MONTRÉAL — Le Protecteur du citoyen enquête sur le centre d’hébergement de soins de longue durée de Lachine, depuis que la fille d’un patient de ce CHSLD a déposé une plainte de négligence.Lyne Arel-Chalifoux a raconté dans une entrevue accordée à l’émission «J.E.», comment à ses yeux, son père de 78 ans a dépéri au cours de sa dernière année au centre d’accueil.
«Les vrais problèmes ont débuté en septembre 2009, quand ils l’ont déménagé du 5e au 3e étage en raison de travaux de construction», a dit Mme Arel-Chalifoux.
En un an, la fille de Gaston Arel a formulé officiellement quatre plaintes au commissaire aux plaintes du centre d’hébergement concernant : les heures prolongées au lit, l’alimentation sous forme de purée, la dénutrition, une plaie non soignée et le traitement inadéquat de troubles intestinaux.
M. Arel, déjà très affaibli, souffrait du syndrome d’Ogilvy, une maladie douloureuse qui se caractérise par une paralysie du gros intestin et qui provoque un gonflement de l’abdomen.
«Le ventre peut gonfler puisque dans l’intestin il y a une fermentation naturelle. Donc, il y a des gaz qui s’accumulent, des matières aussi qui s’accumulent : il y a une distension du gros intestin» explique Mickeal Bouin, gastro-entérologue au Centre Hospitalier de l’Université de Montréal.
Un des traitements consistait à insérer un tube rectal pour vider son intestin. Lors d’une visite impromptue, Mme Arel-Chalifoux a retrouvé son père, seul dans sa chambre, en détresse.
«Mon père était au lit, il gigotait, il avait un gros ventre, il était souffrant et il avait un tube rectal entre les fesses et un sac à poubelle vert. Le sac était là pour amasser les déchets, mais il n’y en avait pas parce que le traitement n’avait pas fonctionné. Mais le sac s’était ramassé entre les deux fesses», a expliqué la femme.
Elle a appelé l’infirmière qui lui a «inséré un deuxième tube alors qu’il en avait déjà un dans les fesses […] Si j’avais pu perdre connaissance […], j’étais sidérée», a ajouté Mme Arel-Chalifoux.
Au cours de la dernière année, l’homme a été transporté à l’urgence plusieurs fois pour traiter ce syndrome.
Lors d’une autre des visites de sa fille, le personnel de l’hôpital a découvert une plaie sur un des testicules du patient.
«[J’ai vu] la plaie sur son testicule et [j’ai revu] le sac à poubelle vert entre ses deux fesses et là je me suis dit : "Ça ne se peut pas qu’il ait une plaie comme ça, parce qu’ils lui ont flanqué des sacs à poubelle vert".» Comme si ce n’était pas suffisant, Mme Arel-Chalifoux a appris du médecin du CHSLD que son père souffrait aussi de dénutrition.
Pourtant, elle avait manifesté, par écrit, son opposition à ce qu’on lui donne de la purée parce qu’il refusait de s’alimenter.
À la suite du dépôt des plaintes, le centre de santé et de services sociaux de Dorval-Lachine-Lasalle a vérifié les pratiques de son personnel.
La commissaire aux plaintes, qui donne raison à madame Arel-Chalifoux, dénote sur le plan de la dénutrition que «des mesures ont été prises en 2009 pour répondre aux besoins nutritionnels» de Gaston Arel.
Cependant, il a fallu «attendre en septembre 2010 pour obtenir une évaluation de contrôle».L’enquête a permis de déterminer qu’un «manque de ressources médicales est en partie responsable d’un tel délai.»
Concernant l’insertion des tubes rectaux, l’enquête a confirmé que la «technique n’était pas maîtrisée par l’infirmière» et que l’utilisation de deux tubes et de sacs de plastique «était inadéquate». «Un suivi» a été effectué avec l’infirmière concernée.
Le rapport, qui protège l’identité de l’infirmière fautive, n’apporte aucune précision sur le suivi qui a été fait ni sur l’utilisation de sacs.
La direction du CHSLD Lachine a refusé d’accorder une entrevue à l’équipe de «J.E.» parce que le Protecteur du citoyen mène lui aussi son enquête sur ce dossier. Depuis, Gaston Arel est mort d’une pneumonie à l’hôpital Lachine à la mi-octobre.
L’émission « J.E. » présentera un reportage complet sur cette histoire vendredi à 19 h sur les ondes de TVA.
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