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mercredi 9 avril 2008

Qu'est ce que ça fait un espion du SCRS a la retraite ?

Quand les «ex» se mettent de la partie,


Pour compenser cette carence au niveau de la liberté de parole, l'agence de renseignement peut toujours compter sur une poignée de vétérans du SCRS qui continuent à servir fidèlement les intérêts de l'organisation, et constituent à ce titre une véritable mini-force de réserve toujours prête à monter sur le front pour mener la bataille des relations-publiques dans les médias de masse.
Ces espions à la retraite jouissent en effet de la liberté de faire ce que les membres actuels de l'agence de renseignement ne peuvent faire eux-mêmes, comme par exemple dénoncer les compressions du gouvernement dans le budget du SCRS, s'opposer à la tenue d'enquêtes publiques sur des activités scandaleuses des services secrets canadiens, se porter à la rescousse d'anciens collègues qui se retrouvent dans l'eau chaude ou encore défendre des tactiques controversées dont les porte-paroles officiels du SCRS ne sont pas autorisés à en admettre l'existence. (OH ! on dirait que l'ont voit Normand Lester,caché derrière son micro ou sa plume ! )Sans oublier les habituels discours destinés à alimenter la peur et à justifier l'existence du SCRS...
Parmi les plus médiatisés de ces anciens du SCRS, on compte David Harris, qui aurait été membre du SCRS pendant neuf mois (9), période durant laquelle il fut responsable de la planification stratégique, et est aujourd'hui président de la compagnie de consultants en sécurité Insignis Strategic Research, basée à Ottawa. En plus d'être régulièrement cité dans les médias canadiens, M. Harris est aussi connu pour ses interventions médiatiques controversées aux États-Unis, dans lesquelles il n'hésite jamais à dépeindre le Canada comme une planque idéale pour les terroristes (10).
Reid Morden, qui fut directeur du SCRS, de 1988 à 1992, et qui dirige aujourd'hui une firme d'analyse en sécurité, Reid Morden & Associates, compte aussi parmi ces soi-disant experts en sécurité qui sont contactés par les médias pour commenter des questions liées au terrorisme. Au même titre que Michel Juneau-Katsuya, membre du SCRS dès sa fondation, en 1984, se hissant ensuite à la tête de l'unité Asie-Pacifique dans les années '90, avant de prendre sa retraite, en 2000. Il est aujourd'hui PDG d'une agence de renseignement privée, le Northgate Group.
Mentionnons également Peter Marwitz qui, après avoir passé vingt ans au Service de sécurité de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), fut membre du SCRS, de 1984 à 1993. Cité de temps à autres dans les grands quotidiens anglo-canadiens, M. Marwitz a aussi vu 17 de ses lettres ouvertes être publiées dans le courrier des lecteurs des médias écrits, entre 1993 et 2007.
Enfin, on s'en voudrait de passer sous silence le cas particulier de Tod Hoffman, membre du SCRS de 1988 à 1995, aujourd'hui chroniqueur chez la presse anglophone, principalement au quotidien The Gazette, lequel publia près de cent articles, portant sur une foule de sujets, de cet ex-agent de renseignement au cours des douze dernières années.
Malgré tout le bon vouloir déployé par David Harris et compagnie, le SCRS a encore fort à faire avant que la peur bleue de la menace terroriste ne prenne racine au sein de l'imaginaire collectif canadien, ce qui incite l'agence à avoir recours à des stratagèmes toujours plus audacieux, pour ne pas dire carrément tordus, afin d'y arriver.


Le coulage d'informations
Parmi les méthodes de prédilection de l'agence, on retrouve le coulage d'informations dans les médias de masse. À ce titre, il faut distinguer deux types de coulage : le coulage autorisé et légal, d'une part, et le coulage clandestin et criminel, d'autre part. Dans cette seconde catégorie, il importe de différencier le coulage d'informations servant les intérêts supérieurs du SCRS, lequel est vraisemblablement bien vu par la haute direction de l'agence, voire approuvé implicitement par elle, des fuites de renseignements pratiquées par des employés mécontents qui, pour une raison ou une autre, cherchent à plonger leurs patrons dans l'embarras.
