Les réseaux sociaux ont ouvert la porte aux diffamateurs: les poursuites pour ce délit sont en forte progression. Elles correspondent à 15 % des décisions judiciaires liées au Web 2.0 rendues aux États-Unis et au Canada. Ce chiffre grimpe à 49 % en France. Au Québec, cela concerne un peu plus de 10 % des jugements. Le reste des infractions commises dans le monde virtuel et jugées par les tribunaux relève de la pédocriminalité, du harcèlement et des menaces, et des atteintes à la vie privée.
Ces résultats sont tirés de la deuxième phase du grand projet de recherche Les crimes dans le Web 2.0, piloté par Benoit Dupont, directeur du Centre international de criminologie comparée, et Vincent Gautrais, titulaire de la Chaire de l'Université de Montréal en droit de la sécurité et des affaires électroniques. Pour y arriver, ils ont analysé quelque 400 décisions prononcées un peu partout dans le monde.
«On a souvent tendance à croire qu'Internet a augmenté les risques de menaces et de harcèlement, alors que ce n'est pas vrai, remarque M. Gautrais. Ce sont les cas de diffamation qui ont explosé avec l'arrivée des médias sociaux.»
Selon lui, deux facteurs contribuent à cet accroissement: l'anonymat et la permanence de l'information. «Sous le couvert de l'anonymat, les utilisateurs laissent plus facilement tomber leurs inhibitions et tiennent des propos qui peuvent avoir de graves conséquences, observe-t-il. Contrairement à la radio ou à la télévision, ces propos demeurent en permanence sur le Web, au vu et au su de tous. Il y a là un potentiel d'atteinte à la réputation qui est sans doute plus grand dans les réseaux sociaux, maintenant que tout un chacun est capable de publier des informations.»
La solution : l'éducation
Les décisions étudiées par MM. Dupont et Gautrais démontrent, à divers degrés, l'immense difficulté de contrer légalement les propos diffamatoires sur le Web. Le cas de Louise Major, ancienne mairesse de Rawdon, en fait foi.
En 2008, Mme Major a engagé des poursuites judiciaires contre l'exploitant d'un forum où des citoyens tenaient des propos diffamatoires à son endroit. Une injonction interlocutoire provisoire force alors la fermeture du site dans l'attente d'un jugement. Quelques mois plus tard, une juge de la Cour supérieure donne raison à la plaignante. En 2010, la Cour d'appel annule cette décision, affirmant que «la liberté d'expression est à la vie démocratique ce qu'est l'oxygène au corps humain: essentielle». Cout de l'opération pour la municipalité de Rawdon: environ 600 000 $.
«Fermer le site n'était peut-être pas le meilleur moyen de résoudre le litige. Il aurait suffi de caviarder les propos injurieux. Cette histoire illustre à quel point la justice est une lourde machine qui coute cher et qui prend du temps. Ce n'est pas toujours l'instrument idéal pour freiner de tels comportements. À certains égards, c'est comme si l'on se servait d'un canon pour tuer une mouche», croit Vincent Gautrais, qui préconise une autre approche, celle de l'éducation des citoyens de demain. «Je milite pour la création d'un cours de technologie 101 à l'école secondaire où, par exemple, les adolescents seraient sensibilisés au fait que les réseaux sociaux sont des lieux publics et où on leur enseignerait à bloquer l'action d'un harceleur sur Facebook», déclare celui qui utilise depuis longtemps les médias sociaux comme outil pédagogique.
Mais les enseignants semblent effrayés par le Web 2.0. «Ils ont une peur bleue de l'utilisation des médias sociaux par les jeunes, signale-t-il. Ils craignent qu'un jeune les photographie à leur insu quand, par exemple, ils piquent une colère en classe et mette en ligne cette image.»
Pour Vincent Gautrais, cette réaction viscérale est normale, car notre société est en transition. «Nous vivons présentement une révolution et le moyen classique de s'en protéger est de la repousser. Mais nous devons évoluer et considérer les aspects positifs des médias sociaux.»
C'est pourquoi il préfère entretenir l'espoir plutôt que le catastrophisme. «Comme le disait Jean-Paul II, n'ayez pas peur! Avec un peu d'accompagnement des parents et de l'école, nous arriverons à limiter les infractions virtuelles. Et n'oublions jamais que les jeunes ont une capacité d'adaptation bien plus grande que celle des adultes!»
