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dimanche 22 juin 2008

Le peuple invisible, un film a voir,pour ne pas oublier

http://www.onf.ca/webextension/peuple-invisible/

La cote du grand Téo un 9.9/10



Richard Desjardins et Robert Monderie partent à la découverte d'un peuple méconnu, qu'ils ont eux-mêmes longtemps côtoyé sans vraiment le connaître.

Son histoire tumultueuse, portée à l'écran pour la toute première fois, remonte à plus de 5000 ans, mais le prochain siècle risque d'être celui de la dernière chance. En effet, ce peuple vit depuis trop longtemps dans des conditions pitoyables, parfois pires que dans certains pays du tiers-monde.
Pourtant, les deux cinéastes n'ont pas eu besoin de parcourir des milliers de kilomètres pour aller à sa rencontre : la nation algonquine habite près de chez nous, au Québec.Il y a à peine deux siècles, les Algonquins occupaient un territoire qui s'étendait de Laval à Val d'Or, jusqu'au lac Huron. À l'image de leur mode de vie ancestral, cet espace est maintenant réduit en miettes. Le territoire qu'occupe aujourd'hui ce peuple d'environ 9000 individus se résume à une dizaine de communautés au Québec, qui constituent leurs derniers refuges. Les Algonquins sont forcés à la sédentarité, souvent réduits à la misère, coupés de leurs traditions. On assiste, impassibles, à leur lente désintégration alors que le taux de mortalité infantile est très élevé et que les petits-enfants ne peuvent plus communiquer avec leurs grands-parents dans leur langue maternelle, puisqu'ils ignorent totalement la langue algonquine.


Richard Desjardins et Robert Monderie ont décidé de tirer la sonnette d'alarme et de faire la lumière sur les grandeurs et les misères de ce Peuple invisible. Invisible surtout aux yeux des Blancs qui continuent de cultiver certains préjugés, non seulement envers les Algonquins, mais envers tous les Amérindiens. Au-delà des clichés, les deux cinéastes ont ratissé leurs dernières parcelles de territoire pour leur donner la parole, et surtout faire entendre leurs nombreux silences qui cachent tant de désespoir.Ce n'est pas le premier coup d'éclat cinématographique du tandem Desjardins-Monderie, puisque leur collaboration remonte à 1977 avec Comme des chiens en pacage. En 1999, un immense coup de tonnerre résonnait dans l'industrie forestière du Québec et il ne portait qu'un nom: L'erreur boréale. Huit ans plus tard, ils récidivent, dressant un portrait alarmant d'un peuple qui, pendant des siècles, vivait en harmonie avec la forêt, lui servant à la fois de refuge, de territoire de chasse et de lieu d'inspiration. Bien sûr, tout n'était pas paradisiaque : la mort rôdait autour des campements, les hivers étaient rudes et les batailles avec les autres peuples autochtones pour l'extension de leur territoire, sanglantes. Un si vaste royaume et une géographie littéralement déroutante.Cet équilibre sera progressivement rompu à l'arrivée des Européens au 16e siècle. Lorsque Jacques Cartier plante sa grande croix de bois à Gaspé, en 1534, il marque le début d'une longue histoire de dépossession, de dépeçage, celui des territoires qu'occupent alors les différents peuples autochtones, même si pour eux on ne possède pas la terre, on en fait partie.Avec le lucratif commerce de la fourrure et un hiver impitoyable à apprivoiser, Européens et Amérindiens deviennent d'abord des partenaires. Par contre, l'appétit féroce pour le bois fait en sorte que l'Amérindien devient encombrant, car ce n'est plus lui dont on a besoin, mais des vastes contrées qu'il occupe. En s'installant le long du fleuve Saint-Laurent, les colons forcent ainsi les peuples autochtones, et surtout les Algonquins, à reculer de plus en plus à l'intérieur des terres, à s'installer loin des cours d'eau, en périphérie des communautés blanches.Pour donner une certaine légitimité à cette invasion progressive, on signe des traités, on échange des cadeaux, on conclut des ententes. Après la Conquête de la Nouvelle-France par l'Angleterre en 1760, une Proclamation royale, rédigée en 1763, stipule l'existence d'un territoire amérindien ; c'est écrit noir sur blanc mais dans les faits, leurs territoires sont toujours plus petits. Cette marginalisation croissante et une sédentarité forcée, bouleversent leur mode de vie, leurs coutumes, mettant en péril leur existence même.C'est la rupture brutale de cet équilibre avec le milieu naturel et ses séquelles dramatiques dont témoignent Richard Desjardins et Robert Monderie dans Le peuple invisible. Les nombreux problèmes des Algonquins dans leurs communautés, où certaines n'ont ni école, ni eau potable, ni électricité (alors qu'elles vivent à deux pas de barrages hydro-électriques…), trouvent souvent leurs origines dans cette suite de malentendus historiques qui ont ponctué les rapports avec les Blancs. Quand des missionnaires oblats viennent leur parler d'un Dieu dont ils ne connaissent rien; quand les rivières deviennent des autoroutes pour les billes de bois, où leurs canots ne peuvent plus circuler; quand la musique country remplace les chants traditionnels parce qu'ils ont disparu avec les derniers chamanes, c'est la voix de tout un peuple qui peu à peu s'éteint.De larges portions du territoire des Algonquins n'ont jamais été officiellement cédées au gouvernement québécois, une injustice qui a permis à des villes comme Maniwaki ou Notre-Dame-du-Nord de s'ériger sur des terres qui ne leur appartenaient pas, et à des grandes compagnies de piller allègrement les ressources naturelles sans que les communautés puissent obtenir des compensations financières. Or, non seulement les Algonquins furent dépossédés, mais une nouvelle politique allait bientôt poindre : celle de les assimiler, de les " blanchir ", de les dépouiller de leur langue, de leur identité et de leur inculquer des valeurs en totale rupture avec leur perception de l'univers et de l'au-delà; le concept catholique de l'enfer, pour eux, connais pas…Pourtant, l'enfer, plusieurs l'ont vécu pendant leur enfance, arrachés à leur famille pour être éduqués dans des pensionnats tenus par diverses communautés religieuses. Plusieurs hommes témoignent des abus, physiques et sexuels, qu'ils ont subis tandis que des femmes, victimes du cercle de violence que ces sévices ont engendré, ont dénoncé à leur tour un conjoint abuseur, parfois plus d'une dizaine dans une même réserve. Il faut d'ailleurs saluer leur courage, brisant ainsi la loi du silence dans des milieux contrôlés par les conseils de bande, un troisième pouvoir après celui du fédéral et du provincial, là où l'on peut enlever, du jour au lendemain, le droit d'occupation d'une maison.Toute cette violence est principalement tournée vers eux-mêmes, dans ces communautés où s'entassent dans des demeures insalubres plus de huit personnes, où les rares écoles ressemblent parfois à des zoos et où dans des réserves comme Lac Simon, près de la moitié des garçons ont tenté de se suicider. Est-ce étonnant d'apprendre qu'au Lac Rapide, il est parfois " plus facile d'acheter de la cocaïne que de la farine "?Devant ce portrait accablant, les deux réalisateurs veulent éveiller les consciences, et surtout faire cesser le déni sur cette douloureuse réalité. Avant d'entreprendre ce film, Richard Desjardins a admis qu'il en savait fort peu sur la vie des Algonquins. Avec Le peuple invisible, personne ne peut maintenant feindre l'ignorance.

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