La policière Stéphanie Pilotte, impliquée dans l'incident qui a mené à la mort de Fredy Villanueva, bénéficiait de beaucoup de soutien moral, vendredi après-midi, au palais de justice de Montréal, alors qu'elle amorçait son témoignage.
Plusieurs de ses collègues étaient présents, incluant l'agent Jean-Loup Lapointe, celui-là même qui a abattu le jeune Latino. La présence du policier dans la salle a grandement troublé la famille Villanueva.
Pour la première fois, donc, un acteur direct de la tragédie prenait la parole. Le coroner André Perreault a toutefois dû ajourner son enquête, en fin de journée, alors que Mme Pilotte arrivait au point où tout allait se jouer.
Et elle ne poursuivra son témoignage que le 9 décembre. Les audiences reprendront le 8 décembre, mais la jeune femme ne pourra être présente à cette date.
Le procureur du coroner, François Daviault, a surtout mis la table, vendredi.
Stéphanie Pilotte lui a indiqué qu'elle avait reçu son diplôme de l'Ecole nationale de police en décembre 2006 pour entrer en fonction au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en février 2007. Elle a immédiatement été affectée à un poste de Montréal-Nord, que les policiers surnomment «Le Bronx» parce qu'il s'agit d'un quartier «chaud».
Elle n'avait ainsi qu'une année et demie d'expérience au moment du drame.
De petite taille, Mme Pilotte a elle-même souligné que ses collègues l'ont parfois taquinée.
«Ils riaient de moi quand ils me voyaient au volant d'une Crown Victoria», a-t-elle lancé en référence aux voitures les plus imposantes que les policiers utilisent, faisant sourire une partie de la salle.
Elle a par ailleurs indiqué qu'elle n'a jamais fait feu lors d'une intervention. Elle n'a même eu à dégainer son arme et à la pointer vers quelqu'un qu'une seule fois.
Comme elle faisait du temps supplémentaire, le soir du 9 août 2008, elle ne travaillait pas avec son équipière habituelle. C'était la première fois qu'elle était jumelée à Jean-Loup Lapointe.
Stéphanie Pilotte a raconté que c'est par coïncidence qu'ils sont tombés, lors d'une patrouille, sur un groupe d'individus dont quatre ou cinq formant un cercle étaient penchés vers le sol.
«Ils jouent aux dés», lui aurait dit M. Lapointe. Ils contrevenaient ainsi à un règlement municipal sur les paris et les jeux de hasard, règlement que la jeune femme connaissait mais pour lequel elle n'était jamais intervenue.
Alors qu'elle venait d'accepter de répondre à un appel pour une tout autre affaire (une histoire de bruit), elle a constaté que l'agent Lapointe venait de sortir de leur voiture. Elle l'a suivi et les deux se sont dirigés vers un jeune homme qui avait quitté le groupe. Ils apprendraient plus tard qu'il s'agissait de Dany Villanueva, le frère de Fredy.
La suite en décembre.
Comme Mme Pilotte l'avait relaté un peu plus tôt, le hasard a aussi voulu que les deux agents rencontrent quelques minutes avant la tragédie Jeffrey Sagor Metellus, au sujet de qui Jean-Loup Lapointe avait fait une recherche avec l'ordinateur de leur voiture environ deux heures plus tôt. M. Metellus allait sous peu recevoir dans le dos un projectile du même Jean-Loup Lapointe.
«Ç'a été très bref, a-t-elle dit au sujet de cette rencontre. Au maximum une minute.» Les deux jeunes hommes, qui se connaissaient, se sont simplement salués, selon elle.
Beaucoup de tension dans la salle
Non seulement l'agent Lapointe a offert une présence très remarquée, lors de ce témoignage très attendu, il était accompagné de ce qui semblait être au moins cinq gardes du corps. Et plusieurs autres policiers étaient aussi sur place.
«Je ne pense pas que nos clients assis dans la salle vont faire des choses méchantes», a assuré après l'ajournement l'avocat de M. Metellus et principal porte-parole du camp Villanueva, Alain Arsenault.
«Je trouve qu'il y a beaucoup de gens avec des oreillettes et des trucs semblables, a-t-il ajouté. Je trouve ça lourd comme atmosphère.»
