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jeudi 20 février 2020

La CIA contrôlait une société de chiffrement Suisse

La CIA contrôlait une société de chiffrement Suisse

Posted On 12 Fév 2020
By : Damien Bancal

 

Libellés

Hackers, Crypto AG, CIA,

 

 

 

Une enquête vient de conclure la présence de la CIA et des services secrets Allemands dans la société spécialisée dans le chiffrement, Crypto AG. Un espionnage des communications des clients qui a durée des années.

Le rapport est sans appel. L’un des commentaires tirés de la CIA a de quoi amuser… ou pas : « C’était le coup d’État du siècle. Exprime un agent de la CIA dans un document relatant la mainmise de l’agence d’espionnage américaine sur la société Crypto AG. Les gouvernements étrangers ont payé beaucoup d’argent aux États-Unis et à l’Allemagne de l’Ouest pour le privilège de faire lire leurs communications les plus secrètes par au moins deux (…) pays. »
La Centrale Intelligence Agency se servait de la société helvétique Crypto AG pour commercialiser des outils de sécurité informatique. De quoi permettre de chiffrer les communications.
Opération « Minerve »
Les services secrets américains avaient nommé cette opération du nom d’une déesse antique romaine, princesse de la sagesse et de la guerre stratégique, Minerve. Les services Allemands, partenaires de cette opération avaient baptisé l’ensemble de l’opération « Rubicon ». Le nom de la rivière que Jules César a traversé pour fonder Rome, en 49 av. J.C.
« La campagne Rubicon, selon l’ancien coordinateur des services secrets de la Chancellerie fédérale, Bernd Schmidbauer, a déclaré à ZDF, a certainement contribué à rendre le monde un peu plus sûr.« 

Départ en retraite et business

Comme le rappel un reportage diffusé par la Télévision Suisse, en novembre 2019, à la fin des années 1960, le gouvernement fédéral dirigé par Willy Brandt a eu une occasion unique. Le fondateur de Crypto AG, Boris Hagelin, veut prendre sa retraite. Son entreprise fabrique des dispositifs de chiffrement et les vend aux gouvernements du monde entier.
Le Suédois Hagelin travaille avec les agences de renseignement américaines CIA et NSA depuis des décennies. Aujourd’hui, il propose à la vente Crypto AG. Le chef de la Chancellerie de l’époque, Horst Ehmke, a donné son feu vert à l’accord qui, avec la CIA, a permis d’espionner le monde. Chaque service de renseignements a payé la moitié du prix de vente, soit 8,5 millions de dollars.

Manipulation

Une prise en main des outils de Crypto AG. Des portes dérobées sont intégrées dans les dispositifs de chiffrement, des algorithmes manipulés. De cette façon, la BND et la CIA étaient en mesure de déchiffrer le moindre document « protégé » par Crypto AG.
Dans les journaux ZDF, Washington Post et de la télévision suisse SRF, il est expliqué que : « Le trafic diplomatique et militaire dans de nombreux pays importants du Tiers Monde, mais aussi dans les pays européens (…) pourrait (…) être lu dans tous les sens.« 
A son apogée, les clients de Crypto AG comprennent plus de 130 gouvernements, dont de nombreuses forces armées et services secrets. Au Moyen-Orient: l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Irak, la Syrie, la Jordanie, le Koweït, le Liban, Oman, le Qatar et les Émirats arabes unis. En Afrique : Egypte, Algérie, la Libye, le Maroc, la Tunisie, Ethiopie, Côte-d’Ivoire, le Nigeria, la Tanzanie et l’Afrique du Sud. En Amérique du Sud : l’Argentine, le Chili, le Brésil, la Colombie, le Mexique, le Pérou, l’Uruguay et le Venezuela sont surveillés en Amérique du Sud . En Extrême-Orient: l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh, la Birmanie, les Philippines, la Malaisie, l’île Maurice, la Thaïlande, le Japon, la Corée du Sud et l’Indonésie. Des pays européens sont concernés : l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Yougoslavie et la Turquie.
L’un des faits d’arme de cette manipulation, la Guerre des Malouines. Les troupes argentines occupent les îles Falkland dans l’Atlantique sous administration britannique en avril 1982. L’Argentine sous-estime les options d’écoute. Grâce aux machines cryptographiques « infiltrées », la CIA et la BND lisent les communications des forces armées argentines et informent les Britanniques. La guerre aurait pu être évitée !

Du piratage au bombardement

Une autre preuve revient sur l’attentat à la bombe contre la discothèque berlinoise La Belle. Le 5 avril 1986, une bombe explose dans ce club particulièrement apprécié des soldats américains. Trois personnes meurent, 229 sont blessées, dont 79 américains. Le lendemain, le président américain de l’époque, Ronald Reagan, accuse la Libye de l’attaque: « Nos preuves sont précises et irréfutables« . Il se réfère aux communications radio déchiffrées entre l’ambassade de Libye à Berlin-Est et le département d’État à Tripoli. En effet, le dictateur libyen de l’époque, Mouammar al-Kadhafi, était un client important de Swiss Crypto AG. Dix jours plus tard, les Etats-Unis bombardaient la Libye.
Dix ans plus tard, Musbah Eter et quatre autres suspects seront arrêtés au Liban, en Italie, en Grèce et à Berlin, et jugés un an plus tard. Eter officiait au sein de l’ambassade, à Berlin-Est, alors communiste.

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