Pourquoi Facebook se lance-t-il dans la cryptomonnaie en créant la libra?
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Quelles sont les intentions 
de Facebook en faisant son entrée dans l’univers des monnaies 
virtuelles? Des experts se prononcent. 
Le géant américain a dévoilé, mardi, les détails entourant sa monnaie virtuelle et le porte-monnaie Calibra. 
Mise en marché d’ici un an, la libra risque de 
bouleverser l’univers des cryptomonnaies, actuellement dominé par 
Bitcoin, Ether et Ripple, notamment.
Trois experts répondent à nos questions sur les intentions de Facebook et ce que changera l’arrivée de ce nouvel acteur.
Pourquoi Facebook lance-t-il sa propre cryptomonnaie?
Les
 monnaies virtuelles ont la cote en ce moment, explique Alexandre Roch, 
professeur de finances à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. 
Facebook veut en profiter pour entrer dans ce monde-là et faire 
compétition au bitcoin, par exemple.
Tout comme le professeur Roch, Geoffroi Garon-Épaule soupçonne le géant du numérique de vouloir monétiser sa plateforme.
Ils
 ont besoin de monétiser toutes les interactions, donc de rajouter un 
volet paiement dans une monnaie autonome, soutient l'expert en usages 
numériques et doctorant en communication à l'UQAM
. C’est un moyen d’offrir aux utilisateurs d’échanger de la valeur à l’intérieur de leur propre environnement.Pour moi, le côté paiement, c’est ce qui manquait à Facebook pour faire compétition aux géants asiatiques des réseaux sociaux, ajoute-t-il.Le phénomène est intéressant de par l’ampleur du projet, sachant que Facebook a 2,4 milliards d'utilisateurs,
 enchaîne Louis Roy, associé et président de Catallaxy, une filiale de 
Raymond Chabot Grant Thornton qui se consacre aux actifs numériques.
Les utilisateurs de Facebook pourront échanger entre eux 
sans intervention d’une institution financière, et ces transactions 
seront, au départ, sans frais.
À quoi servira la libra?
Facebook
 offrira en effet la possibilité aux membres de ses plateformes 
(Messenger, Instagram et WhatsApp compris) de payer leurs achats en 
ligne en libra.
Ses utilisateurs pourront également échanger des fonds entre eux, sans passer par une institution financière traditionnelle.
La
 monnaie virtuelle de Facebook est très différente de ce qu’on connaît 
en ce moment, affirme Alexandre Roch. Ce que Facebook semble vouloir 
proposer ressemble plutôt à une carte de crédit prépayée. On achète des 
crédits dans leur monnaie qu’on peut ensuite dépenser pour des produits 
et services.
Cette monnaie numérique pourrait d’ailleurs être utilisée
 pour payer ses achats auprès de la vingtaine de partenaires de 
Facebook, dont Uber, Spotify et eBay.
Comment la libra se compare-t-elle aux autres monnaies virtuelles?
Contrairement
 au bitcoin, dont le cours évolue en fonction de l’offre et de la 
demande, la monnaie de Facebook sera stable, promet l'entreprise.
Le taux de change de la libra sera fixe et indexé sur les
 cours de quatre devises traditionnelles, soit le dollar américain, 
l’euro, la livre sterling et le yen.
Des réserves d’actifs viendront également sécuriser la 
libra. Le géant du numérique a demandé à ses partenaires, tels que Uber,
 Spotify, Visa, Mastercard et Paypal, d’investir au minimum 10 millions 
de dollars chacun dans le projet.
Ce fonds de réserve se chiffrerait à environ un milliard de dollars au lancement de la libra.
Le
 projet de Facebook est supporté par de gros joueurs du milieu 
financier, somme toute une première lorsqu’on parle de cryptomonnaie, avance Louis Roy.
Mais la gouvernance reste celle d'une entreprise privée, 
Facebook, avec un conseil d'administration et des échéanciers 
trimestriels de performance à présenter aux actionnaires, rappelle 
Geoffroi Garon-Épaule.
C’est un autre aspect qui distingue la libra des autres devises virtuelles.
La
 monnaie bitcoin n’est contrôlée par personne, explique Alexandre Roch. 
Il n’y a pas d’entité centrale qui vérifie les transactions. Tout se 
fait par un réseau d'utilisateurs et non un certain nombre restreint de 
compagnies partenaires comme avec la libra. On passe d’une monnaie 
complètement décentralisée à quelque chose de centralisé.
