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jeudi 16 décembre 2010

Souffrir de la maladie ou du syndrome de Raynaud

On estime qu'environ 5 % des gens ont les mains et les pieds très sensibles aux températures glaciales et au stress.

Description médicale

Souffrir de la maladie ou du syndrome de Raynaud, ce n’est pas seulement avoir les mains ou les pieds froids. Il s’agit d’un trouble chronique de la circulation du sang dans les extrémités, qui survient de façon périodique, en cas d’exposition au froid et, plus rarement, en cas de stress émotionnel.

Les parties touchées deviennent soudainement blanches, froides et parfois insensibles ou engourdies, car le sang n’y circule plus. La maladie touche spécifiquement les extrémités, le plus souvent lesdoigts (le pouce est généralement épargné) et les orteils, mais aussi dans certains cas, le nez, les lèvres et les lobes d'oreilles ou même les mamelons. Une crise peut durer de quelques minutes à quelques heures.

Comment le corps réagit-il au froid?

En temps normal, lorsqu’il est exposé au froid, le corps cherche à réduire sa perte de chaleur en resserrant les petites artères situées juste sous la peau (artérioles), c’est ce qu’on appelle lavasoconstriction. Ce mécanisme augmente l’afflux de sang dans les veines profondes et permet au corps de maintenir sa température interne.

Chez les personnes atteintes de la maladie de Raynaud, cette réaction est excessive : les nerfs qui contrôlent le resserrement des artérioles sont hypersensibles et provoquent un spasme, plutôt qu’une vasoconstriction normale. Lorsque le spasme cesse, les artérioles se dilatent de nouveau, ce qui rétablit la circulation sanguine.

C’est un médecin français, Maurice Raynaud, qui a décrit le premier les manifestations de cette maladie, en 1862.

Deux atteintes différentes

On distingue deux formes de la maladie en fonction de la cause.

  • La forme primaire (maladie de Raynaud). C’est la forme la plus fréquente, soit 90 % des cas. La plupart du temps, les symptômes sont légers : ils créent une sensation désagréable, mais ne causent pas de dommages aux vaisseaux ou aux tissus. Elle survient le plus souvent vers l’âge de 15 ans à 25 ans. Cette maladie peut parfois disparaître spontanément après quelques années. On a également constaté que ses symptômes diminuent durant la grossesse. On ne connaît pas la cause de la forme primitive de la maladie de Raynaud.
  • La forme secondaire (syndrome de Raynaud ou phénomène de Raynaud). Ce syndrome est beaucoup plus rare et généralement plus grave. Il est causé par des maladies qui atteignent les vaisseaux sanguins, comme la sclérodermie.
    Certains événements - ou activités - peuvent aussi entraîner des dommages aux vaisseaux : engelures ou manipulation d’outils qui vibrent beaucoup ou qui causent des impacts à répétition aux mains, par exemple.
    Prendre certains médicaments à long terme peut également entraîner le syndrome de Raynaud. Pour en savoir plus, voir la section Personnes à risques.
    Le syndrome de Raynaud apparaît habituellement autour de la quarantaine. Les cas graves demandent un suivi médical spécialisé en rhumatologie.

Prévalence

La maladie de Raynaud (forme primaire) est relativement fréquente. Selon les données compilées dans différents pays, on estime que de 5 % à 10 % de la population en souffre.

Le syndrome de Raynaud (forme secondaire) est plus rare. Sa prévalence dépend de celle de sa cause (maladie systémique, activité professionnelle ou exposition à certains médicaments ou substances chimiques spécifiques).

Complications

Dans les cas graves, qui sont rares, la diminution permanente de la circulation sanguine peut entraîner la déformation des doigts ou des orteils.

Si un ou des vaisseaux viennent à être complètement obstrués, de douloureux ulcères peuvent apparaître au bout des doigts ou même la gangrène (mort des tissus). Ces deux complications, difficiles à traiter, surviennent surtout chez les personnes atteintes de sclérodermie.

Symptômes

Une crise peut durer de quelques minutes à quelques heures et entraîner un ou plusieurs des symptômes suivants.