Examinons d'abord la façon légale. Cela consiste tout simplement à ce que le SCRS remette des documents précensurés à des journalistes en réponse à des demandes effectuées en vertu de la Loi d'accès à l'information. La loi octroyant au SCRS une large latitude pour déterminer les informations pouvant être divulguées de celles qui doivent demeurer secrètes, les responsables de l'agence ont donc tout le loisir de trier les renseignements qui leur sont avantageux et susceptibles de faire avancer leur propre agenda politique, de celles qui leur seront potentiellement nuisibles, voire préjudiciables, qu'ils pourront alors dissimuler sans difficultés.
Ainsi, même le coulage d'information selon la méthode légale n'est pas exempte de manipulations de la part du SCRS. On en a eu un exemple éloquent en février 2001, lorsque le SCRS remis au journaliste Jim Bronskill, de Southam, un rapport supposément «confidentiel» traitant de la menace que faisait peser des «groupes d'affinités anarchistes» sur le Sommet des Amériques, un événement réunissant trente-quatre chefs d'état du continent devant se tenir deux mois plus tard, à Québec.
Le rapport en question, intitulé «Quebec city 2001: Radical Anti-Globalization Element Organizing Protest» et daté de décembre 2000, prédisait que le Sommet donnera probablement lieu à des actes de vandalisme et de violence. «L'utilisation de cocktails Molotv et autres instruments pertubateurs ne peut être écarté», peut-on y lire notamment. M. Bronskill se basa sur ledit rapport pour rédiger un article à forte saveur sensationnaliste, lequel sera publié dans les quotidiens anglophones The Gazette (11), National Post, Edmonton Journal, The Ottawa Citizen et The Windsor Star.
Or, la demande d'accès à l'information qu'avait adressée le journaliste Bronskill au SCRS n'avait absolument rien à voir avec les manifestations contre le Sommet des Amériques ou la globalisation! Qu'à cela ne tienne: le SCRS voulait que son «rapport confidentiel» soit coulé dans les médias et savait qu'il pouvait compter sur M. Bronskill pour accomplir cette tache.
Le journaliste Lyle Stewart demanda d'ailleurs à Bronskill s'il croyait que le rapport du SCRS pouvait faire partie d'une campagne de désinformation. Voici sa réponse: «Je tend à être d'accord, en un sens. Je ne sais pas où se situe la vérité. Une partie du problème avec ces affaires-là est qu'ils noircissent beaucoup de choses et que vous ne savez pas quelle quantité d'informations il pouvait y avoir là. Vous devez prendre leurs conclusions pour de l'argent comptant, pour ce qu'elles peuvent valoir» (12).
Les services de renseignement canadiens peuvent aussi pratiquer le coulage d'informations de manière clandestine, par exemple en faisant couler illégalement des renseignements confidentiels à des journalistes qui se sont mérité leur confiance, comme cela s'est produit à plusieurs reprises dans l'affaire Maher Arar. Rappelons que dans cette affaire les autorités américaines s'étaient basés sur des renseignements canadiens erronés lorsqu'elles décidèrent de déporter M. Arar, un ingénieur canado-syrien, vers son pays d'origine, la Syrie, où il fut emprisonné et torturé pendant 374 jours avant d'être libéré et de pouvoir revenir au Canada, le 5 octobre 2003.
Comme le souligne lui-même dans son rapport le juge Dennis O'Connor, qui présida la commission d'enquête sur l'affaire Arar, «des responsables canadiens ont, pendant une longue période, sélectivement divulgé aux médias de l'information classifiée sur M. Arar. Les fuites ont commencé en juillet 2003 avant le retour de M. Arar au Canada et se sont poursuivies jusqu'en juillet 2005, pendant les travaux de la Commission.» Notons que les auteurs de ces fuites n'ont jamais été identifiés (13).
Dans ce cas-ci, le coulage d'informations avait pour but de salir la réputation de M. Arar, en le faisant passer pour un individu qui n'est pas au-dessus de tout soupçon, de façon à ce que les agents de renseignement qui avaient cru voir en lui un potentiel «agent dormant d'al-Qaïda» puissent justifier leurs actions après coup et ainsi couvrir leurs arrières. Mais l'opération a manifestement échouée puisque le 26 janvier 2007, le gouvernement canadien a présenté ses excuses à M. Arar, à qui une somme de 10.5 millions de dollars fut versée pour mettre un terme à sa poursuite au civil.
