Comment un gang de pirates a-t-il pu voler plus d’un milliard de mots de passe ?
Un petit groupe de cybercriminels a employé un botnet pour infiltrer des dizaines des milliers de sites web et récupérer une quantité gigantesque de données sensibles. Mais la firme qui a fait cette découverte en profite pour faire un formidable coup de com’ et vendre un service derrière. Bizarre.
La page d'accueil alarmiste
de Hold Security, entreprise qui a révélé le piratage… Et qui propose
une solution payante pour tenter d’y remédier.
Que
vous soyez un expert en informatique ou un technophobe, à partir du
moment où vous avez des données quelque part sur le web, vous pouvez
être affecté par cette brèche. On ne vous a pas nécessairement volé
directement. Vos données ont peut être été subtilisées à des services ou
des fournisseurs auxquels vous avez confié des informations
personnelles, à votre employeur, même à vos amis ou votre famille ». Voilà
le discours flippant de Hold Security pour décrire la gigantesque
collection de données personnelles volées que cette entreprise de
sécurité a mis au jour.
Les chiffres présentés donnent en effet
le tournis : d’après Hold Security, un gang d’une douzaine de hackers
russes baptisé CyberVor aurait donc récupéré pas moins de 4,5 milliards
de combinaisons de mots de passe et de noms d’utilisateurs. En omettant
les doublons, CyberVor aurait accès à plus d’un milliard de comptes sur
des milliers de sites différents, qui seraient rattachés à 500 millions
d’adresses e-mail. Le hack du siècle, en somme.
Pour voler autant d’informations
sensibles, CyberVor aurait usé de multiples sources et techniques, mais
aurait surtout profité des services d’un botnet (un réseau de PC
infectés par un logiciel malveillant) « qui a profité des ordinateurs des victimes pour identifier des vulnérabilités SQL sur les sites qu’ils visitaient. » Les
membres de CyberVor auraient de cette manière identifié plus de 400 000
sites web vulnérables, qu’ils ont ensuite attaqué pour voler leur bases
de données d’utilisateurs.
Des détails qui clochent
Sauf
qu’il y a quelques petits détails qui clochent dans cette histoire. A
commencer par le fait que Hold Security profite de cette annonce
hallucinante pour tenter de s’enrichir immédiatement, en misant sur la
peur du hacker qu’il a généré. En gros, la firme propose aux entreprises
et aux particuliers de se préinscrire à un service –payant même s’il y a
un essai gratuit- qui leur permettra notamment de savoir si oui ou non
ils sont concernés par cette fuite de données. Et ce n’est pas donné :
comptez 120 dollars par mois si vous êtes une entreprise.
D’autre part, Hold Security se refuse à
donner le moindre nom de site dont la base a été piratée. Ce peut être
compréhensible : son patron Alex Holden l’explique dans le New York Times, il ne souhaite pas révéler le nom des victimes pour des raisons de confidentialité. Il y aurait pourtant des entreprises du Fortune 500 selon lui dans le lot.
Mais comme le fait remarquer Forbes,
il semble pour le moins étonnant (mais pas totalement impossible) que
de si grandes entreprises se soient fait berner par une injection SQL,
une technique très connue des hackers… et des experts en sécurité qui
protègent les sites importants de telles attaques.
Des infos de piètre qualité ?
Il
y a aussi de nombreuses informations qui manquent, dans la description
de Hold Security. Quels botnets ont été utilisés ? Comment le malware
a-t-il été inoculé dans la machine des victimes ? Et surtout pourquoi,
comme l’indique le New York Times, le gang se contente-t-il d’utiliser
pour l’instant leur fabuleuse base de données pour… envoyer du spam sur
les réseaux sociaux, alors qu’ils pourraient à priori faire bien plus de
mal ?
En réalité, il se peut que les milliards de mots de passe collectés par CyberVor étaient déjà disponibles sur le web underground depuis bien longtemps. Hold Security l’avoue sur son site : « Au départ, le gang a acquis des bases de données d’identifiants sur le marché noir ».
Une pratique fort courante chez les cybercriminels, mais qui ne repose
pas sur le moindre hack : il suffit de payer. Il est fort possible que
ces « collectionneurs » aient au fil du temps accumulé un nombre de
données incroyable, mais pas forcément « fraîches » et donc de piètre
qualité. Il se peut aussi que la technique de l’audit d’un site par un
botnet ait été fructueuse… Sur des sites de moindre envergure, voire des
sites perso, mal sécurisés, qui n’ont pas fourni à Cybervor de quoi
faire autre chose que du spam sur Twitter.
Quoiqu’il en soit, l’annonce de Hold
Security vous donne une excellente excuse pour changer dès aujourd’hui
vos mots de passe, ça ne fait jamais de mal !
Source : Hold Security
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