  • Un changement de couleur de la région atteinte, qui passe souvent du rosé naturel au blanc cireux au moment où la circulation sanguine diminue. Dans cette première phase de la crise, il y a souvent un engourdissement et un refroidissement, avec ou sans perte de sensibilité.
  • Parfois, la partie touchée devient bleue, ce qui indique qu’elle n’est plus approvisionnée en oxygène.
  • Lorsque les parties touchées se réchauffent ou lorsque le stress s’estompe, on peut ressentir des fourmillements, des pulsations, de la douleur (plus rarement). Parfois, il y a une légère enflure et de la rougeur.

Note. Les symptômes sont plus graves, plus intenses et durent plus longtemps chez les patients souffrant du syndrome de Raynaud. Chez les personnes touchées par des maladies associées à ce syndrome, d’autres symptômes spécifiques à ces maladies sont généralement présents (voir ci-dessous).

Personnes à risque

Maladie de Raynaud

  • Les femmes sont plus touchées que les hommes : de 75 % à 90 % des cas de maladie de Raynaud sont des femmes âgées de 15 ans à 40 ans.
  • Les personnes dont un parent direct est touché par la maladie : 30 % d’entre elles sont aussi atteintes.

Syndrome de Raynaud

  • Les personnes qui souffrent de certaines maladies auto-immunes :

    - 90 % des personnes atteintes de sclérodermie, 85% des personnes atteintes de la maladie de Sharp (maladie mixte du tissu conjonctif), 30 % des personnes atteintes du syndrome Gougerot-Sjögren et 30 % des personnes atteintes de lupus sont aussi touchées par le syndrome de Raynaud.
  • Les personnes souffrant de polyarthrite rhumatoïde, du syndrome du canal carpien, d'athérosclérose, de troubles thyroïdiens ou de la maladie de Buerger sont aussi plus à risque que la moyenne.
  • Les travailleurs de certains secteurs professionnels

    - les travailleurs qui utilisent des outils mécaniques générant des vibrations (scies à chaînes, marteaux piqueurs, marteaux perforateurs de roc) sont très vulnérables. De 25 % à 50 % d’entre eux peuvent être touchés et ces pourcentages peuvent atteindre 90 % chez ceux qui ont 20 ans d’expérience;

    - les ouvriers des poissonneries (alternance de chaud et de froid et manipulation de glace ou de tout autre produit réfrigérant);

    - les travailleurs du plastique qui sont exposés à du chlorure de vinyle peuvent souffrir d’un syndrome de Raynaud associé à la sclérodermie. À noter que les mesures de protection des ouvriers sont maintenant plus adéquates et que le risque d’exposition toxique serait faible, selon le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail (voir la section Sites d’intérêt);

    - les personnes qui exposent leurs mains à des traumatismes répétés : agents de bureau (travail au clavier), pianistes et utilisateurs réguliers de la paume de la main en tant « qu’outil » pour écraser, presser ou tordre des objets (carreleurs ou carrossiers, par exemple).
  • Les personnes qui ont pris ou qui doivent prendre des médicaments dont l'effet est de contracter les vaisseaux sanguins : les bêta-bloquants (utilisés pour traiter l’hypertension et lesmaladies cardiaques), l’ergotamine (utilisée pour traiter les migraines et les maux de tête), certains traitements de chimiothérapie.

Facteurs de risque

  • Avoir subi des blessures ou des engelures aux pieds et aux mains.

Prévention

Peut-on prévenir?

Comme la maladie de Raynaud est une maladie héréditaire, il n’y a pas de moyen de la prévenir.

Dans le cas du syndrome de Raynaud, qui est causé par des maladies comme la sclérodermie, la prévention n’est pas non plus possible, car ces maladies ont aussi une forte composante génétique.

Dans le cas du syndrome de Raynaud causé par une activité professionnelle, des mesures de protection peuvent réduire les risques.

Mesures pour prévenir les crises

Se protéger du froid

Il s'agit de la meilleure protection qui soit.