Plus récemment, un nouveau cas de coulage d'informations confidentielles dans les médias est apparu lorsque certains extraits d'un «document secret» du SCRS concernant le résident canadien d'origine marocaine Adil Charkaoui ont atteri dans les pages de La Presse, le 21 juin dernier. Le rapport coulé allègue qu'en juin 2000, M. Charkaoui aurait eu une conversation avec un certain Hisham Tahir, «dont le propos suggère qu'ils planifiaient un attentat terroriste en prenant possession d'un avion en partance de Montréal vers une destination inconnue à l'étranger» (14).
Rappelons que M. Charkaoui, un professeur de français, a été détenu pendant vingt-et-un-mois en vertu d'un certificat de sécurité, une procédure permettant l'expulsion de personnes ne jouissant pas de la citoyenneté canadienne et qui sont soupçonnées par le SCRS de mettre en péril la «sécurité nationale». Dans un jugement unanime rendu le 23 février 2007, la Cour suprême du Canada a toutefois tranché que les certificats de sécurité étaient en partie inconstitutionnels.
Maintenant, le fait que M. Charkaoui n'a jamais été inculpé de quelque infraction criminelle que ce soit, tout comme que le fait que M. Tahir soit lui-même libre comme l'air, témoigne de façon convaincante que cette conversation semble relever davantage du canular que du complot terroriste. Et pourtant, La Presse semble avoir été tellement emballée par cette «exclusivité» qu'elle trouva nécessaire d'accorder une visibilité démesurée aux allégations pour le moins douteuses de ce document naguère secret.
Pour sa part, M. Charkaoui a nié énergiquement l'existence de cette conversation, estimant que ce coulage d'informations n'était sûrement pas étranger à la requête demandant l'annulation de ses conditions de libération qu'il avait déposé deux jours avant la parution de l'article de La Presse. Quant au SCRS, qui accumule les revers depuis un certain temps dans les dossiers des certificats de sécurité, et ce, tant au niveau de l'opinion publique que sur le plan judiciaire, il semble décidément prêt à tous les coups bas pour justifier son acharnement à l'égard de M. Charkaoui. La GRC a d'ailleurs ouvert une enquête sur cette nouvelle affaire de fuite.
De la collusion jusqu'aux journalistes-espions
Bien entendu, les opérations de manipulation de l'opinion publique sont grandement facilitées lorsque des officiers de renseignement parviennent à tisser des liens étroits avec les membres les plus complaisants du gratin médiatique. Comme le note le journaliste du Globe and Mail, Andrew Mitrovica, dans son livre «Entrée clandestine», c'est précisément ce qu'a fait Ward Elcock, lorsqu'il était directeur du SCRS, de 1994 à 2004.
En effet, M. Elcock, qui «dîne souvent avec des membres importants de la galerie de la presse parlementaire à Ottawa», écrit M. Mitrovica, «a habilement forgé des alliances avec les journalistes (?) particulièrement dans l'incestueux enclos d'Ottawa (?) et des universitaires qui, en échange de son oreille et d'informations, le défendent, lui et le Service» (15). Les plus chanceux de ces journalistes se sont sans doute fait payer la traite par les services secrets canadiens lors des grandes bouffes bien arrosées que Elcock et ses collègues tenaient à l'intérieur même des confortables locaux insonorisés du quartier général national du SCRS, dans la région d'Ottawa (16).
On peut également soupçonner que les affinités existant entre les professions de journalistes et d'agents de renseignement sont aussi de nature à faciliter les occasions de rapprochement et autres rencontres fortuites entre les membres des deux groupes. «L'espion et le journaliste ont quelques points communs et beaucoup de différences», observe Hans Leyendecker, un des plus célèbres journalistes d'enquête de l'Allemagne. «Tous deux collectent des informations à partir de multiples sources, informations qu'ils analysent ensuite pour leurs commanditaires» (17).
Tout ceci nous amène forcément à soulever d'épineuses, mais incontournables questions : Jusqu'où au juste peut aller cette collusion entre journalistes et membres des services secrets? Le SCRS disposerait-il de ses propres «sources humaines», un euphémisme pour les informateurs, au sein de la communauté journalistique? Questions qui sont évidemment impossibles à répondre. Mais, advenant que cela ne soit pas le cas, ce ne sera pas faute de n'avoir essayé...
