PARIS - Petits logiciels invisibles qui se greffent sur l'ordinateur à chaque visite sur internet, les mouchards (ou cookies, en anglais) ont pour mission de capter les données personnelles des internautes à des fins de ciblage publicitaire, un usage de plus en plus controversé.
«Récemment, j'ai voulu organiser un week-end surprise avec ma copine à Bruxelles et j'ai regardé sur internet pour l'hôtel et la location de voiture. Quelques jours plus tard, on était devant l'ordinateur tous les deux et on a vu apparaître des publicités sur la ville et sur Europcar. L'effet de surprise était complètement raté!», raconte Mathieu, jeune architecte d'intérieur parisien.
Comme lui, des millions d'internautes subissent chaque jour ce type de ciblage publicitaire, parfois vécu comme un matraquage ou une intrusion.
Google, acteur omniprésent de la recherche sur internet qui tire l'essentiel de ses revenus de la publicité, est souvent montré du doigt.
Le groupe est actuellement dans le collimateur de la Commission française de l'informatique et des libertés (Cnil), qui le somme de rendre plus lisible l'utilisation qu'il fait des mouchards transitant par ses différents services (messagerie Gmail, réseau social Google+ ou navigateur Chrome...).
Le géant américain a jusqu'à vendredi pour préciser notamment à la Cnil combien de temps il conserve les données collectées et dans quel but.
Depuis le mois d'avril, Google a inséré une courte explication au bas de sa page d'accueil stipulant que «les cookies jouent un rôle important», qu'il les utilise «à diverses fins», et que, sans eux, «l'utilisation du Web pourrait s'avérer beaucoup plus frustrante».
Par ailleurs, dans un but pédagogique, la Cnil va rendre accessible cet automne au grand public un outil gratuit permettant de visualiser les mouchards lors de chaque navigation.
«Il existe plusieurs sortes de cookies, ceux qui sont fonctionnels et permettent de se souvenir de la langue utilisée, et les autres, employés à des fins publicitaires», explique Stéphane Petitcolas, expert informatique à la Cnil.
L'oeuvre des mouchards de plus en plus controversée
TRAÇAGE DE VOS SITES FAVORIS
Ces mouchards «permettent de connaître les sites sur lesquels vous avez navigué et de savoir votre âge, votre sexe, vos hobbies, etc. et renvoient ces informations à des régies publicitaires en ligne», résume-t-il.
L'outil développé par la Cnil montre par exemple qu'une visite sur un site de e-commerce français fait apparaître pas moins de vingt mouchards avant même que la navigation ne commence.
«L'exploitation des cookies peut être faite à l'encontre de l'internaute. Un utilisateur qui se renseigne sur un vol pour Madrid et retourne ensuite sur le même site de voyages pourra se voir proposer un prix majoré artificiellement» pour l'inciter à réserver sans délai son billet au risque de voir les prix grimper davantage, indique David Fayon, auteur de plusieurs ouvrages sur internet.
«Mais il ne faut pas faire de confusion avec la NSA (l'agence de renseignement américaine, ndlr) qui nous espionne et les mouchards surinternet. C'est complètement un autre sujet, là, c'est juste de l'intrusion», relève Romain Gauthier, fondateur de l'entreprise en démarrage française Tactads qui veut lancer sur le marché une solution originale de ciblage sans mouchards.
«L'idéal ce serait un monde sans cookies, tout le monde y travaille mais il n'y a pas encore vraiment de modèle de substitution avéré», croit pourtant un acteur de la publicité sur internet qui souhaite rester anonyme.
Selon la presse américaine, même Google plancherait sur la question dans le but de développer son propre système de traçage à partir d'un identifiant rentré par l'internaute. Il évincerait ainsi de ses services les mouchards dits «tiers», qui sont déposés par les régies publicitaires, des sites partenaires ou de mesure d'audience.
«Google, qui présente cette solution comme une liberté supplémentaire pour les gens, va en réalité se rendre indispensable pour l'industrie de la publicité. S'il supprime les mouchards tiers, Google sera le seul a avoir dans sa main toute cette information», conclut Romain Gauthier.
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