À l’extérieur

  • S’habiller chaudement en hiver. Superposer des couches de vêtements minces est plus efficace que porter une seule couche épaisse pour garder sa chaleur. Bien sûr, il est essentiel de porter des gants ou des mitaines ainsi que des chaussettes chaudes, mais il faut aussi bien couvrir le reste du corps, car une baisse de température interne suffit à déclencher une crise. Un chapeau est aussi indispensable, car l’organisme perd beaucoup de chaleur par le cuir chevelu.
  • Lorsque l’on doit aller dehors longtemps ou par temps très froid, l’utilisation de chauffe-mains et de chauffe-orteils est un bon truc. Ces petits sachets renferment des produits chimiques qui, une fois agités, génèrent de la chaleur durant quelques heures. On peut les mettre dans ses mitaines, ses poches, son chapeau. Certains sont prévus pour les bottes, à condition que celles-ci ne soient pas trop serrées. Ils sont généralement vendus dans les magasins d’articles de sport, de chasse et de pêche.
  • En été, les changements subits de température sont à éviter, par exemple lorsque l’on entre dans un endroit climatisé et qu’il fait très chaud dehors. Pour réduire les chocs thermiques, penser systématiquement à avoir un vêtement supplémentaire et des gants avec soi lorsque l’on doit se rendre à l’épicerie, par exemple, ou dans tout autre endroit climatisé.

À l’intérieur

  • En été, si le logement est climatisé, maintenir la climatisation au minimum.
  • Mettre des gants avant de manipuler les produits réfrigérés et congelés.
  • Utiliser un contenant isolant lorsque l’on prend des boissons froides.
  • En hiver, si les crises surviennent la nuit, porter des gants et des chaussettes au lit.

Cesser de fumer

En plus de tous ses autres effets nocifs, le tabagisme a des conséquences directes et tout à fait indésirables sur les personnes qui souffrent de la maladie ou du syndrome de Raynaud. Fumer déclenche le resserrement des vaisseaux sanguins, ce qui augmente le risque de crise, ainsi que l’intensité et la durée des symptômes. De plus, le tabagisme augmente le risque d’obstruction des petits vaisseaux, ce qui peut causer une gangrène. Le tabagisme doit être absolument évité. Voir la fiche Tabagisme.

Gérer son stress

Apprendre à mieux gérer le stress peut aider grandement les personnes dont la maladie est déclenchée par ce facteur. Consulter notre dossier sur le stress pour en savoir plus.

Autres mesures

  • L’activité physique régulière réchauffe le corps, améliore la circulation du sang et contribue à la détente.
  • Être vigilant afin d'éviter des blessures aux mains ou aux orteils.
  • Ne pas porter de bijoux ou d’accessoires serrés sur les mains (bagues, bracelets, etc.), les chevilles ou les pieds (souliers).
  • En cas de travail avec des outils mécaniques qui vibrent beaucoup, n’utiliser que ceux qui sont bien entretenus et en bon état de fonctionnement. D’autres conseils sont donnés à ce sujet dans le document en ligne du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail. Voir la section Sites d’intérêt. Le médecin peut aussi recommander un changement d’activité professionnelle.
  • Éviter la caféine, car cette dernière a un effet vasoconstricteur.
  • Éviter les médicaments contre le rhume qui contiennent de la pseudoéphédrine (Actifed®, Sudafed®, par exemple).
  • Les patientes qui souffrent du syndrome de Raynaud (forme secondaire) doivent éviter la pilule anticonceptionnelle. En effet, les vaisseaux de ces patientes sont prédisposés aux obstructions et la pilule anticonceptionnelle augmente ce risque.

Traitements médicaux

Il n'existe pas encore de traitement définitif pour guérir la maladie de Raynaud (forme primaire). Toutefois, il est possible de diminuer la fréquence des crises en modifiant certaines habitudes, comme cesser de fumer ou bien se protéger du froid (voir la section Prévention, ci-dessus).

Par ailleurs, il ne faut en aucun cas négliger ces symptômes puisqu'ils peuvent cacher une maladie sous-jacente ou être le premier symptôme d'une autre maladie, comme l'arthrite rhumatoïde ou la sclérodermie. Dans ces cas, il s’agit du syndrome de Raynaud (forme secondaire); le traitement vise donc à soigner la maladie sous-jacente, ce qui demande une consultation médicale.

Que faire en cas de crise?

Se mettre au chaud est la première chose à faire, afin de calmer le spasme des vaisseaux sanguins.

  • Pour réchauffer les mains ou les pieds, on peut, selon le cas :
    les placer sous les aisselles,
    les mettre sous un jet d’eau tiède ou les faire tremper dans de l’eau tiède (pas chaude).
  • Pour rétablir la circulation :
    bouger les doigts ou les orteils,
    masser les parties atteintes,
    bouger les bras en faisant de grands cercles.

Lorsque le stress est à l'origine de la crise, se rendre dans un endroit calme et, tout en réchauffant les parties atteintes, utiliser une technique antistress. Ou bien, se sortir de la situation stressante, avec l'aide d'un tiers si nécessaire, afin de relaxer.

