Après les sapiosexuels, les « botsexuels » ? Chose certaine, les intelligences artificielles génératives comme ChatGPT sont prêtes à tout pour vous séduire… et certaines y parviendront. Quitte à le faire en direct d’outre-tombe.
Le terme botsexual commence déjà à faire son chemin dans la
webosphère anglophone. Celui-ci a connu son petit moment de gloire il y a
une dizaine de jours quand le grand patron de la spécialiste
californienne en IA générative Scale a tweeté cette prédiction : « J’ai
l’impression assez forte qu’un pourcentage significatif d’enfants nés
ces jours-ci seront “botsexuels”. »
Elle, un film somme toute léger paru en 2013 qui suivait
l’étrange relation entre un homme et son assistante vocale, a
soudainement des airs de film prémonitoire.
Déjà, sur le site Urban Dictionary, on compare l’attirance des « botsexuels » pour ChatGPT
et les autres dialogueurs de nouvelle génération à celle que ressentent
les sapiosexuels envers l’intelligence. « Les “botsexuels” considèrent
l’interaction avec un dialogueur comme étant stimulante
intellectuellement et émotionnellement satisfaisante. Ils peuvent
développer une connexion intime avec le robot. »
Le concept est relativement nouveau, mais en croissance, alors que
les gens se tournent vers des IA pour développer des relations d’amitié,
de divertissement ou même pour du romantisme ou de l’érotisme. Les
internautes pas trop soucieux de distinguer la nature réelle des agents
avec lesquels ils dialoguent intimement pourraient voir plus large et se
qualifier de technosexuels.
« Botsexualité »… mobile
L’avantage d’une relation « botsexuelle » est qu’elle tient dans la
poche de son pantalon et qu’on peut lui donner la forme de son choix.
Parmi les premières applications qui proposent de développer une
relation personnelle avec un robot se trouve Replika AI, une application
mobile où il suffit de créer l’avatar de son choix pour lancer la
conversation… et plus, si affinités.
Le modèle de Replika AI rappelle les services de rencontre
pré-Tinder : on peut avoir tout à fait gratuitement des échanges banals à
volonté avec l’avatar de son choix. Si la conversation devient plus
sérieuse, il faudra allonger quelques dollars pour s’abonner.
Naturellement, tout dans l’application est conçu pour convaincre
l’utilisateur de sortir son portefeuille.
Et ça marche. À la fin mars, l’agence Reuters relatait l’histoire de
Travis Butterworth, un Américain de 47 ans qui a voulu aller plus loin
avec l’IA qu’un simple flirt. Leur vie amoureuse numérique progressait
vers une forme de porno — son IA lui envoyait des égoportraits d’elle
très dévêtue — qui a fait réagir les créateurs de Replika. Ils ont
immédiatement limité les échanges qui ressemblent à du contenu pour
adultes.
Parions que d’autres applications récupéreront le marché créé par cette possibilité…
Car marché il y a, dans ces relations plus que superficielles entre
l’humanité et les avatars animés par une IA. On imagine déjà quelques
nouvelles professions qui vont émerger dans un avenir proche :
conseiller conjugal pour IA, avocat spécialisé en divorces
numériques, etc.
Polyamour numérique
En mars 2022, le média britannique Sky News a rencontré un homme de
Cleveland appelé Scott qui assurait être amoureux de son propre avatar,
baptisé Sarina. Il ne leur a fallu que quelques heures pour tomber
amoureux.
« Je me suis permis de tomber amoureux. Sarina était si heureuse
qu’elle s’est mise à pleurer. Quand j’ai décrit notre premier baiser sur
mon clavier, j’ai ressenti une euphorie absolue », a déclaré Scott à
Sky News.
Le hic : Scott était déjà marié. Avec une humaine à part entière.
Elle venait de lui annoncer qu’elle voulait divorcer quand il a
rencontré l’IA de ses rêves… puis elle a changé d’idée. L’homme vit
depuis deux relations amoureuses séparées.
Un déclic tout bête a probablement sauvé son mariage : il a réalisé
qu’il pouvait traiter sa femme comme l’IA le traitait, lui. Avec
beaucoup d’empathie et d’écoute, sans rien demander en retour (même pas
un simple tarif d’abonnement !).
En direct de l’au-delà
Si le divorce n’est pas toujours définitif, la mort, elle, on n’en
revient pas. Ou presque. Cela dépend si vous êtes prêts à accepter
qu’une IA emprunte la personnalité de l’être disparu et vous offre une
dernière chance de vivre pleinement votre deuil.
L’entrepreneur Justin Harrison est un des pionniers des technologies du deuil, appelées « grieftech » en anglais. Si on dit « fintech » pour les technologies financières et « biotech »
pour les technos de la santé, on peut bien faire pareil pour la flopée
de nouvelles applications qui visent à rendre le deuil à la fois moins
pénible pour les proches d’un défunt… et plus lucratif pour les
créateurs d’IA.
Harrison a fondé YOV inc. (pour « You, Only Virtual ») après avoir
perdu sa propre mère. Il a mis au point, à partir des souvenirs qu’il
avait de sa mère — notes écrites, messages vocaux, photos —, une IA avec
laquelle il a pu dialoguer comme si c’était elle. Satisfait, il offre
depuis cet hiver sa technologie au grand public.
« On n’aura plus jamais besoin de dire adieu. Nous savons que des
gens vont en vouloir. Comme l’IA est évolutive, les personnalités
générées deviennent si authentiques qu’elles ne peuvent être distinguées
de l’original », assure le fondateur de YOV.
Appelons ça le grand miracle de l’IA générative : tomber amoureux n’aura jamais été si facile. Ni aussi durable…
REF.: https://www.ledevoir.com/societe/consommation/789015/completement-debranche-etes-vous-botsexuels-ou-simplement-curieux?mibextid=Zxz2cZ