REF . : Marie Lambert-Chan
Voir le clip
Ces résultats sont tirés de la deuxième phase du grand projet de recherche Les crimes dans le Web 2.0, piloté par Benoit Dupont, directeur du Centre international de criminologie comparée, et Vincent Gautrais, titulaire de la Chaire de l'Université de Montréal en droit de la sécurité et des affaires électroniques. Pour y arriver, ils ont analysé quelque 400 décisions prononcées un peu partout dans le monde.
«On a souvent tendance à croire qu'Internet a augmenté les risques de menaces et de harcèlement, alors que ce n'est pas vrai, remarque M. Gautrais. Ce sont les cas de diffamation qui ont explosé avec l'arrivée des médias sociaux.»
Selon lui, deux facteurs contribuent à cet accroissement: l'anonymat et la permanence de l'information. «Sous le couvert de l'anonymat, les utilisateurs laissent plus facilement tomber leurs inhibitions et tiennent des propos qui peuvent avoir de graves conséquences, observe-t-il. Contrairement à la radio ou à la télévision, ces propos demeurent en permanence sur le Web, au vu et au su de tous. Il y a là un potentiel d'atteinte à la réputation qui est sans doute plus grand dans les réseaux sociaux, maintenant que tout un chacun est capable de publier des informations.»
La solution : l'éducation
Les décisions étudiées par MM. Dupont et Gautrais démontrent, à divers degrés, l'immense difficulté de contrer légalement les propos diffamatoires sur le Web. Le cas de Louise Major, ancienne mairesse de Rawdon, en fait foi.
En 2008, Mme Major a engagé des poursuites judiciaires contre l'exploitant d'un forum où des citoyens tenaient des propos diffamatoires à son endroit. Une injonction interlocutoire provisoire force alors la fermeture du site dans l'attente d'un jugement. Quelques mois plus tard, une juge de la Cour supérieure donne raison à la plaignante. En 2010, la Cour d'appel annule cette décision, affirmant que «la liberté d'expression est à la vie démocratique ce qu'est l'oxygène au corps humain: essentielle». Cout de l'opération pour la municipalité de Rawdon: environ 600 000 $.
«Fermer le site n'était peut-être pas le meilleur moyen de résoudre le litige. Il aurait suffi de caviarder les propos injurieux. Cette histoire illustre à quel point la justice est une lourde machine qui coute cher et qui prend du temps. Ce n'est pas toujours l'instrument idéal pour freiner de tels comportements. À certains égards, c'est comme si l'on se servait d'un canon pour tuer une mouche», croit Vincent Gautrais, qui préconise une autre approche, celle de l'éducation des citoyens de demain. «Je milite pour la création d'un cours de technologie 101 à l'école secondaire où, par exemple, les adolescents seraient sensibilisés au fait que les réseaux sociaux sont des lieux publics et où on leur enseignerait à bloquer l'action d'un harceleur sur Facebook», déclare celui qui utilise depuis longtemps les médias sociaux comme outil pédagogique.
Mais les enseignants semblent effrayés par le Web 2.0. «Ils ont une peur bleue de l'utilisation des médias sociaux par les jeunes, signale-t-il. Ils craignent qu'un jeune les photographie à leur insu quand, par exemple, ils piquent une colère en classe et mette en ligne cette image.»
Pour Vincent Gautrais, cette réaction viscérale est normale, car notre société est en transition. «Nous vivons présentement une révolution et le moyen classique de s'en protéger est de la repousser. Mais nous devons évoluer et considérer les aspects positifs des médias sociaux.»
C'est pourquoi il préfère entretenir l'espoir plutôt que le catastrophisme. «Comme le disait Jean-Paul II, n'ayez pas peur! Avec un peu d'accompagnement des parents et de l'école, nous arriverons à limiter les infractions virtuelles. Et n'oublions jamais que les jeunes ont une capacité d'adaptation bien plus grande que celle des adultes!»
REF . : Marie Lambert-Chan
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- Médias sociaux et diffamation : une liaison dangereuse (Durée : 2 min 58 s)
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