La devise de Facebook sera administrée par Libra 
Networks, une fondation enregistrée en Suisse et dont Facebook Global 
Holdings est actionnaire.
Qu’est-ce que les utilisateurs de Facebook ont à gagner?
La libra n’a pas été conçue pour faire fructifier son portefeuille électronique.
Son mécanisme garantit plutôt la stabilité de son cours 
en vue d’une utilisation comme monnaie courante, un aspect plus 
qu’intéressant dans certaines régions du monde.
Les
 gens pourront faire des transactions financières et avoir accès à une 
monnaie stable, enchaîne Louis Roy. Dans certains pays moins développés,
 et où encore beaucoup de personnes n’ont pas accès à des comptes de 
banque, ça a beaucoup de valeur.
Il cite l'exemple de l’Inde, un des pays où un grand nombre d’habitants ne sont pas encore « bancarisés ».
Facebook vise aussi à séduire les résidents de pays 
corrompus où les gens ont moins confiance aux banques, croit pour sa 
part le chercheur Geoffroi Garon-Épaule.
Ils recherchent, selon lui, une monnaie qui ne risque pas
 de s'effondrer à cause d’une crise économique ou d’un président 
corrompu. 
Facebook resterait un rempart, une monnaie stable pour ne pas subir ces contrecoups-là, estime-t-il.Mais,
 en contrepartie, si tout le monde commence à mettre de l’argent sur 
Facebook, les monnaies locales et connues vont se faire tasser au profit de la libra, prévient-il.Facebook a-t-il des intentions cachées?
Mis
 à mal par des scandales d’exploitation de données personnelles, 
Facebook aura accès aux données financières de ses utilisateurs, 
préviennent tous les experts.
Les
 transactions financières et commerciales, ce sont des données. C’est de
 l’information. Et on sait très bien que Facebook profite beaucoup de 
ces données, constate Alexandre Roch.Bien
 sûr que Facebook va capter nos données. La nouvelle richesse de notre 
époque, ce sont les données générées par les utilisateurs. Ce seront de 
nouvelles données à croiser avec d'autres informations, de nos 
comportements en ligne, notamment, acquiesce Geoffroi Garon-Épaule, malgré les  garanties de confidentialité annoncées par Facebook. On est rendus dans des communautés, des environnements avec notre identité et nos comportements. Ce sont ces données-là qui sont vendues pour faire des profits.
Il y a toujours un risque pour vos données personnelles, 
selon lui. Mais il rappelle que même dans la tempête, Facebook continue 
d’exister et que ses utilisateurs lui sont toujours fidèles.
On
 a confiance en Facebook, parce qu’on est tous dessus. Malgré les 
différents cas problématiques de confidentialité des données, ça reste 
une plateforme perçue comme étant stable et de confiance.Est-ce que l’arrivée de Facebook dans ce marché va démocratiser les cryptomonnaies?
C’est
 fascinant qu’un des gros joueurs du numérique se lance dans l’industrie
 du paiement, croit Louis Roy. C’est un signal que la technologie est là
 pour rester.Le système financier tremblait à l’idée que Google, Amazon ou Apple émette sa monnaie. Ce n’était qu’une question de temps, et Facebook sera le premier à le faire à grande échelle.
L’entrée de ce nouvel acteur offre à la fois publicité et crédibilité aux monnaies numériques, estiment les experts.
Avec 2,38 milliards de membres, Facebook compte aussi sur
 un énorme bassin d’utilisateurs pour sa devise, un service offert dans 
un premier temps gratuitement.
Ça
 va démocratiser l’usage, mais l’usage classique, croit Geoffroi 
Garon-Épaule. C’est plus le côté ''je clique et je ne comprends pas ce 
qui se passe derrière, mais j’ai fait une transaction financière''.
Certains estiment au contraire qu’après avoir goûté à la 
libra, d’autres utilisateurs seront convaincus d’entrer dans l’univers 
des cryptomonnaies et de se doter de bitcoins, par exemple.
La
 nouvelle génération veut être capable d’acheter des produits et des 
services à partir d’une monnaie virtuelle qui ne serait pas contrôlée 
par l’État ni les services financiers, croit Alexandre Roch. C’est 
vraiment un changement culturel qu’on voit à travers le monde.
Il n’y a actuellement qu’environ 50 millions d’utilisateurs de monnaie virtuelle.

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