La mère des frères Villanueva, Lilian Madrid Antunes, et l'agent Lapointe ont échangé de nombreux regards tout au long de l'après-midi, des regards qui semblaient souvent très durs, aucun des deux n'acceptant de baisser les yeux.
«C'était la première fois pour la mère qu'elle était confrontée à l'individu qui a fait feu sur son fils, qui a causé sa mort, a confié en fin de journée l'avocat des Villanueva, Peter Georges-Louis. C'était très difficile pour les parents.»
«Il a tout à fait le droit d'y être, a-t-il reconnu. Mais mettez-vous à la place d'un père ou d'une mère qui ont perdu un de leurs enfants.»
Une scène souillée
Vendredi matin, c'est l'état des lieux dans les heures suivant l'intervention qui avait retenu l'attention.
Le drame s'est déroulé dans un endroit public où il y avait beaucoup de va-et-vient. La scène a donc été «contaminée et souillée», comme l'a dit le coroner Perreault.
Ainsi, deux des quatre douilles trouvées par terre avaient été partiellement aplaties.
Des pièces de monnaie jonchaient aussi le sol, tout comme des lunettes fumées endommagées, ce qui survient souvent lorsqu'il y a eu bousculade, a affirmé l'enquêteur en scène d'incident de la Sûreté du Québec (SQ) Sylvain Landry.
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Fredy Villanueva se trouvait à une quinzaine de pouces de l'arme(*) du policier Jean-Loup Lapointe quand celui-ci a fait feu sur lui, peu après 19h00, le soir du 9 août 2008, dans un parc de Montréal-Nord.
C'est ce qu'indique un rapport d'analyse présenté mardi au palais de justice de Montréal, devant le coroner ad hoc André Perreault. Le sergent-détective Bruno Duchesne, enquêteur principal de la Sûreté du Québec (SQ) dans ce dossier, poursuivait alors son témoignage.
Les différents documents et déclarations évoqués en cour semblent indiquer que les agents Jean-Loup Lapointe et Stéphanie Pilotte avaient interpellé Dany Villanueva - le frère de Fredy -, qui contrevenait apparemment à des conditions que la Cour lui avait imposées, et qu'ils essayaient de l'immobiliser quand le policier Lapointe et lui se sont retrouvés par terre.
C'est à ce moment que Fredy Villanueva aurait tenté de prêter main-forte à son frère.
Il est vraisemblablement le seul à l'avoir fait. Il aurait eu la main gauche presque au sol et la main droite en l'air quand il a été atteint de trois projectiles. Son corps portait des marques de brûlures d'arme à feu, selon le sergent-détective Duchesne.
L'hypothèse de départ de la SQ, transmise par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), voulait qu'au moins un des jeunes en cause ait étranglé l'agent Lapointe. Or, ce dernier a subi un examen médical dans les heures suivant l'incident et on ne lui a constaté aucune blessure au cou.
Par ailleurs, on connaissait déjà le passé chargé de Dany Villanueva, mais on n'a appris que mardi que l'Agence des services frontaliers du Canada s'intéressait à son cas.
Celle-ci a contacté la SQ le 15 août 2008 afin d'obtenir la confirmation que le jeune homme dont il était question dans les médias était bien le même que celui au sujet de qui elle conservait un dossier. Originaire du Honduras, Dany Villanueva était résident permanent et non citoyen canadien.
Il est toujours devant les tribunaux pour une affaire de vol qualifié survenue en juin 2008, et avait déjà été condamné à 11 mois de détention pour une précédente affaire semblable. La Couronne songe aussi à porter des accusations contre lui pour une troisième affaire de moindre importance.
Un traitement de faveur pour les policiers?
Les avocats du camp policier ont d'autre part voulu rétablir mardi la crédibilité de l'enquête de la SQ, mise à mal lundi par Me Alain Arsenault, l'avocat de Jeffrey Sagor Metellus, l'un des deux jeunes blessés dans l'incident. Ils ont également voulu démontrer que les agents de la paix ne bénéficient d'aucun traitement de faveur devant l'appareil judiciaire.
