Le
ministre fédéral des Finances Bill Morneau a largué une bombe sur le
marché immobilier la semaine dernière en annonçant un resserrement des
règles de financement hypothécaire. Elle tombe, elle tombe. Bouchez-vous
les oreilles!
Depuis huit ans, le gouvernement fédéral tente sans succès de calmer le marché de l’immobilier. Durant cette période, il a progressivement réduit l’amortissement des hypothèques assurées, de 40 à 25 ans. Il a abaissé tout aussi progressivement la portion de l’équité d’un immeuble sur laquelle un propriétaire peut emprunter. Et je ne parle pas des fois où feu Jim Flaherty, le ministre des Finances sous le gouvernement Harper, a menacé les prêteurs hypothécaires d’un index désapprobateur: «Pas de guerre de taux les enfants, sinon…» Sinon rien. Les enfants se foutaient de sa gueule. Les taux n’ont jamais été aussi bas.
Aujourd’hui, les enfants ne rigolent plus. Ottawa sort l'artillerie lourde. Les mesures annoncées la semaine dernière, et dont une partie sera en vigueur dès la semaine prochaine, ont provoqué une certaine stupeur sur le marché. Rappelons celle qui aura l’impact le plus important. À compter de la semaine prochaine, les acheteurs incapables de verser une mise de fonds de 20% à l’achat d’une maison verront le financement maximal auquel ils ont accès amputé significativement, quelque chose de l’ordre de 20%. Imaginez, au lieu de pouvoir emprunter 250 000 dollars, un acheteur ne pourra pas obtenir un prêt de plus de 200 000 dollars sans la mise de fonds nécessaire.
Comment? Lorsqu’un acheteur n’a pas les sommes nécessaires pour couvrir 20% de la valeur de la maison, il doit faire assurer son hypothèque par la SCHL ou l’un des deux assureurs privés, soit Genworth ou Canada Garanty. Pour que l’acheteur se qualifie, ses obligations financières, qui comprennent l’hypothèque, les taxes, les frais de chauffage et d’électricité, mais également les autres dettes, ne doivent pas dépasser 44% de son revenu. Le taux d’intérêt sur le prêt hypothécaire utilisé pour évaluer le ratio de l’emprunteur est de 4,64%, sauf pour celui qui opte pour une hypothèque à taux fixe de 5 ans. Signalons qu’une très vaste majorité d’acheteurs optent pour l’hypothèque de 5 ans fixe. Dans ce cas, c’est le taux effectif qui est pris en compte, un taux qui est moins élevé de 50%, minimum. Les acheteurs se tournent vers ce type d’hypothèque parce qu’il apporte une certaine stabilité, mais aussi parce que les prêteurs le promeuvent davantage. Mais il y a bien des gens aussi qui ne se qualifient que pour l’hypothèque de cinq fixe, plus accessible en raison de ses conditions moins restrictives.
Mais cette exception prendra fin la semaine prochaine.
Tous les acheteurs qui se tournent vers une hypothèque assurée seront qualifiés à partir d’un taux d’intérêt de 4,64%, qu’importe si le terme du prêt est de deux, trois ou cinq ans ou que le taux d’intérêt est fixe ou variable.
L’impact? Il pourrait être immense, notamment sur le marché des premiers acheteurs. Ceux qui se qualifiaient pour l’achat d’une maison pourraient devoir se contenter d'un jumelé ou d'un condo. Ceux qui pouvaient tout juste se permettre un condo devront demeurer en appartement. Ou coller chez papa-maman.
Depuis une semaine, c’est le branle-bas chez les courtiers hypothécaires. Hugo Leroux, le président de la firme Hypotheca, est alarmé par la nouvelle. Certains de ses courtiers s’inquiètent, de nombreux clients en processus d’achat devront modifier leurs plans ou y renoncer. «Regarde, c’est simple, la majorité des gens qui viennent d’acheter une première maison ne se qualifieraient plus pour la maison qu’ils habitent», dit-il.
Chez Multi-Prêts, «20 à 25% de la clientèle» qui recherchent une maison actuellement pourraient être touchés, selon Denis Doucet, porte-parole de la firme de courtage.
C’est énorme. Contrairement aux initiatives précédentes, les nouvelles mesures annoncées par Ottawa sont susceptibles de modifier le paysage immobilier. Mais comment?
Le gouvernement fédéral ne s’en cache pas, Toronto et Vancouver le préoccupent, et c’est pour calmer le jeu sur ces deux marchés qu’il vient de serrer la vis. Les prix y ont atteint des niveaux stratosphériques et les hypothèques sont plus à risque, un risque qu’assume en grande partie Ottawa par l’intermédiaire de la SHCL, qui assure les prêts.
Mais la solution fait penser à un traitement contre le cancer. La mal est localisé, mais la cure affecte le corps en entier.
On fait beaucoup de cas depuis une semaine de cette nouvelle frange de jeunes qui se verront barrer l’accès à la propriété. Mais en réduisant le bassin de nouveaux acheteurs, cette nouvelle initiative pourrait avoir un impact en aval, sur le marché de la revente. Les deuxième et troisième acheteurs seront peut-être aussi contraints de renoncer à leur projet de déménagement, incapables de trouver des acheteurs prêts à mettre le prix demandé pour leur maison.
On observera certainement une baisse de l’activité sur le marché de l’immobilier. Reste à voir l’ampleur.
Les autres victimes potentielles? Les courtiers immobiliers. À leur place, je commencerais à m’inquiéter. Car il se pourrait bien que cette fois, Ottawa ait trouvé le moyen de vraiment calmer le jeu.
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