Certains se rappelleront peut-être, en effet, que deux agents du SCRS avait approché, en septembre 1988, le journaliste Charlie Greenwell, de la station de télévision CJOH, à Ottawa, en lui proposant le marché suivant : devenir informateur pour le compte des services secrets, en échange de quoi l'agence s'engageait à lui fournir toute l'assistance possible pour de futurs reportages touchant au monde du renseignement (18).
À l'époque, les dirigeants du SCRS étaient devenus obsédés par une série de fuites survenues au cours de l'été 1988, lesquelles ne posaient pas tant un problème au niveau de la sécurité mais restaient néanmoins embêtantes puisqu'elles étalaient au grand jour certains dessous peu reluisants de l'agence. D'abord, le journaliste Pierre Beauregard, de l'agence Presse Canadienne, révéla qu'un haut-gradé du SCRS avait mis en péril la sécurité d'un transfuge soviétique en utilisant sa voiture personnelle pour assurer son transport vers un aéroport. Puis, le journaliste Normand Lester, de Radio-Canada, dévoila que la grogne règnait parmi des employés montréalais du SCRS affectés à l'écoute électronique suite à l'abolition de quatre postes.
Ainsi, les services secrets souhaitaient que M. Greenwell les aide à découvrir qui, parmi les membres du SCRS, étaient les sources qui avaient fournis des tuyaux aux journalistes Beauregard et Lester. En d'autres mots, le SCRS souhaitait que le reporter de CJOH espionne ses propres collègues journalistes. (mon opinion,en d'autres mots,Greenwell ne savait pas que Lester était sur la liste de paye du SCRS)L'un des agents secrets suggéra même à Greenwell d'user de ruse, en proposant à Lester de mener des enquêtes conjointes dans le but d'amener subtilement ce dernier à révéler ses sources!
Or, M. Greenwell ne se contenta pas de refuser le marché, il avisa aussi son collègue Lester des intentions du SCRS à son égard. Les deux reporters se sont ensuite fait un devoir de faire éclater publiquement l'affaire sur leurs réseaux télévisés respectifs, le 15 septembre 1988. Au début, la direction du SCRS s'enferma dans le mutisme, refusant de commenter les allégations.
Puis, le 20 septembre, le directeur du SCRS de l'époque, Reid Morden, brisa le silence et confirma que l'agence avait effectivement adressée une «demande de coopération» à M. Greenwell, quoique qu'il nia que ce dernier se soit fait offrir de l'information ou une quelconque forme de rétribution en échange de ses services sollicités. Aussi, Morden se montra réticent à employer le terme «espionnage». «Nous ne dirions pas 'espionner'», chercha à nuancer le directeur des services secrets. «Nous dirions recueillir de plus amples informations».
Notons qu'il ne s'agissait nullement là d'un précédent dans la petite histoire du renseignement canadien. Une décennie plus tôt, la journaliste Kitty McKinsey, du quotidien Ottawa Citizen, avait en effet révélé que des agents du sinistrement réputé Service sécurité de la GRC, c'est-à-dire l'ancêtre du SCRS (19), lui avaient proposé d'espionner certains journalistes soupçonnées d'être des taupes à la solde des services secrets de la défunte Union soviétique (20).
L'infiltration de la profession journalistique par le SCRS demeure évidemment sujet à spéculation. Les «success stories» étant, pour la plupart, des secrets bien gardés dans le milieu du renseignement, il n'y a que les tentatives de recrutement infructueuses et autres échecs qui se retrouvent à faire les manchettes. L'infiltration des milieux journalistiques par les services secrets ne relève toutefois pas de la fiction, mais constitue un phénomène bien réel, même dans les régimes démocratiques du monde occidental.
Ainsi, ce n'est pas pour rien si, aux États-Unis, une directive interdit spécifiquement à la Central Intelligence Agency (CIA) de rémunérer des journalistes depuis 1977 (21), dans la foulée de l'un des nombreux scandales qui avaient suivis l'affaire Watergate (22). Plus récemment, l'équivalent allemand de la CIA, le Service de renseignement fédéral (Bundesnachrichtendienst, BND) s'est vu imposé une directive similaire après avoir été éclaboussé par une affaire d'espionnage du milieu journalistiques, en mai 2006 (23).




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