Médicaments

Les personnes atteintes de la maladie de Raynaud ont rarement besoin de médicaments. Cependant, ceux-ci deviennent nécessaires en cas de syndrome de Raynaud grave.

Les vasodilatateurs. Ces médicaments favorisent l'irrigation des extrémités en augmentant l'ouverture des vaisseaux sanguins.

  • Les inhibiteurs calciques. Ces médicaments (pinavérium, nifédipine, buflomédil, nimodipine, etc.) ont pour effet de relâcher les muscles et de dilater les petits vaisseaux sanguins. Ils sont habituellement prescrits pour traiter certains troubles cardiaques comme l’angine de poitrine ou l’hypertension. Les inhibiteurs calciques soulagent les deux tiers des patients souffrant de la maladie de Raynaud (primaire ou secondaire). Ils contribuent également à la guérison des ulcérations de la peau sur les doigts et les orteils.
  • Les alpha-bloquants. Ces médicaments (prazosine, doxasosine, etc.) soulagent certains patients en contrecarrant l’action de la norépinéphrine, une hormone qui intervient dans le rétrécissement des vaisseaux sanguins. Ils sont aussi utilisés pour traiter l’hypertension. Leur effet sur le syndrome de Raynaud est modeste; un alpha-bloquant plus spécifique est à l’étude en ce moment.
  • La nitroglycérine sous forme de crème est aussi parfois utilisée dans ce but.

Traitement adjuvant. Lorsqu’un patient ne répond pas au traitement, le médecin peut prescrire d’autres médicaments, qui augmentent l’effet des vasodilatateurs.

  • La fluoxétine (antidépresseur)
  • Le cilostazol
  • La pentoxifilline

Note. Les différents traitements préconisés ne sont pas toujours efficaces, notamment pour traiter le syndrome de Raynaud. Certaines personnes sont plus sensibles aux effets indésirables et tolèrent mal le traitement.

Dans les cas les plus graves

Lorsque la circulation sanguine est bloquée et qu’il y a un risque de gangrène, une hospitalisation peut être nécessaire. Cela permet d’assurer un suivi clinique plus serré et, si nécessaire, d’administrer par voie intraveineuse une médication vasodilatatrice plus puissante. En cas de gangrène avancée, une amputation peut être nécessaire.

L’opinion d'un spécialiste

La forme primaire de la maladie de Raynaud est fréquente et généralement bénigne. En revanche, le syndrome de Raynaud, surtout quand il découle d’une maladie auto-immune comme la sclérodermie, est souvent plus grave et peut devenir handicapant. Un diagnostic précis est nécessaire, car en plus de nuire à la circulation sanguine, ces maladies sous-jacentes peuvent toucher certains organes et menacer la vie du patient.

Si une personne est touchée par la maladie de Raynaud de façon tardive, c'est-à-dire que les symptômes apparaissent après l’âge de 30 ans il faut être vigilant. Si un des critères ci-dessous s’applique, une consultation avec un rhumatologue ou un spécialiste en médecine vasculaire est essentielle :

- pas d’antécédents familiaux de maladie de Raynaud;
- cas de maladies auto-immunes dans la famille;
- sexe masculin.

Au cours de la consultation, en plus d’un examen physique et de tests sanguins, le spécialiste fait un examen simple et non invasif appelé capillaroscopie. En utilisant un microscope pour examiner les vaisseaux et les capillaires (petites artères microscopiques) des doigts ou des orteils, le médecin peut faire la distinction entre la maladie de Raynaud et le syndrome de Raynaud.

Une fois le diagnostic établi, ne paniquez pas. Il est peu fréquent que le syndrome soit grave au point de causer une gangrène menant à une amputation. Tel que décrit dans cette fiche, il existe différents traitements médicaux et un spécialiste saura lequel est adéquat pour vous.

Finalement, Les mesures de prévention des crises sont aussi importantes que le traitement :vous pouvez et vous devez vous protéger.

Dr Ariel Masetto, rhumatologue.

REF.:


Révision médicale (juin 2008) : Dr Ariel Masetto, rhumatologue, Centre hospitalier de l’Université de Sherbrooke, Chaire Lucie et André Chagnon pour l'enseignement d'une approche intégrée en prévention, Université de Sherbrooke.
Révision médicale (2003) :
Dr Paul Lépine M.D., D.O.

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