L’une des tendances lourdes que l’on a pu constater au dernier CES, fut l’adoption par tous les constructeurs de téléviseurs d’une nouvelle technologie : les points quantiques. On les retrouve chez Sony sous l’appellation Triluminos, chez Samsung dans les gammes SUHD à nanocristaux, chez LG sous le nom quantum dots, chez TCL, chez Philips, etc. Les constructeurs promettent - comme d’habitude - des images plus belles, plus contrastées, plus colorées. Mais peu s’attardent à expliquer ce que sont les points quantiques et ce qu’ils changent dans les téléviseurs. Essayons d’y voir plus clair.
1 - Les TV à QD sont des TV LCD LED
Pour comprendre ce que sont les points quantiques, commençons par jeter un œil à l’intérieur d’un téléviseur classique. Les écrans plats qui ont remplacé les traditionnels cathodiques depuis une dizaine d’années sont composés de deux éléments principaux : i) une source de lumière, le rétroéclairage ii) une dalle à cristaux liquides.Les cristaux liquides n’ont pour rôle que de moduler la transparence de la dalle et donc la quantité de lumière qui la traverse. Ce sont d’eux dont on parle le plus souvent, de leur temps de réponse, de leur fréquence de rafraîchissement ou de leurs angles de vision.
Mais le rétroéclairage est tout aussi important, car la qualité de la lumière produite détermine la fidélité des couleurs affichées. Le rétroéclairage détermine également l’épaisseur de l’écran : c’est ainsi que les LED ce sont imposées, car leur faible encombrement a permis l’éclosion de toute une nouvelle génération de téléviseurs ultrafins.
Aujourd’hui la technique la plus répandue consiste à utiliser des LED “blanches” (WLED), qui sont en réalité des LED bleues recouvertes de phosphore qui transforment une partie du bleu en jaune. La lumière “blanche” résultante possède un spectre large, bien que fortement dominé par le bleu. Cette lumière est ensuite filtrée devant chaque sous-pixel pour récupérer les trois couleurs primaires RVB.
Cette technique a deux inconvénients majeurs. D’une part, une part importante de l’énergie lumineuse émise ne correspond ni à du bleu, ni à du vert, ni à du rouge et est bloquée par les filtres des sous-pixels. Il s’agit donc d’énergie totalement gâchée. D'autre part, la faible intensité du rouge et du vert ne permet pas de reproduire toutes les nuances de couleurs visibles par l’oeil humain. Il n’est pas rare qu’un écran peine à couvrir l’espace colorimétrique sRGB (standard de l’informatique) ou le Rec. 709 (utilisé pour la diffusion TV HD), qui ne représentent que 35 % des couleurs perceptibles à l’oeil. Les quantum dots sont une solution.
2 - Les QD améliorent le rétroéclairage
Un point quantique (quantum dot, ou QD), qu’est-ce que c’est ? Très simplement il s’agit d’une structure cristalline qui forme une boîte d'une dizaine de nanomètres. Lorsque la taille de la boîte est suffisamment petite, les électrons y sont confinés ce qui modifie leurs états d’énergie. Ils acquièrent ainsi des propriétés nouvelles ; en l’occurrence c’est le phénomène de fluorescence qui est exploité pour les téléviseurs.
Table des matières
Un tube au cadmium ou un film sans ?
3 - Où ça se met ?
Nous avons exposé le principe général de fonctionnement des téléviseurs à points quantiques. Dans la pratique, il existe deux implémentations opposées : les tubes ou les films.La première est défendue par la société QD vision, une start-up issue du MIT aux États-Unis qui a contribué à inventer les quantum dots. Elle est particulièrement adaptée aux téléviseurs “Edge LED”, dans lesquels le rétroéclairage est assuré par une barrette de LED placée sur un bord de l’écran. QD vision et son concurrent Nanosys fournissent à leurs clients constructeurs de TV des tubes de verre (des Quantum Rails) enfermant une couche de points quantiques. Ces tubes prennent place devant les barrettes de LED… et c’est tout. Pour les constructeurs, la solution de QD Vision est très séduisante et économique. Son coût est presque indépendant de la diagonale, elle ne demande pas de modifications profondes du design ou des processus de fabrication. La technologie QD vision est déjà sur le marché. Sony l’utilise depuis quelques années sur ses téléviseurs “Triluminos”. QD Vision a également été choisi par les Chinois TCL et TPV (ce dernier commercialisant ses produits sous les marques Philips ou AOC). En revanche, les tubes de QD Vision ne sont pas adaptés aux petits écrans ou aux designs ultrafins, le diamètre du tube étant incompressible.