En contre-interrogeant Bruno Duchesne, l'avocat de la Fraternité des policiers de Montréal, Michael Stober, lui a fait confirmer que tout témoin ou suspect, civil ou policier, a le droit de refuser de répondre aux questions.
M. Duchesne a aussi souligné que «dans la majorité des cas», on rencontre les suspects à la fin d'une enquête, et qu'il n'avait pas de raison, dans la présente affaire, de s'éloigner de cette habitude.
De plus, Me Stober a fait dire à Bruno Duchesne que rien ne le forçait à séparer les agents Jean-Loup Lapointe et Stéphanie Pilotte, comme son équipe l'avait fait pour les autres témoins, puisqu'il ne souhaitait pas les interroger dans les heures suivant la mort de Fredy Villanueva. Il n'aurait vraisemblablement pas pu les isoler l'un de l'autre pendant des jours, voire des semaines.
Le procureur de la Ville de Montréal et du SPVM, Pierre Yves Boisvert, a ensuite souligné qu'un rapport doit impérativement être soumis à la Couronne dans toute enquête qui vise un policier, ce que M. Duchesne a confirmé. C'est le cas même si l'enquêteur estime qu'aucune accusation ne devrait être portée.
Or, il semble que ce ne soit pas vrai dans le cas d'une enquête visant un civil. La police peut elle-même fermer le dossier.
Me Boisvert a ainsi voulu démontrer que non seulement les policiers ne jouissent pas d'un traitement de faveur, ils ont encore plus l'obligation de montrer patte blanche.
Répondant plus tard à Alexandre Popovic, de la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP), Bruno Duchesne a assuré qu'il n'a «aucun préjugé favorable» envers les policiers. Il a cependant réitéré être d'avis qu'on peut, de par leur fonction, «présumer qu'ils sont honnêtes».
LES BLESSURES DES 2 POLICIERS:
Par les 3 photos ci-dessus,ni Jean-Loup ou Stéphanie,n'ont été gravement agressés ou blessés,ce ne sont que des blessures superficielles,aux bras et aux jambes.Fait interressant,selon les rapports personnels des 2 policiers; Jean-Loup ,qui aurait reçu un solide coup de poing a la machoire n'a pu rien montré de grave lors de son examen médicale;donc cela prouve que dans les faits les rapports des policiers n'étaient vraiment pas juste et honnête.Et que la seule arme trouvé sur les latinos présent n'était qu'un vulguère canif de gamin et des Dés.
(*) L'armurier du SPVM, Alexandre Limoges, entendu aujourd'hui est donc venu expliquer les mécanismes de sécurité des étuis d'armes à feu que possèdent les policiers.
Selon lui, le type d'étui que portait le policier Lapointe le 9 août 2008 possédait trois dispositifs de sécurité fonctionnels, c'est pourquoi, bien qu'il était possible pour un civil de sortir l'arme de son étui, le tout lui semblait peu probable. Il a donc estimé que le policier n'avait pas à craindre d'être désarmé.
Questionné sur les habiletés nécessaires pour réussir cette manœuvre, l'avocat de la famille Villanueva, Me Peter Georges-Louis, a également souligné que pour quelqu'un qui serait «strictement néophyte dans les armes à feu ou les étuis», ce serait «très difficile».
Deux ans plus tard
L'enquête publique sur la mort de Fredy Villanueva avait été suspendue en 2010, le temps que la Cour supérieure entende les requêtes de la Ville de Montréal et de la Fraternité des policiers et des policières de Montréal qui s'opposaient à l'examen de ces mécanismes de sécurité, faisant valoir qu'il s'agissait d'informations privilégiées qui ne devaient pas être divulguées.
«Souvenons-nous en 2008, après le décès, il y a eu beaucoup de brasse-camarade. La Ville a eu peur de ça, a commenté aujourd'hui l'avocat d'un des jeunes blessés, Me Alain Arsenault. C'est l'analyse que je fais de la position de la Ville et de la Fraternité: ils n'en veulent pas du rapport.»
Même si les demandes déposées à la Cour supérieure ont été rejetées en avril 2011, une partie du témoignage de l'armurier M. Limoges a tout de même été frappée d'une ordonnance de non-publication.
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