l'interception des communications privées des
Canadiens. Même si le CSTC n'a pas le droit de demander à la NSA
d'espionner des Canadiens, rien ne l'empêche d'obtenir les données «non
sollicitées» de communications privées qui auraient été obtenues par la
NSA.
Le partenariat du CSTC avec la NSA fait partie de
l'intégration de plus en plus complète de l'élite dirigeante canadienne
dans la campagne mondiale militariste de l'impérialisme américain.
Jugeant que ses propres intérêts impérialistes seront mieux servis à
travers une alliance avec les États-Unis, l'élite canadienne participe à
une guerre des États-Unis après l'autre depuis 1991, y compris la
nouvelle guerre au Moyen-Orient qu'Obama a déclenchée sous le prétexte
de combattre le groupe État islamique.
Le CSTC se vante qu'il a
fourni des renseignements militaires vitaux aux Forces armées
canadiennes durant la guerre néocoloniale en Afghanistan. Bien que cela
ne soit pas publiquement admis, ses opérations d'espionnage sont sans
aucun doute intégrées aux planifications de guerre du Pentagone à
travers la NSA.
Étant donné l'intégration poussée du CSTC dans
les opérations de la NSA, on peut supposer sans trop se tromper que le
CSTC fait tout ce que la NSA fait, bien qu'à plus petite échelle.
Il
a déjà été démontré que le gouvernement conservateur fédéral et le CSTC
ont menti éhontément sur l'espionnage des Canadiens par le CSTC.
Durant
huit mois, le gouvernement et le CSTC avaient fait de l'obstruction
après que la publication d'un exposé a révélé que, depuis 2005, le CSTC
espionnait systématiquement les métadonnées des communications
électroniques des Canadiens (conversations par téléphone mobile,
messages texte, utilisation d'Internet, etc.).
Mais en février,
une nouvelle fuite a révélé que le CSTC espionnait les usagers des
réseaux WiFi dans les principaux aéroports du pays. Le gouvernement a
alors été forcé de changer de tactique, affirmant alors ouvertement
qu'il avait le droit de collecter les «métadonnées» des communications
faites par les Canadiens. (Lire à ce sujet: https://www.wsws.org/fr/articles/2014/fev2014/cana-f07.shtmlLe CSTC et le gouvernement Harper s’attribuent le droit d’espionner les Canadiens)
Le
gouvernement défend cet espionnage illégal en prétendant que les
informations obtenues grâce aux métadonnées sont inoffensives et
qu'elles ne tombent donc pas sous l'interdiction de faire la collecte
des communications privées des Canadiens.
Cet argument est
fallacieux, comme l'ont répété des experts du droit et des défenseurs
des droits civils à travers le monde. Les métadonnées contiennent des
données importantes, y compris le nom, les informations d'un contact et
des données sur l'emplacement de la personne, qui permettent de
constituer un profil hautement détaillé d'une personne ou d'un groupe.
Dans certains cas, ces données peuvent être plus révélatrices que le
contenu même de la communication et peuvent permettre d'établir les
affiliations politiques, les amis et les associés de la personne.
Les
activités d'espionnage du CSTC, au Canada et à travers le monde,
illustrent à quel point l'élite dirigeante canadienne a adopté la voie
de la réaction. Tandis qu'elle tente de faire payer la classe ouvrière
pour la crise du capitalisme, elle mène une politique impérialiste
agressive et s'oriente vers des formes de pouvoir illégales et
autoritaires.
(Article paru d'abord en anglais le 27 septembre 2014)
REF.: https://www.wsws.org/fr/articles/2014/10/cstc-o14.html