La CIA contrôlait une société de chiffrement Suisse
Posted On 12 Fév 2020
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Hackers, Crypto AG, CIA,
Une enquête vient de conclure la présence de la CIA et des services secrets Allemands dans la société spécialisée dans le chiffrement, Crypto AG. Un espionnage des communications des clients qui a durée des années.
Le rapport est sans appel. L’un des commentaires tirés de la CIA a de quoi amuser… ou pas : « C’était
le coup d’État du siècle. Exprime un agent de la CIA dans un document
relatant la mainmise de l’agence d’espionnage américaine sur la société
Crypto AG. Les gouvernements étrangers ont payé beaucoup d’argent aux
États-Unis et à l’Allemagne de l’Ouest pour le privilège de faire lire
leurs communications les plus secrètes par au moins deux (…) pays. »
La Centrale Intelligence Agency se servait de la société helvétique Crypto AG pour commercialiser des outils de sécurité informatique. De quoi permettre de chiffrer les communications.
Opération « Minerve »
Les services secrets américains avaient
nommé cette opération du nom d’une déesse antique romaine, princesse de
la sagesse et de la guerre stratégique, Minerve. Les services Allemands,
partenaires de cette opération avaient baptisé l’ensemble de
l’opération « Rubicon ». Le nom de la rivière que Jules César a traversé
pour fonder Rome, en 49 av. J.C.
« La campagne Rubicon, selon l’ancien coordinateur des services secrets de la Chancellerie fédérale, Bernd Schmidbauer, a déclaré à ZDF, a certainement contribué à rendre le monde un peu plus sûr.«
Départ en retraite et business
Comme le rappel un reportage diffusé par la Télévision Suisse,
en novembre 2019, à la fin des années 1960, le gouvernement fédéral
dirigé par Willy Brandt a eu une occasion unique. Le fondateur de Crypto
AG, Boris Hagelin, veut prendre sa retraite. Son entreprise fabrique
des dispositifs de chiffrement et les vend aux gouvernements du monde
entier.
Le Suédois Hagelin travaille avec les
agences de renseignement américaines CIA et NSA depuis des décennies.
Aujourd’hui, il propose à la vente Crypto AG. Le chef de la Chancellerie
de l’époque, Horst Ehmke, a donné son feu vert à l’accord qui, avec la
CIA, a permis d’espionner le monde. Chaque service de renseignements a
payé la moitié du prix de vente, soit 8,5 millions de dollars.
Manipulation
Une prise en main des outils de Crypto
AG. Des portes dérobées sont intégrées dans les dispositifs de
chiffrement, des algorithmes manipulés. De cette façon, la BND et la CIA
étaient en mesure de déchiffrer le moindre document « protégé » par Crypto AG.
Dans les journaux ZDF, Washington Post et de la télévision suisse SRF, il est expliqué que : « Le trafic diplomatique et militaire dans de nombreux pays importants du Tiers Monde, mais aussi dans les pays européens (…) pourrait (…) être lu dans tous les sens.«
A son apogée, les clients de Crypto AG
comprennent plus de 130 gouvernements, dont de nombreuses forces armées
et services secrets. Au Moyen-Orient: l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Irak,
la Syrie, la Jordanie, le Koweït, le Liban, Oman, le Qatar et les
Émirats arabes unis. En Afrique : Egypte, Algérie, la Libye, le Maroc,
la Tunisie, Ethiopie, Côte-d’Ivoire, le Nigeria, la Tanzanie et
l’Afrique du Sud. En Amérique du Sud : l’Argentine, le Chili, le Brésil,
la Colombie, le Mexique, le Pérou, l’Uruguay et le Venezuela sont
surveillés en Amérique du Sud . En Extrême-Orient: l’Inde, le Pakistan,
le Bangladesh, la Birmanie, les Philippines, la Malaisie, l’île Maurice,
la Thaïlande, le Japon, la Corée du Sud et l’Indonésie. Des pays
européens sont concernés : l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, l’Italie,
la Yougoslavie et la Turquie.
L’un des faits d’arme de cette
manipulation, la Guerre des Malouines. Les troupes argentines occupent
les îles Falkland dans l’Atlantique sous administration britannique en
avril 1982. L’Argentine sous-estime les options d’écoute. Grâce aux
machines cryptographiques « infiltrées », la
CIA et la BND lisent les communications des forces armées argentines et
informent les Britanniques. La guerre aurait pu être évitée !
Du piratage au bombardement
Une autre preuve revient sur l’attentat à
la bombe contre la discothèque berlinoise La Belle. Le 5 avril 1986,
une bombe explose dans ce club particulièrement apprécié des soldats
américains. Trois personnes meurent, 229 sont blessées, dont 79
américains. Le lendemain, le président américain de l’époque, Ronald
Reagan, accuse la Libye de l’attaque: « Nos preuves sont précises et irréfutables« .
Il se réfère aux communications radio déchiffrées entre l’ambassade de
Libye à Berlin-Est et le département d’État à Tripoli. En effet, le
dictateur libyen de l’époque, Mouammar al-Kadhafi, était un client
important de Swiss Crypto AG. Dix jours plus tard, les Etats-Unis
bombardaient la Libye.
Dix
ans plus tard, Musbah Eter et quatre autres suspects seront arrêtés au
Liban, en Italie, en Grèce et à Berlin, et jugés un an plus tard. Eter
officiait au sein de l’ambassade, à Berlin-Est, alors communiste.