L’autre approche est celle du film (QDEF, Quantum Dots Enhancement Film). Les QD ne sont alors plus concentrés dans un tube, mais encapsulés dans un film plastique qui recouvre toute la surface de la dalle. Cette technique permet de réaliser des écrans plus fins, se prête bien aux petites diagonales (Amazon l'a exploitée pour sa Kindle Fire HDX 7) et garantit une meilleure homogénéité d’éclairage. Elle aussi compatible avec les téléviseurs “Full LED”, où les LED sont placées derrière la dalle et non sur ses bords.
Comme les tubes de QD vision, les films sont très faciles à intégrer aux lignes de production existantes. Mais ils sont plus chers à fabriquer, d’autant plus chers que la diagonale de l’écran est grande. LG et Samsung ont tous deux opté pour une solution QDEF pour leurs téléviseurs Ultra HD de 2015. LG utilise la technologie de Nanoco (pour les cristaux) et Dow Chemicals (qui fabrique le film). Samsung a passé un accord avec Nanosys (pour les QD) et 3M (pour le film).
4 - Cadmium Vs. Indium
On ne peut pas fabriquer des points quantiques avec n’importe quel matériau et parmi ceux qui s'y prêtent, certains sont plus performants. Le meilleur élément connu aujourd’hui est le cadmium. Or, ce nom est synonyme de métaux lourds, de toxicité, de pollution. Il fut notamment banni des composants électroniques par la directive européenne RoHS ; aucune marque ne devrait donc avoir l’autorisation de commercialiser des téléviseurs contenant du cadmium en Europe.La situation, pourtant, serait sur le point de changer. L’Union européenne envisage de faire une exception à sa réglementation RoHS pour les TV à points quantiques. Le régulateur estime en effet que les économies d’énergie permises par le meilleur rendement lumineux compensent la toxicité, qui reste relativement faible car les quantités de cadmium en jeu sont très réduites. Selon QD Vision, il faudrait 500 tubes de téléviseur pour atteindre la dose de cadmium contenue autrefois dans une seule batterie Ni-Cd.
Certains constructeurs, comme LG, mettent justement en avant l’absence de cadmium dans leur TV à points quantiques. Ils utilisent en réalité un autre élément, l’indium, dont la toxicité est en effet bien inférieure et qui n’est pas réglementé par l’UE. Il n’offrirait cependant pas tout à fait les mêmes performances que le cadmium.
OLED ou LCD LED QD ?
Un TV SUHD Samsung face à un classique.5 - Sont-ils meilleurs que les OLED ?
On l'a vu au CES, les constructeurs vont utiliser les points quantiques dans leurs gammes Ultra HD, donc dans des produits onéreux. Chez Samsung, par exemple, la gamme SUHD dotée de points quantiques démarre à 2 500 $ pour un 48 pouces. À ces prix, on peut aussi trouver des téléviseurs OLED Full HD comme ce LG 55EC930V. À l'heure du choix, la question se pose donc : vaut-il mieux un LCD UHD à points quantiques ou un OLED Full HD ?Il nous est impossible de donner une réponse définitive, car les qualités intrinsèques de chaque modèle sont aussi importantes que les bénéfices théoriques de chaque technologie. Toutefois, on peut se risquer à une évaluation d'ordre général. Comme nous l'avons dit précédemment, les téléviseurs à points quantiques restent des écrans LCD. Ils souffriront donc des mêmes maux : angles de vision limités, temps de rémanence des cristaux liquides, contraste restreint. Les OLED conserveront sur ces critères leur avantage. Les LCD à points quantiques pourraient s'avérer supérieurs en termes de reproduction des couleurs. Ils devraient aussi pouvoir délivrer une luminosité plus élevée, mieux adaptée aux futurs films HDR sur Blu-ray Ultra HD.
Enfin, si l'Ultra HD vous intéresse, les LCD à points quantiques devraient rester encore un bon moment moins onéreux que les OLED.
Un avenir radieux
Vu le nombre de modèles présentés au CES, l'année 2015 devrait être celle des boîtes quantiques/points quantiques/nanocristaux (il faudrait réellement trouver un nom plus séduisant à cette technologie !). Mais les années suivantes pourraient être encore plus passionnantes. Il n'y a en effet aucune raison que ces nanoboîtes se limitent aux téléviseurs. À l'avenir, elles pourraient très bien se retrouver sur des ampoules LED, qui produiraient enfin une lumière aussi complète que les traditionnelles ampoules à incandescence.Mieux encore : QD Vision envisage d'utiliser ses nanocristaux comme leur propre source lumineuse. Les points quantiques sont en effet non seulement capables de photoluminescence (émission de lumière sous l'effet de lumière), mais aussi d'électroluminescence (émission de lumière sous l'effet d'un courant électrique), comme les LED ou les OLED. D'ailleurs, pendant les premières années de son existence, QD Vision envisageait d'abord cette application. La technologie serait peut-être au point pour le passage à la 8K ?
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